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23/11/2022 | FRANCE | N°456623

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 23 novembre 2022, 456623


Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner à l'Etat de lui attribuer un logement sous astreinte de 500 euros par mois de retard. Par une ordonnance n° 2020184 du 5 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 2 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'a

ffaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la s...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'ordonner à l'Etat de lui attribuer un logement sous astreinte de 500 euros par mois de retard. Par une ordonnance n° 2020184 du 5 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 septembre et 2 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Marlange, de La Burgade, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commission de médiation de Paris a, par une décision du 23 janvier 2020, déclaré Mme A... prioritaire et devant être relogée en urgence sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation. L'intéressée a saisi le tribunal administratif de Paris, sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du même code, d'une demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, d'exécuter cette décision. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 5 février 2021 par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande au motif qu'elle était tardive et, par suite, irrecevable.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation : " A compter du 1er décembre 2008, le recours devant la juridiction administrative prévu au I de l'article L. 441-2-3-1 peut être introduit par le demandeur qui n'a pas reçu d'offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités passé un délai de trois mois à compter de la décision de la commission de médiation le reconnaissant comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence. Dans les départements d'outre-mer et dans les départements comportant au moins une agglomération, ou une partie d'une agglomération, de plus de 300 000 habitants, ce délai est de six mois ". Aux termes de l'article R. 778-2 du même code : " Les requêtes mentionnées à l'article R. 778-1 sont présentées dans un délai de quatre mois à compter de l'expiration des délais prévus aux articles R. 441-16-1, (...) du code de la construction et de l'habitation (...) ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article 1er de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus ". Aux termes de l'article 6 : " Le présent titre s'applique aux administrations de l'Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu'aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d'une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 7 : " Sous réserve des obligations qui découlent d'un engagement international ou du droit de l'Union européenne, les délais à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis de l'un des organismes ou personnes mentionnés à l'article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu'à la fin de la période mentionnée au I de l'article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l'article 1er est reporté jusqu'à l'achèvement de celle-ci ".

4. Il résulte de ces dispositions combinées que le délai de six mois initialement imparti au préfet de Paris pour faire une offre de logement à Mme A... a été suspendu le 12 mars 2020, alors qu'il courait depuis un mois et vingt jours, avant de reprendre, pour la durée restante, à compter du 24 juin 2020. Par suite, le délai de recours de quatre mois imparti à Mme A... par l'article R. 778-2 du code de justice administrative, qui avait commencé à courir à l'expiration du délai de six mois imparti au préfet, n'était pas échu le 26 novembre 2020, date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif de Paris. En jugeant que ce délai avait expiré le 24 novembre 2020, pour en déduire que sa requête devait être rejetée comme tardive, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à la société Marlange, de la Burgade, avocat de Mme A..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance n° 2020184 du 5 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Marlange, de la Burgade une somme de 2 400 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2022 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Joachim Bendavid, auditeur-rapporteur.

Rendu le 23 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Joachim Bendavid

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 456623
Date de la décision : 23/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 nov. 2022, n° 456623
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456623.20221123
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