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15/11/2022 | FRANCE | N°463419

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 15 novembre 2022, 463419


Vu la procédure suivante :

Par une protestation, enregistrée à la préfecture de Wallis et Futuna le 4 avril 2022 et transmise au Conseil d'Etat le 21 avril 2022, et deux mémoires en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 juillet 2022, Mme A... J... E... demande au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 20 mars 2022 dans la circonscription de Hahake en vue de l'élection des membres de l'assemblée territoriale de Wallis et Futuna.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code

électoral ;

- la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 ;

- le code de justice administra...

Vu la procédure suivante :

Par une protestation, enregistrée à la préfecture de Wallis et Futuna le 4 avril 2022 et transmise au Conseil d'Etat le 21 avril 2022, et deux mémoires en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 juillet 2022, Mme A... J... E... demande au Conseil d'Etat d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 20 mars 2022 dans la circonscription de Hahake en vue de l'élection des membres de l'assemblée territoriale de Wallis et Futuna.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 20 mars 2022 dans la circonscription de Hahake pour la désignation des membres de l'assemblée territoriale de Wallis et Futuna, la liste " Ta'ofi ke ma'u pea sio mama'o " a obtenu 552 voix et un siège, la liste " Ta'ofi ki Uvea mo Futuna " 535 voix et un siège, la liste " Le'o o he kaha'u lelei " 435 voix et un siège et la liste " Ofa kite kaha'u " 354 voix et un siège. La liste " Amani kihe apogipogi lelei ", conduite par Mme E..., est arrivée en cinquième position avec 308 voix et n'a obtenu aucun siège. Cette dernière demande l'annulation de ces élections.

Sur la tenue des listes électorales :

2. Il n'appartient pas au juge de l'élection, en l'absence de manœuvre ou d'irrégularité de la procédure suivie pour dresser les listes électorales susceptible d'avoir altéré la sincérité du scrutin, d'apprécier la régularité de l'inscription ou de la radiation d'un électeur sur les listes électorales.

3. Si la requérante soutient, d'une part, que 42 électeurs ont été radiés des listes électorales de la circonscription de Hahake le jour même du scrutin sans information et sans possibilité de présenter une contestation devant le tribunal judiciaire et, d'autre part, que 21 électeurs étaient inscrits simultanément sur les listes électorales de la circonscription de Hahake et en Nouvelle-Calédonie, il n'est, en tout état de cause, ni établi, ni même allégué, que ces radiations et inscriptions procèderaient d'une manœuvre. Les griefs soumis au juge de l'élection ne peuvent, par suite, qu'être écartés.

Sur les procurations :

4. Si la requérante soutient que de nombreuses procurations auraient été obtenues sous influence, elle n'assortit ce grief d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Elle ne peut, à cet égard, utilement soutenir qu'elle n'a pu obtenir la communication des procurations annexées aux procès-verbaux des opérations électorales, aucune disposition ne prévoyant la possibilité pour les électeurs d'avoir accès à ces pièces.

Sur le déroulement de la campagne électorale :

5. S'il n'appartient pas au juge de l'élection de faire application de l'article L. 106 du code électoral en ce qu'il édicte des sanctions pénales, il lui revient, en revanche, de rechercher si des pressions telles que définies par cet article ont été exercées sur les électeurs et ont été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

6. La requérante produit une liste d'aides sociales, aides à projet et subventions attribuées par l'assemblée territoriale de Wallis et Futuna à 25 personnes ou associations entre septembre 2021 et février 2022. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas même allégué, que ces aides présenteraient un caractère inhabituel ou qu'elles auraient fait l'objet d'une communication particulière auprès de leurs bénéficiaires ou de la population. Par suite, ces aides ne peuvent être regardées comme constitutives d'une manœuvre destinée à faire pression sur les électeurs.

7. Si la requérante soutient que les dispositions législatives du code électoral encadrant les dépenses de campagne électorale devraient être applicables à Wallis et Futuna dès lors qu'elles le sont à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, elle ne soulève, en tout état de cause, aucune question prioritaire de constitutionnalité à l'encontre de ces dispositions. Ce grief ne peut par suite qu'être écarté.

Sur le déroulement du scrutin :

8. La requérante produit six attestations signées dont les auteurs affirment avoir vu deux électeurs rentrer ensemble dans l'isoloir. Toutefois, ces attestations, qui concernent chacune des cas différents, sont isolées et il résulte de l'instruction qu'aucune observation concernant ces faits n'a été portée sur les procès-verbaux des bureaux de votes qui, en application de l'article R. 52 du code électoral, étaient tenus à la disposition des membres du bureau, candidats, remplaçants et délégués des candidats, électeurs du bureau et personnes chargées du contrôle des opérations pour y porter leurs observations ou réclamations. Par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article L. 62 du code électoral doit être écarté.

Sur les listes d'émargement :

9. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 62-1 du code électoral : " Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 64 du même code : " Lorsqu'un électeur se trouve dans l'impossibilité de signer, l'émargement prévu par le troisième alinéa de l'article L. 62-1 est apposé par un électeur de son choix qui fait suivre sa signature de la mention suivante : l'électeur ne peut signer lui-même ". Aux termes de l'article L. 74 du même code : " Le ou la mandataire participe au scrutin dans les conditions prévues à l'article L. 62. / (...) / Son vote est constaté par sa signature apposée à l'encre sur la liste d'émargement en face du nom du mandant ". Il résulte des dispositions des articles L. 62-1 et L. 64 du code électoral, destinées à assurer la sincérité des opérations électorales, que seule la signature personnelle, à l'encre, d'un électeur est de nature à apporter la preuve de sa participation au scrutin, sauf cas d'impossibilité dûment reportée sur la liste d'émargement. Ainsi, la constatation d'un vote par l'apposition d'une croix sur la liste d'émargement ne peut être regardée comme garantissant l'authenticité de ce vote.

10. Si la requérante fait valoir que de nombreux électeurs n'ont pas signé eux-mêmes la liste d'émargement sans que la mention " ne peut signer lui-même " apparaisse, elle ne signale dans l'annexe à sa requête intitulée " anomalies sur les listes d'émargement " que le cas de l'électeur n° 764 du bureau de vote de Hahake centre. Or il ne ressort pas de la liste d'émargement de ce bureau que cet électeur n'aurait pas signé lui-même.

11. Si la requérante soutient que la désignation du mandataire et du mandant aurait été omise dans plusieurs cas, elle n'apporte aucune précision permettant d'apprécier le bien-fondé de ce grief.

12. Enfin, il ne résulte pas de l'examen des listes d'émargement des trois bureaux de vote de la circonscription de Hahake que des électeurs se seraient bornés à apposer en face de leur nom une croix ou un signe géométrique ne permettant pas de les identifier.

13. Il s'ensuit que les griefs tirés de la méconnaissance des articles L. 62-1, L. 64 et L. 74 du code électoral doivent être écartés.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la protestation de Mme E... doit être rejetée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La protestation de Mme E... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... J... E..., à M. D... H..., à Mme C... B..., à Mme F... G..., à M. I... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Thomas Andrieu, M. Alexandre Lallet, M. Nicolas Polge, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. David Moreau, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 15 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. David Moreau

La secrétaire :

Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 463419
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2022, n° 463419
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:463419.20221115
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