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17/11/2022 | FRANCE | N°454095

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 17 novembre 2022, 454095


Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. B... F... et autres dirigées contre l'arrêt n° 18PA03164 du 30 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que, pour évaluer les divers frais liés à son handicap, il déduit les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;



- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le ra...

Vu la procédure suivante :

Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. B... F... et autres dirigées contre l'arrêt n° 18PA03164 du 30 avril 2021 de la cour administrative d'appel de Paris en tant que, pour évaluer les divers frais liés à son handicap, il déduit les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Labrune, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. F..., de Mme D... F..., de M. A... F..., de Mme C... F... et de M. E... F..., à la SARL Didier-Pinet, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du centre hospitalier Jacques Coeur de Bourgeset de la Société hospitalière d'assurances mutuelles.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 30 avril 2021, la cour administrative d'appel de Paris a condamné le centre hospitalier Jacques Cœur de Bourges et l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser diverses indemnités et une rente à M. F... et ses ayants droit à raison des fautes commises par ces établissements dans sa prise en charge. Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de M. F... et autres dirigées contre cet arrêt en tant que, pour évaluer les préjudices correspondant aux divers frais liés à son handicap, il déduit les sommes perçues par la victime au titre de la prestation de compensation du handicap.

2. D'une part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais liés au handicap le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.

3. Les règles rappelées au point précédent ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

4. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France (...) dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces". Aux termes de l'article L. 245-3 du même code : " La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges : / 1° liées à un besoin d'aides humaines y compris, le cas échéant, celles apportées par des aidants familiaux ; / 2° Liées à un besoin d'aides techniques, (...) ; / 3° Liées à l'aménagement du logement et du véhicule de la personne handicapée, ainsi qu'à d'éventuels surcoûts résultant de son transport ; / 4° Spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou l'entretien de produits liés au handicap ; / 5° Liées à l'attribution et à l'entretien des aides animalières (...) ". En vertu du 3ème alinéa de l'article L. 245-7 du même code, les sommes versées au titre de cette prestation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. En conséquence, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, le montant de la prestation de compensation du handicap peut être déduit d'une indemnité allouée au titre des frais exposés en raison du handicap de la victime.

5. En jugeant cependant que les sommes perçues par M. F... au titre de la prestation de compensation du handicap à hauteur de 91 021,41 euros seraient déduites de l'indemnité qu'elle a allouée au titre des frais divers liés à son handicap, alors que le montant cumulé de ces prestations et de l'indemnisation mise à la charge du centre hospitalier Jacques Cœur de Bourges et de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, dont les fautes ont entraîné pour M. F... une perte de chance totale évaluée à 25 % de ne pas conserver de séquelles de l'hématome épidural compressif dont il a été victime, ne pouvait pas excéder le montant total des frais divers liés au handicap, qu'elle a évalué à 530 571,88 euros, la cour administrative d'appel de Paris a, au regard de ce qui est dit au point 3, et ainsi que M. F... et autres le soutiennent par un moyen qui procède de l'arrêt et n'est donc pas nouveau en cassation, entaché son arrêt d'erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que, dans la limite de l'admission partielle prononcée par la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il déduit de l'indemnité due à M. B... F... en réparation de son préjudice lié à l'assistance par une tierce personne les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, dans la même limite, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Par une partie définitive de son arrêt du 30 avril 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, évalué à 530 571,88 euros l'ensemble des frais liés au handicap de la victime et, d'autre part, fixé le montant versé au titre de la prestation de compensation du handicap à la somme non contestée de 91 021,41 euros. Par suite, le montant cumulé de l'indemnisation réparant l'ensemble des frais liés au handicap de la victime, après prise en compte du taux de perte de chance totale de 25 % d'éviter le dommage retenu, et du montant alloué au titre de la prestation de compensation du handicap ne pouvait excéder, en l'espèce, le montant total des frais réparant le handicap de la victime. Dans ces conditions, ainsi qu'il est dit au point 5, il n'y a pas lieu de déduire du montant de cette indemnité les sommes perçues par M. F... au titre de la prestation de compensation du handicap. Par conséquent, il y a lieu de condamner le centre hospitalier Jacques Cœur de Bourges, solidairement avec son assureur la SHAM, et l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, à verser à M. F... respectivement la somme de 82 902 euros et celle de 49 741 euros compte tenu de la répartition entre eux du taux de perte de chance fixée respectivement à 15,625 % et 9,375 % par la partie définitive de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge, d'une part, du centre hospitalier Jacques Cœur de Bourges, solidairement avec son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles, et, d'autre part, de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris une somme de 2 000 euros chacun à verser à M. B... F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. F... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 avril 2021 est annulé en tant qu'il déduit de l'indemnité due à M. B... F... en réparation de son préjudice correspondant à l'ensemble des frais liés à son handicap les sommes perçues au titre de la prestation de compensation du handicap.

Article 2 : Le centre hospitalier Jacques Cœur, solidairement avec son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles, est condamné à verser à M. B... F... la somme de 82 902 euros.

Article 3 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à M. B... F... la somme de 49 741 euros.

Article 4 : Le centre hospitalier Jacques Cœur de Bourges, solidairement avec son assureur la Société hospitalière d'assurances mutuelles, versera à M. B... F..., une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris versera à M. B... F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les conclusions présentées par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : La présente décision sera notifiée à M. B... F..., premier requérant dénommé, au centre hospitalier Jacques Cœur de Bourges, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles et à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et M. Nicolas Labrune, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 17 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

Le rapporteur :

Signé : M. Nicolas Labrune

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 17 nov. 2022, n° 454095
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Nicolas Labrune
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SARL DIDIER-PINET ; SARL LE PRADO – GILBERT

Origine de la décision
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 17/11/2022
Date de l'import : 20/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 454095
Numéro NOR : CETATEXT000046577814 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-11-17;454095 ?
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