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15/11/2022 | FRANCE | N°449077

France | France, Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 15 novembre 2022, 449077


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 25 janvier 2021 et le 27 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction technique n° DGAL/SDSSA/2020-722 du 23 novembre 2020 du directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j

ustice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 25 janvier 2021 et le 27 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'instruction technique n° DGAL/SDSSA/2020-722 du 23 novembre 2020 du directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de l'association Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs ;

Considérant ce qui suit :

1. L'association Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (OABA) demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'instruction technique n° DGAL/SDSSA/2020-722 du 23 novembre 2020 du directeur général de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation qui détaille les contrôles officiels relatifs à la protection animale en établissement d'abattage de volailles pour les différentes modalités de leur mise à mort, notamment pour les types d'abattage qui, relevant de méthodes particulières prescrites par des rites religieux, sont autorisés à déroger à l'obligation d'étourdissement préalable. Au vu des moyens qu'elle soulève, les conclusions de l'association requérante doivent être regardées comme dirigées contre les deux ensembles divisibles constitués au sein de cette instruction technique, d'une part, par ses dispositions relatives à l'abattage rituel des volailles pratiqué avec un étourdissement ne respectant pas les spécifications électriques des paramètres essentiels prescrites par le règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, à savoir les dispositions de son point II.3 portant sur les exigences d'étourdissement, de saignée et de contrôle de la perte de conscience spécifiques à ce type d'abattage rituel, celles du 2 de son point III.2 portant sur les tests de validation du processus de cet abattage rituel par contrôle interne, celles du 2 de son point V.I portant sur les contrôles de cet abattage rituel par l'administration et leurs indicateurs et de son annexe I présentant le cadre réglementaire de l'abattage rituel des volailles selon la pratique de l'étourdissement et, d'autre part, par son annexe IV en tant qu'elle ne mentionne pas l'infraction délictuelle de mauvais traitements envers les animaux placés sous la garde d'un exploitant d'établissement d'abattage poursuivie et réprimée par l'article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". Selon les termes du paragraphe II de l'article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime, le ministre chargé de l'agriculture fixe par arrêté les procédés d'étourdissement et de mise à mort des animaux.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'instruction technique contestée, qui a notamment pour objet de fixer les contrôles applicables aux abattages rituels de volailles réalisés avec un étourdissement par électronarcose en bain d'eau ne respectant pas les spécifications électriques des paramètres essentiels de cette technique d'étourdissement prescrites par le règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009, a été signée par M. A... B..., nommé directeur général de l'alimentation au ministère de l'agriculture et de l'alimentation par le décret du 30 avril 2019, publié au Journal officiel de la République française n° 0102 du 2 mai 2019 et, dès lors, n'a pas été prise par une autorité incompétente.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 2, sous f) et sous p) du règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort : " Aux fins du présent règlement, on entend par (...) / f) " étourdissement ", tout procédé appliqué intentionnellement qui provoque une perte de conscience et de sensibilité sans douleur, y compris tout procédé entraînant une mort immédiate ; / (...) / p) " immobilisation ", l'application à un animal de tout procédé conçu pour entraver ses mouvements et lui épargner toute douleur, peur ou agitation évitable, en vue de faciliter un étourdissement et une mise à mort efficaces ". Aux termes de l'article 4 du même règlement: " 1. Les animaux sont mis à mort uniquement après étourdissement selon les méthodes et les prescriptions spécifiques relatives à leur application exposée à l'annexe I. L'animal est maintenu dans un état d'inconscience et d'insensibilité jusqu'à sa mort. / (...) / 4. Pour les animaux faisant l'objet de méthodes particulières d'abattage prescrites par des rites religieux, les prescriptions visées au paragraphe 1 ne sont pas d'application pour autant que l'abattage ait lieu dans un abattoir ". Pour les différents types de volailles, le tableau 2 figurant au point 6.3 du chapitre II de l'annexe I de ce règlement fixe les prescriptions en matière électrique, de fréquences maximales exprimées en hertz et d'intensités minimales exprimées en milliampères, des paramètres essentiels de la méthode électrique d'étourdissement par bain d'eau. Aux termes de l'article 15 du même règlement : " (...) / 2. Les exploitants font en sorte que tous les animaux mis à mort conformément à l'article 4, paragraphe 4, sans étourdissement préalable soient individuellement immobilisés ; (...) 3. Les méthodes d'immobilisation ci-après sont interdites : / a) suspendre ou hisser des animaux conscients; / b) serrer ou attacher les pattes ou les pieds des animaux par un dispositif mécanique ; (...) / Les points a) et b) ne s'appliquent toutefois pas aux crochets de suspension utilisés pour les volailles ". Aux termes du 1 de l'article 26 de ce règlement : " Le présent règlement n'empêche pas les États membres de maintenir toute règle nationale, applicable à la date d'entrée en vigueur dudit règlement, visant à assurer une plus grande protection des animaux au moment de leur mise à mort ".

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 214-64 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Au sens de la présente section et des textes pris pour son application, on entend par : (...) / 4° " Immobilisation " : l'application à un animal de tout procédé conçu pour limiter ses mouvements en vue de faciliter un étourdissement ou une mise à mort efficace ; : 5° " Etourdissement " : tout procédé qui, appliqué à un animal, le plonge immédiatement dans un état d'inconscience. Lorsque ce procédé permet un état d'inconscience réversible, la mise à mort de l'animal doit intervenir pendant l'inconscience de celui-ci ; / 6° " Mise à mort " : tout procédé qui cause la mort d'un animal ; / 7° " Abattage " : le fait de mettre à mort un animal par saignée. / (...) ". Aux termes de l'article R. 214-69 du même code : " I. - L'immobilisation des animaux est obligatoire préalablement à leur étourdissement et à leur mise à mort. / La suspension des animaux est interdite avant leur étourdissement ou leur mise à mort. / II. - Les dispositions du I ne s'appliquent pas : / 1° Aux volailles et aux lagomorphes dans la mesure où il est procédé à leur étourdissement après leur suspension ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 214-70 du même code : " I. - L'étourdissement des animaux est obligatoire avant l'abattage ou la mise à mort, à l'exception des cas suivants : / 1° Si cet étourdissement n'est pas compatible avec la pratique de l'abattage rituel ; / (...) / III. - Un abattoir ne peut mettre en œuvre la dérogation prévue au 1° du I que s'il y est préalablement autorisé. / (...) ".

6. Il résulte des dispositions citées aux points 4 et 5 que, dans le cadre d'un abattage rituel de volailles, d'une part, le règlement (CE) n° 1099/2009 autorise l'immobilisation des volailles par leur suspension, sans qu'il soit nécessaire de les étourdir au préalable ou postérieurement à cette immobilisation et, d'autre part, le code rural et de la pêche maritime exige que cette immobilisation soit suivie d'un étourdissement. Les dispositions du code rural et de la pêche maritime prévoient ainsi, comme l'autorise l'article 26 du règlement (CE) n° 1099/2009 et quand bien même cet étourdissement ne serait pas conforme aux exigences de l'annexe I du règlement, des modalités d'abattage des volailles plus protectrices du bien-être animal que celles fixées par le règlement.

7. Ainsi, l'instruction technique contestée a pu, sans méconnaître ni le droit de l'Union européenne, ni le droit interne, prévoir que les abattages rituels de volailles avec un étourdissement ne respectant pas les spécifications électriques des paramètres essentiels fixées par l'annexe I du règlement (CE) n° 1099/2009, soient réalisés après l'immobilisation des volailles par crochets de suspension, conformément au paragraphe II de l'article R. 214-69 du code rural et de la pêche maritime.

8. En troisième lieu, l'association requérante conteste la légalité de l'instruction technique qu'elle attaque au motif que son annexe IV omet de mentionner, dans la liste des infractions aux règles d'abattage, le délit de mauvais traitements envers les animaux placés sous la garde d'un exploitant d'établissement d'abattage, prévu et réprimé par l'article L. 215-11 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, il résulte des termes mêmes de cette annexe que la liste des infractions pénales qui y figure est seulement informative, a pour seul objet de faciliter l'accès à la nomenclature de recherche de la base documentaire intitulée " nature d'infractions " (NATINF) tenue par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice en vue du recensement de la plupart des infractions pénales en vigueur ou abrogées et n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de limiter la poursuite et la répression des infractions en matière de protection animale, en particulier au moment de l'abattage.

9. Il résulte de tout ce qui précède que l'association OABA n'est pas fondée à demander l'annulation de l'instruction technique qu'elle attaque. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de l'association Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à l'association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes et à l'association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair.

Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Guillaume Goulard, M. Pierre Collin, présidents de chambre de la section du contentieux ; M. Stéphane Verclytte, M. Christian Fournier, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Martin Guesdon auditeur-rapporteur.

Rendu le 15 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :

Signé : M. Martin Guesdon

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa Sarrazin


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 15 nov. 2022, n° 449077
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Martin Guesdon
Rapporteur public ?: M. Thomas Pez-Lavergne
Avocat(s) : SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Formation : 3ème - 8ème chambres réunies
Date de la décision : 15/11/2022
Date de l'import : 20/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 449077
Numéro NOR : CETATEXT000046565132 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-11-15;449077 ?
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