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25/11/2022 | FRANCE | N°465367

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 25 novembre 2022, 465367


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de La Réunion, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 20 janvier 2022 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de Mme A... F... et de M. C... E..., candidats à l'élection départementale organisée les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Saint-Paul 1 à La Réunion.

Par un jugement n° 2200125 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de La Réunion a jugé qu

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Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a saisi le tribunal administratif de La Réunion, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, sur le fondement de sa décision du 20 janvier 2022 constatant l'absence de dépôt du compte de campagne de Mme A... F... et de M. C... E..., candidats à l'élection départementale organisée les 20 et 27 juin 2021 dans le canton de Saint-Paul 1 à La Réunion.

Par un jugement n° 2200125 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de La Réunion a jugé que la CNCCFP a pu constater à bon droit l'absence de dépôt du compte de campagne dans le délai légal et le rejeter, et, en application des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral, a déclaré Mme F... et M. E... inéligibles à tout mandat pour une durée d'un an.

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 29 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme F... et M. E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

3°) de juger qu'il n'y a pas lieu de les déclarer inéligibles ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de Mme F... et de M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que le binôme formé par Mme F... et M. E..., candidats dans le canton de Saint-Denis 1 aux élections départementales qui se sont tenues les 20 et 27 juin 2021, a obtenu plus de 1% des suffrages exprimés au premier tour. Par une décision du 20 janvier 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a constaté que leur compte de campagne n'avait pas été déposé dans le délai prescrit à l'article L. 52-12 du code électoral. En application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral, la Commission a saisi le tribunal administratif de La Réunion qui, par un jugement du 26 avril 2022, a déclaré Mme F... et M. E... inéligibles pour une durée d'un an. Mme F... et M. E... relèvent appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I. Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52 -11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts./ Pour la période mentionnée à l'article L. 52-4 du présent code, le compte de campagne retrace, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection par le candidat ou le candidat tête de liste ou pour son compte, à l'exclusion des dépenses de la campagne officielle. /II.- Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes, notamment d'une copie des contrats de prêts conclus en application de l'article L. 52-7-1 du présent code, ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte./ III.-Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. / Cette présentation n'est pas obligatoire :/ (...) 2° Ou lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. Dans ce cas, il transmet à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, à l'appui du compte de campagne, les relevés du compte bancaire ouvert en application de l'article L. 52-5 ou de l'article L. 52-6 ". Selon l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. ". En l'espèce, le délai imparti aux candidats aux élections départementales générales pour déposer leur compte de campagne expirait le vendredi 17 septembre 2021 à 18 heures en vertu de l'article 11 de la loi du 22 février 2021 portant report, de mars à juin 2021, du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

3. Aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible :/ 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ;/ 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ;/ 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit./ L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. Toutefois, elle n'a pas d'effet sur les mandats acquis antérieurement à la date de la décision. /En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. ".

4. En dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

5. En premier lieu, si, comme le soutiennent les requérants, le tribunal administratif a cité les dispositions des articles L. 52-12 et L. 118-3 du code électoral dans leur version antérieure à la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, qui s'appliquait aux opérations électorales litigieuses, cette erreur n'a pas eu d'incidence sur le bien fondé du jugement, le tribunal ayant fait application des règles, découlant de la version de ces dispositions issues de la loi de 2019, rappelées au point 4.

6. En deuxième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction, que les requérants n'ont déposé leur compte de campagne que le 3 novembre 2021, soit postérieurement à la date limite du 17 septembre 2021 qui leur était impartie et que ce compte ne comportait pas les éléments permettant d'établir le montant des dépenses et des recettes et n'était pas présenté par un expert-comptable. D'autre part, s'ils font valoir, en se référant au compte établi le 10 février 2022 et produit pour la première fois en appel, que la présentation par un expert-comptable n'était pas nécessaire, dès lors qu'ils ont obtenu moins de 5% et que le montant des dépenses et recettes n'excéderait pas le plafond du 2° du III, il résulte de l'instruction que le compte déposé le 3 novembre ne permettait pas d'établir ce montant. Enfin, la circonstance, qu'ils ont produit, en appel, ce nouveau compte de campagne visé le 10 février 2022 par un expert-comptable n'est pas de nature à les faire regarder comme ayant satisfait aux obligations prévues par l'article L. 52-12 du code précité. Dès lors, ils ne sont pas fondés à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a jugé que la CNCCFP a constaté à bon droit l'absence de dépôt dans le délai légal de son compte de campagne.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté l'absence de dépôt du compte de campagne de Mme F... et de M. E... dans le délai légal. Si les requérants font valoir leur inexpérience, la modicité des sommes en cause et l'établissement d'un compte de campagne par un expert-comptable postérieurement à la saisine de la CNCCFP, ces circonstances ne sauraient justifier la méconnaissance pendant plusieurs mois des dispositions précitées du code électoral qui, eu égard à l'absence d'ambigüité de la règle applicable, constitue un manquement grave et délibéré à une obligation substantielle. Par suite, Mme F... et M. E... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le tribunal administratif de La Réunion les a déclarés inéligibles pour une durée d'un an.

8. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de Mme F... et de M. E... doit être rejetée, y compris leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : : La requête de Mme F... et M. E... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... F..., première requérante dénommée, et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 26 octobre 2022 où siégeaient : M. Gilles Pellissier, assesseur, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 25 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Gilles Pellissier

Le rapporteur :

Signé : M. Frédéric Gueudar Delahaye

La secrétaire :

Signé : Mme Corinne Sak


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 nov. 2022, n° 465367
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 25/11/2022
Date de l'import : 01/12/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 465367
Numéro NOR : CETATEXT000046618743 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-11-25;465367 ?
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