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15/11/2022 | FRANCE | N°455932

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 15 novembre 2022, 455932


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise en sa session des 10 et 11 mars 2021, rejetant son recours contre la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des vétérinaires l'a radié du tableau de l'ordre ;

2°) de m

ettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 3 500 e...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 août et 24 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise en sa session des 10 et 11 mars 2021, rejetant son recours contre la décision du 17 décembre 2020 par laquelle le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des vétérinaires l'a radié du tableau de l'ordre ;

2°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'arrêté du 13 mars 2015 relatif aux catégories d'établissements de soins vétérinaires ;

- le code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2022, présentée par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Krivine, Viaud, avocat de M. A... et au cabinet Rousseau, Tapie, avocat du Conseil national de l'ordre des vétérinaires ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du III de l'article L. 242-4 du code rural et de la pêche maritime : " III. - L'inscription au tableau de l'ordre, ou le transfert de l'inscription en cas de changement de domicile professionnel, est demandée par les personnes mentionnées au premier alinéa du I de l'article L. 242-1, agissant à titre personnel ou en qualité de membres d'une société. Le conseil régional destinataire de la demande et la liste des pièces qui doivent l'accompagner sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / (...) / L'inscription ne peut être refusée que par décision motivée. Les décisions de refus d'inscription peuvent faire l'objet d'un appel devant le conseil national de l'ordre exercé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / En demandant leur inscription au tableau ou celle de la société dont ils sont associés, les vétérinaires s'engagent sous la foi du serment à exercer leur profession avec conscience et probité. Nul ne peut être inscrit au tableau s'il ne remplit les conditions requises par le présent titre et notamment les conditions nécessaires de moralité, d'indépendance et de compétence. Le conseil régional peut prononcer d'office l'omission temporaire du tableau et, le cas échéant, radier de celui-ci les personnes qui, par suite de l'intervention de circonstances postérieures à leur inscription, ont cessé de remplir ces conditions ou dont l'état pathologique ou l'infirmité rend dangereux l'exercice de la profession. / Les conditions d'inscription au tableau, d'omission et de radiation du tableau sont précisées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 242-89 du même code, dans sa version applicable au litige : " I. - Sauf lorsqu'elles sont prononcées à la demande du vétérinaire concerné, les décisions d'omission temporaire ou de radiation prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 242-4 sont prises par le conseil régional de l'ordre dans le ressort duquel il a son domicile professionnel administratif dans les conditions prévues au présent article. Elles ne peuvent être motivées par des faits pouvant donner lieu à poursuites disciplinaires en application de l'article L. 242-6. / (...) / III. - La décision prononçant l'omission temporaire ou la radiation est notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, ou par tout moyen présentant des garanties équivalentes, à l'intéressé ainsi qu'au président du conseil national de l'ordre des vétérinaires, au préfet du département du domicile professionnel administratif du vétérinaire et, pour les vétérinaires exerçant dans une entreprise ou un établissement mentionné à l'article L. 5142-1 du code de la santé publique, au directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Elle entre en vigueur huit jours après sa notification à l'intéressé. / La notification mentionnée au précédent alinéa précise que la décision peut faire l'objet d'un recours devant le conseil national de l'ordre des vétérinaires dans un délai de deux mois à compter de sa notification. / (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 17 décembre 2020 prise sur le fondement des dispositions citées au point 1, le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des vétérinaires a radié du tableau de l'ordre M. A..., vétérinaire exerçant à Porto-Vecchio, au motif qu'il n'avait pas effectué de déclaration de domicile professionnel d'exercice. En application des dispositions de l'article R. 242-89 du code rural et de la pêche maritime citées au même point, M. A... a saisi le Conseil national de l'ordre des vétérinaires d'un recours administratif contre cette décision. Par une décision adoptée lors de sa session des 10 et 11 mars 2021, dont M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir, le Conseil national a rejeté son recours et confirmé la décision du conseil régional du 17 décembre 2020.

3. Aux termes de l'article R. 242-85 du code rural et de la pêche maritime : " Tout vétérinaire qui sollicite son inscription au tableau de l'ordre adresse sa demande, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou dans les conditions prévues par l'article L. 112-15 du code des relations entre le public et l'administration, au président du conseil régional de l'ordre dans la circonscription duquel il se propose de fixer son domicile professionnel administratif dans les conditions prévues par l'article R. 242-52. (...). / Le formulaire de demande d'inscription est accompagné des pièces suivantes : / 1° La présentation de l'original ou la production ou l'envoi d'une photocopie lisible d'un passeport ou d'une carte nationale d'identité en cours de validité ; / 2° La copie du diplôme d'Etat de docteur vétérinaire ou d'un diplôme, certificat ou titre de vétérinaire mentionnés à l'article L. 241-2, ainsi que, pour les vétérinaires mentionnés à l'article L. 241-2-1, de l'arrêté ministériel les habilitant à exercer en France ; / 3° Un extrait de casier judiciaire datant de moins de trois mois, remplacé ou complété, pour les vétérinaires originaires de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen, par une attestation délivrée depuis moins de trois mois par l'autorité compétente de l'Etat membre d'origine ou de provenance, certifiant que sont remplies les conditions de moralité et d'honorabilité exigées dans cet Etat pour l'accès aux activités de vétérinaire ; / 4° Une déclaration manuscrite rédigée en langue française par laquelle, sous la foi du serment, l'intéressé déclare avoir eu connaissance du code de déontologie vétérinaire et s'engage à exercer sa profession avec conscience, honneur et probité ; / (...) / 7° Un justificatif de domicile professionnel administratif ; / (...) / Il peut être exigé du vétérinaire qui sollicite son inscription de rendre préalablement visite à un membre du conseil régional de l'ordre spécialement désigné par le président ou le secrétaire général. / Il peut être également exigé du vétérinaire qu'il fournisse tous éléments de nature à établir qu'il possède les connaissances linguistiques nécessaires à l'exercice de la profession de vétérinaire ". Aux termes de l'article R. 242-52 du même code : " (...) / Le domicile professionnel administratif d'un vétérinaire est le lieu retenu pour l'inscription au tableau de l'ordre. / Les personnes physiques ou morales exerçant la profession doivent avoir un domicile professionnel administratif unique sur le territoire français. / Le domicile professionnel administratif constitue, à défaut d'indication contraire du vétérinaire, l'adresse de correspondance pour le conseil régional de l'ordre. / Le domicile professionnel administratif peut être confondu avec le domicile personnel, il peut être le domicile professionnel d'exercice ou l'un d'eux en cas de multiplicité de domiciles professionnels d'exercice ". Aux termes de l'article R. 242-53 de ce code : " (...) / Le domicile professionnel d'exercice est le lieu d'implantation de locaux professionnels où s'exerce la profession de vétérinaire, accessibles à tout moment par le ou les vétérinaires qui y exercent. / Tout domicile professionnel d'exercice fait l'objet d'une déclaration au conseil régional de l'ordre dans le ressort duquel sont inscrits le ou les vétérinaires qui y exercent, et ce préalablement à son ouverture. Le conseil régional destinataire de cette déclaration informe le ou les conseils régionaux de la circonscription où se situent, le cas échéant, les autres domiciles professionnels d'exercice. / Tout vétérinaire inscrit à l'ordre et en exercice a au moins un domicile professionnel d'exercice. / (...) / L'organisation et l'aménagement des locaux du domicile professionnel d'exercice doivent à la fois garantir l'indépendance du vétérinaire et permettre le respect du secret professionnel. Selon le cas, ni le bail, ni le règlement de copropriété ne comporte de clause portant atteinte à l'indépendance du vétérinaire ".

4. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la déclaration préalable au conseil régional de l'ordre des vétérinaires territorialement compétent d'un domicile professionnel d'exercice, prévue par l'article R. 242-53 du code rural et de la pêche maritime, n'est pas au nombre des conditions requises pour l'inscription au tableau de l'ordre par le titre IV du livre II du même code et précisées à son article R. 242-85, lesquelles n'exigent, en matière de domiciliation, qu'un justificatif de domicile professionnel administratif. Ainsi, la circonstance que le lieu d'exercice d'un vétérinaire ne satisfait pas aux conditions fixées à l'article R. 242-53 du code rural et de la pêche maritime, si elle est susceptible de fonder des poursuites disciplinaires contre le vétérinaire en cause, ne peut servir de fondement à une décision de radiation du tableau de l'ordre prise en application des dispositions du III de l'article L. 242-4 du même code.

5. Il s'ensuit qu'en confirmant, par la décision attaquée, la radiation de M. A... du tableau de l'ordre au motif " qu'il ne présente pas les conditions nécessaires à son inscription au tableau de l'Ordre ", après avoir constaté qu'il n'a pas déclaré de domicile professionnel d'exercice au conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse de l'ordre des vétérinaires, le Conseil national de l'ordre des vétérinaires a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des vétérinaires la somme de 3 000 euros à verser à M. A... au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision du Conseil national de l'ordre des vétérinaires, prise en sa session des 10 et 11 mars 2021, est annulée.

Article 2 : Le Conseil national de l'ordre des vétérinaires versera à M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le Conseil national de l'ordre des vétérinaires au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au Conseil national de l'ordre des vétérinaires.


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455932
Date de la décision : 15/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-042 PROFESSIONS, CHARGES ET OFFICES. - CONDITIONS D'EXERCICE DES PROFESSIONS. - VÉTÉRINAIRES. - DÉCLARATION AU CONSEIL RÉGIONAL DE L’ORDRE D’UN DOMICILE PROFESSIONNEL D’EXERCICE – 1) CONDITION POUR L’INSCRIPTION AU TABLEAU DE L’ORDRE – ABSENCE – 2) LIEU D’EXERCICE NE SATISFAISANT PAS AUX CONDITIONS REQUISES – CONSÉQUENCES POSSIBLES – A) POURSUITES DISCIPLINAIRES – EXISTENCE – B) RADIATION – ABSENCE.

55-03-042 1) Il résulte des articles R. 242-52, R. 242-53 et R. 242-85 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) que la déclaration préalable au conseil régional de l’ordre des vétérinaires territorialement compétent d’un domicile professionnel d’exercice, prévue par l’article R. 242-53 du CRPM, n’est pas au nombre des conditions requises pour l’inscription au tableau de l’ordre par le titre IV du livre II du même code et précisées à son article R. 242-85, lesquelles n’exigent, en matière de domiciliation, qu’un justificatif de domicile professionnel administratif. ...2) a) Ainsi, la circonstance que le lieu d’exercice d’un vétérinaire ne satisfait pas aux conditions fixées à l’article R. 242-53 du CRPM, si elle est susceptible de fonder des poursuites disciplinaires contre le vétérinaire en cause, b) ne peut servir de fondement à une décision de radiation du tableau de l’ordre prise en application du III de l’article L. 242-4 du même code.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 nov. 2022, n° 455932
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE ; SCP KRIVINE, VIAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455932.20221115
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