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27/01/2023 | FRANCE | N°461268

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 janvier 2023, 461268


Vu les procédures suivantes :

La société Parfumerie des Faubourgs a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1701676 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a partielle

ment fait droit à sa demande.

M. D... A... et Mme C... B..., épouse A... ont...

Vu les procédures suivantes :

La société Parfumerie des Faubourgs a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er septembre 2010 au 31 août 2013 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1701676 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à sa demande.

M. D... A... et Mme C... B..., épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement n° 1702197 du 10 mars 2020, le tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à leur demande.

Par un arrêt n°s 20NC002437, 20NC02438 du 9 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a joint les requêtes d'appel formées respectivement par la société Parfumerie des Faubourgs et M. et Mme A... contre les jugements du 10 mars 2020, prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés restant en litige auxquels la société a été assujettie, jugé que les sommes correspondant aux recettes dissimulées par la société, imposées entre les mains de M. et Mme A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, devaient imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, substitué la pénalité de l'article 1758 A du code général des impôts à celle pour manquement délibéré de l'article 1729 du même code, déchargé M. et Mme A... des impositions et pénalités mises à leur charge dans la mesure de ce qui précède, réformé les jugements du tribunal administratif de Besançon en ce qu'ils avaient de contraire à son arrêt et rejeté le surplus des conclusions de la société, de M. et Mme A... ainsi que l'appel incident du ministre formé contre le jugement du 10 mars 2020 rendu dans le litige concernant M. et Mme A....

I - Sous le n° 461268, par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés les 8 février et 2 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 2 à 5 de cet arrêt ainsi que son article 6 en tant qu'il rejette l'appel incident du ministre tendant au rétablissement de l'imposition des sommes inscrites au compte courant d'associé de M. A... dans les écritures de la SNC Parfumerie des Faubourgs ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. et Mme A... et de faire droit à son appel incident.

II - Sous le n° 461270, par un pourvoi et un mémoire en réplique enregistrés les 8 février et 2 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 5 de cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Parfumerie des Faubourgs.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agathe Lieffroy, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme A... et de la société Parfumerie des Faubourgs ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces du dossier que la société Parfumerie des Faubourgs, créée en 2006 et détenue directement et indirectement par M. et Mme A..., avait la nature d'une société en nom collectif (SNC) jusqu'à sa transformation en société anonyme à responsabilité limitée en 2018. Elle a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Par un jugement du 10 mars 2020, le tribunal a prononcé la décharge partielle des suppléments d'impôt en litige et rejeté le surplus des conclusions présentées par la société. Par un arrêt du 9 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a prononcé la décharge des suppléments d'impôt restant en litige au motif que la société Parfumerie des Faubourgs n'avait pu valablement être assujettie à l'impôt sur les sociétés. En conséquence de cette décharge, dans le même arrêt, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, partiellement fait droit à l'appel formé par M. et Mme A... contre un second jugement du 10 mars 2020 du tribunal administratif de Besançon rendu à leur encontre, en jugeant que les sommes correspondant aux recettes dissimulées par la société, imposées entre les mains des intéressé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2011, 2012 et 2013, devaient imposées dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, en substituant la pénalité prévue à l'article 1758 A du code général des impôts infligée aux intéressés à celle prévue à l'article 1729 du même code et en prononçant la décharge des impositions et pénalités correspondantes, et d'autre part, en rejetant l'appel incident du ministre tendant au rétablissement de l'imposition des sommes inscrites au compte courant d'associé de M. A... dans les écritures de la société. Par les pourvois n° 461268 s'agissant du litige relatif à M. et Mme A..., et n° 461270 s'agissant du litige relatif à la société Parfumerie des Faubourgs, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande l'annulation des articles 1 à 5 cet arrêt ainsi que de son article 6 en tant qu'il a rejeté son appel incident.

3. D'une part, aux termes de l'article 8 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. (...)". Aux termes de l'article 206 du même code : " (...) 3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : a. Les sociétés en nom collectif ; (...) ". Aux termes de l'article 239 du même code : " Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. (...) L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés (...) ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe IV au même code : " La notification de l'option prévue à l'article 239 du code général des impôts est adressée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société qui souhaite exercer cette option. La notification indique la désignation de la société et l'adresse du siège social les nom prénoms et adresse de chacun des associés ou participants ainsi que la répartition du capital social entre ces derniers. Elle est signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés ou participants. Il en est délivré récépissé. (...)".

4. D'autre part, aux termes de l'article R. 123-1 du code de commerce : " Les centres de formalités des entreprises reçoivent le dossier unique, prévu à l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle et comportant les déclarations relatives à leur création, aux modifications de leur situation ou à la cessation de leur activité, que les entreprises sont tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l'article 1er de la même loi ". Aux termes de l'article R. 123-3 du même code : " 1° Sous réserve des dispositions des 2° et 3°, les chambres de commerce et d'industrie créent et gèrent les centres de formalités des entreprises compétents pour : (...) b) Les sociétés commerciales ". Aux termes de l'article R. 123-5 du même code : " (...) Toutefois, lorsque la déclaration comporte une demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, d'inscription modificative ou de radiation, le déclarant a la faculté de déposer le dossier de déclaration directement auprès du greffe du tribunal compétent pour y procéder. Dans ce cas, le greffe, qui conserve la demande d'inscription, transmet sans délai le dossier au centre de formalités des entreprises compétent ". Aux termes de l'article R. 123-17 du même code : " La déclaration présentée ou transmise au centre de formalités des entreprises compétent vaut déclaration auprès de l'organisme destinataire, dès lors qu'elle est régulière et complète à l'égard de ce dernier ".

5. En application des dispositions citées aux points 3 et 4

ci-dessus, pour exercer valablement leur option pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux, les sociétés de personnes doivent soit notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, conformément aux prescriptions de l'article 239 du code général des impôts et de l'article 22 de l'annexe IV à ce code, soit cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire remis au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dont elles dépendent à l'occasion de la déclaration de leur création ou de leur modification, manifestant ainsi sans ambiguïté l'exercice de leur option.

6. Il ressort des pièces de la procédure suivie en appel que, par une mesure d'instruction du 9 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Nancy a demandé à l'administration fiscale que soient versés au dossier les éléments justifiant l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés de la société Parfumerie des Faubourgs au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013. Par un courrier du 13 septembre 2021, l'administration fiscale a transmis à la cour les déclarations d'impôt sur les sociétés souscrites par la société au titre de ces exercices. Par lettres du 14 septembre 2021, alors même que le non-assujettissement de la société à l'impôt sur les sociétés, en l'absence de toute contestation sur ce point, ne ressortait pas manifestement des pièces du dossier, la cour a indiqué aux parties qu'elle était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que, la société ayant la forme d'une société en nom collectif au cours des années litigieuses, elle ne pouvait être soumise à l'impôt sur les sociétés à défaut d'une option régulière, laquelle ne pouvait résulter du seul dépôt des déclarations à cet impôt souscrites par la société. En réponse à cette communication, la société a indiqué n'avoir pas retrouvé dans ses archives sociales l'existence d'une telle option. L'administration fiscale, quant à elle, a reconnu que la déclaration de création de la société déposée le 9 novembre 2006 au centre de formalités des entreprises ne mentionnait aucune option pour l'impôt sur les sociétés et a indiqué que le dossier de la société antérieur à 2015 avait été " malencontreusement détruit ". Elle a néanmoins produit la copie d'écran du logiciel de gestion des contribuables professionnels

(" Gespro ") comportant les mentions : " Etat du régime de l'obligation / Option pour l'obligation : Option pour l'IS - 13/11/2006 " ainsi qu'une autre copie d'écran indiquant le dépôt, par la société, sans interruption, des déclarations au titre de l'impôt sur les sociétés de l'exercice clos en 2011 à l'exercice clos en 2018.

7. En estimant que, par les éléments qu'elle avait produits, l'administration fiscale ne justifiait pas de l'existence d'une option valable de la société Parfumerie des Faubourgs à l'impôt sur les sociétés alors même que cette société et M. et Mme A... se bornaient à contester la valeur probante de ces éléments au regard des dispositions mentionnées au point 3 ci-dessus, sans alléguer que la société n'avait jamais exercé une telle option ni que c'était à tort qu'elle s'était acquittée de ses obligations au titre de cet impôt depuis au moins l'exercice clos en 2011 jusqu'à sa transformation en société anonyme à responsabilité limitée, la cour administrative d'appel de Nancy a dénaturé les pièces du dossier.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de ses pourvois, que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 1 à 5 de l'arrêt qu'il attaque ainsi que de son article 6 en tant qu'il rejette l'appel incident du ministre tendant au rétablissement de l'imposition des sommes inscrites au compte courant d'associé de M. A... dans les écritures de la société Parfumerie des Faubourgs.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 9 décembre 2021 ainsi que son article 6 en tant qu'il rejette l'appel incident du ministre tendant au rétablissement de l'imposition des sommes inscrites au compte courant d'associé de M. A... dans les écritures de la SNC Parfumerie des Faubourgs, sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... et de la société Parfumerie des Faubourgs présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à M. D... A... et Mme C... B..., épouse A... et à la société Parfumerie des Faubourgs.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 janvier 2023 où siégeaient :

Mme Anne Egerszegi, présidente de chambre, présidant ; M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat et Mme Agathe Lieffroy, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 janvier 2023.

La présidente :

Signé : Mme Anne Egerszegi

La rapporteure :

Signé : Mme Agathe Lieffroy

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 461268
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 jan. 2023, n° 461268
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Agathe LIEFFROY
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2023:461268.20230127
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