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22/11/2022 | FRANCE | N°456178

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 22 novembre 2022, 456178


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé, après sa nomination comme élève surveillant, de maintenir le niveau de rémunération qu'il percevait en tant que fonctionnaire de la Polynésie française et, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le reclasser dans le corps des surveillants de l'administration pénitentiaire avec maintien de sa rémunération. Par une

ordonnance n° 1618438 du 27 octobre 2016, le vice-président du tribu...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 6 juillet 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé, après sa nomination comme élève surveillant, de maintenir le niveau de rémunération qu'il percevait en tant que fonctionnaire de la Polynésie française et, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de le reclasser dans le corps des surveillants de l'administration pénitentiaire avec maintien de sa rémunération. Par une ordonnance n° 1618438 du 27 octobre 2016, le vice-président du tribunal administratif de Paris a transmis la requête au tribunal administratif de Bordeaux, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1604733 du 18 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18BX03256 du 31 mai 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement ainsi que la décision du 6 juillet 2016, enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de procéder au versement du rappel de rémunération due à M. B... et, à l'article 4, rejeté le surplus des conclusions de ce dernier.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 août et 30 novembre 2021 et 24 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. B... ;

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., rédacteur de la fonction publique de la Polynésie, a été nommé élève surveillant par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 29 février 2016, à la suite de sa réussite au concours de recrutement des surveillants des services pénitentiaires en Polynésie française. Cet arrêté lui accorde l'indice majoré 313, correspondant au 1er échelon du grade de surveillant. Par un courrier du 2 mai 2016, M. B... a introduit un recours gracieux, qualifié de " recours hiérarchique ", auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, contre cet arrêté en tant qu'il fixait son indice et sollicité le maintien de la rémunération qu'il percevait comme fonctionnaire polynésien. Par une décision du 6 juillet 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté ce recours. Par un jugement du 18 juin 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de rejet du 6 juillet 2016. M. B..., au regard des moyens qu'il invoque, doit être regardé comme demandant l'annulation de l'article 4 de l'arrêt du 31 mai 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 février 2016 en tant qu'il procède à son classement indiciaire.

2. Il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Il appartient, en conséquence, au juge administratif, s'il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d'interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que M. B... a présenté devant le tribunal administratif de Bordeaux des conclusions tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice, du 6 juillet 2016 rejetant son recours gracieux contre l'arrêté du 29 février 2016 en tant qu'il fixe son classement indiciaire. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que de telles conclusions devaient être regardées comme dirigées non pas contre la décision de rejet de son recours administratif mais contre cet arrêté du 29 février 2016 dans la mesure où il était contesté. Il suit de là qu'en jugeant que M. B... avait présenté, pour la première fois en appel, des conclusions dirigées contre cet arrêté et que ces dernières étaient donc irrecevables, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est méprise sur la portée des écritures de première instance et l'étendue du litige soumis au tribunal administratif et, par conséquent, à elle-même. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'article 4 de l'arrêt attaqué en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 février 2016.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 mai 2021 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. B... dirigées contre l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 29 février 2016.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré à l'issue de la séance du 27 octobre 2022 où siégeaient : M. Bertrand Dacosta, président de chambre, présidant ; M. Alexandre Lallet, conseiller d'Etat et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 22 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Bertrand Dacosta

Le rapporteur :

Signé : M. David Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Naouel Adouane


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 456178
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 22 nov. 2022, n° 456178
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456178.20221122
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