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10/11/2022 | FRANCE | N°457619

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 10 novembre 2022, 457619


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 octobre 2021 et 14 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juillet 2021 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels et collaborateurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environne...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 18 octobre 2021 et 14 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 26 juillet 2021 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels et collaborateurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 ;

- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. A... B... de Vendeuil, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 26 juillet 2021 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels et collaborateurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 3 juillet 2006 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat : " Pour la métropole, le taux du remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas et le taux du remboursement forfaitaire des frais d'hébergement sont fixés par un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. / Pour l'outre-mer, le taux du remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas et le taux du remboursement forfaitaire des frais d'hébergement sont fixés par un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et du ministère chargé de l'outre-mer. / Pour l'étranger, un arrêté conjoint du ministre chargé des affaires étrangères, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget fixe les taux des indemnités de mission, par pays ou, le cas échéant, par ville ou par région. / Un arrêté conjoint du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget fixe les taux des indemnités de stage ". Aux termes de l'article 7-1 de ce même décret : " Lorsque l'intérêt du service l'exige et pour tenir compte de situations particulières, un arrêté ministériel ou une délibération du conseil d'administration de l'établissement peut fixer, pour une durée limitée, des règles dérogatoires aux arrêtés prévus à l'article 7. / Ces règles dérogatoires ne peuvent en aucun cas conduire : / - à rembourser une somme supérieure à celle effectivement engagée par l'agent ; / - à fixer des taux forfaitaires de remboursement des frais d'hébergement inférieurs à ceux prévus par l'arrêté prévu au premier alinéa de l'article 7. Toutefois, pour les missions de longue durée, des abattements aux taux de remboursement forfaitaire de ces frais d'hébergement peuvent être fixés par arrêté du ministre intéressé ou par délibération du conseil d'administration de l'établissement. Cet arrêté ou cette délibération précise le nombre de jours au-delà duquel les abattements sont appliqués ainsi que les zones géographiques concernées ".

3. Il résulte des dispositions de l'article 7-1 du décret du 3 juillet 2006 citées au point 2 qu'un ministre peut, par un arrêté dont il est le seul signataire, déroger, en cas de nécessité liée à l'intérêt du service et pour tenir compte de situations particulières, aux dispositions prévues par arrêté conjoint des ministres chargés de la fonction publique et du budget fixant les taux de remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas et d'hébergement. Il s'ensuit que l'arrêté attaqué, qui institue des modalités dérogatoires de remboursement des frais de déplacement pour les personnels et collaborateurs du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, pouvait compétemment être pris par le seul ministre sous l'autorité duquel sont placés ces agents. Le syndicat requérant n'est, ainsi, pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence faute d'avoir été cosigné par les ministres chargés de la fonction publique et du budget.

4. En second lieu, aux termes de l'article 34 du décret du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l'Etat : " Les comités techniques sont consultés, dans les conditions et les limites précisées pour chaque catégorie de comité par les articles 35 et 36 sur les questions et projets de textes relatifs : / 1°A l'organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; / (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme un texte qui, emportant des conséquences directes et significatives sur l'organisation ou le fonctionnement des services, aurait dû être soumis au comité technique du ministère de l'agriculture et de l'alimentation et à ceux des établissements publics placés sous sa tutelle en application de l'article 34 du décret du 15 février 2011. Par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'une consultation préalable de ces comités techniques, ne peut qu'être écarté.

Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que les dispositions de l'arrêté attaqué fixant des modalités spécifiques de remboursement des frais de déplacement des agents du ministère chargé de l'agriculture trouvent leur fondement dans l'article 7-1 du décret du 3 juillet 2006. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions de l'arrêté attaqué seraient dépourvues de base légale doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 3 du décret du 3 juillet 2006 : " Lorsque l'agent se déplace pour les besoins du service à l'occasion d'une mission, d'une tournée ou d'un intérim, il peut prétendre, sous réserve de pouvoir justifier du paiement auprès du seul ordonnateur : / - à la prise en charge de ses frais de transport ; / - à des indemnités de mission qui ouvrent droit, cumulativement ou séparément, selon les cas, au remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de repas, au remboursement forfaitaire des frais et taxes d'hébergement et, pour l'étranger et l'outre-mer, des frais divers directement liés au déplacement temporaire de l'agent. / (...) ".

8. D'une part, l'article 4 de l'arrêté attaqué prévoit qu'en cas d'impossibilité de recourir à des contrats ou conventions respectant le code de la commande publique en raison de la défaillance attestée du prestataire ou d'une situation d'urgence résultant d'un délai insuffisant entre l'organisation de la mission et le départ de l'agent, ce dernier est remboursé des frais réels qu'il a exposés dans la limite des taux forfaitaires fixés par un arrêté pris en application du décret du 3 juillet 2006.

9. D'autre part, en vertu de l'article 6 de l'arrêté attaqué, les nuitées facturées par les plateformes communautaires payantes de location et de réservation de logements de particuliers sont remboursées sur la base des frais réellement et individuellement engagés par les agents dans la limite des taux forfaitaires fixés par un arrêté pris en application du décret du 3 juillet 2006.

10. Il résulte toutefois des dispositions des articles 3, 7 et 7-1 du décret du 3 juillet 2006 que les frais de mission occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l'Etat ne peuvent donner lieu qu'à un remboursement forfaitaire. Par suite, en prévoyant la possibilité, dans certaines circonstances, de procéder au remboursement aux frais réels des dépenses d'hébergement et autres frais de déplacement exposés par les agents, les articles 4 et 6 de l'arrêté attaqué méconnaissent les dispositions du décret du 3 juillet 2006.

11. Il résulte de ce qui précède que le Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) est seulement fondé à demander l'annulation des articles 4 et 6 de l'arrêté qu'il attaque en tant qu'ils prévoient un remboursement des frais de déplacement calculés sur la base des frais réellement exposés par les agents concernés.

D E C I D E :

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Article 1er : Les articles 4 et 6 de l'arrêté du 26 juillet 2021 du ministre de l'agriculture et de l'alimentation sont annulés en tant qu'ils prévoient un remboursement des frais de déplacement calculés sur la base des frais réellement exposés par les agents concernés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au Syndicat national des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement (SNIAE-FO) et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 457619
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-004 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS. - RÉMUNÉRATION. - INDEMNITÉS ET AVANTAGES DIVERS. - FRAIS DE DÉPLACEMENT. - MODALITÉS DE REMBOURSEMENT – REMBOURSEMENT UNIQUEMENT FORFAITAIRE (DÉCRET DU 3 JUILLET 2006) [RJ1].

36-08-03-004 Il résulte des articles 3, 7 et 7-1 du décret n° 2006-781 du 3 juillet 2006 que les frais de mission occasionnés par les déplacements temporaires des personnels civils de l’Etat ne peuvent donner lieu qu’à un remboursement forfaitaire.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 4 mars 2009, Syndicat national Force Ouvrière des magistrats, n°s 301651 301652, T. p. 812.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2022, n° 457619
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:457619.20221110
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