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10/11/2022 | FRANCE | N°455802

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 10 novembre 2022, 455802


Vu la procédure suivante :

M. C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'ordonner une expertise et de condamner la commune de Verneuil à leur verser les sommes de 25 000 euros en réparation de leurs préjudices matériels et de 5 000 euros en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence en raison d'inondations récurrentes sur une parcelle leur appartenant. Par un jugement n° 1701308 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19LY03057 du 21 juin 2021, la cour administrative d'appel

de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

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Vu la procédure suivante :

M. C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'ordonner une expertise et de condamner la commune de Verneuil à leur verser les sommes de 25 000 euros en réparation de leurs préjudices matériels et de 5 000 euros en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence en raison d'inondations récurrentes sur une parcelle leur appartenant. Par un jugement n° 1701308 du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 19LY03057 du 21 juin 2021, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 août et 23 novembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Verneuil la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. et Mme B... et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Verneuil ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B..., agriculteurs, sont propriétaires d'une parcelle jouxtant un chemin rural sur le territoire de la commune de Verneuil (Nièvre). Par un jugement du 14 juin 2019, le tribunal administratif de Dijon, après avoir ordonné une expertise, a rejeté la demande des époux B... tendant notamment à ce que cette commune leur verse des sommes de 25 000 euros en réparation de leurs préjudices matériels et de 5 000 euros en réparation des troubles dans leurs conditions d'existence, en raison des inondations récurrentes qui affectent leur parcelle. Par un arrêt du 21 juin 2021, contre lequel M. et Mme B... se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur appel contre ce jugement.

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier soumises à son appréciation en estimant qu'il ne résultait pas de l'instruction que le remblai érigé par le propriétaire d'un fonds voisin n'avait pas été arasé.

4. En deuxième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, que la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que la parcelle des requérants, de par sa position, est naturellement exposée à recevoir les eaux de ruissellement des parcelles situées en amont et, d'autre part, qu'à la suite des travaux de drainage effectués par le propriétaire d'un fonds situé en amont, les ruissellements des eaux, jusqu'alors diffus, se concentrent désormais sur le chemin rural qui a pour effet, en cas de fortes pluies, d'amplifier le phénomène de déversement des eaux sur la parcelle des requérants. Il en résulte des inondations sur celle-ci qui ont une fréquence supérieure à celle qui pouvait exister avant ces travaux. Il ne saurait être reproché à la commune, en l'absence d'obligation générale des communes de réaliser des réseaux d'évacuation pour absorber l'ensemble des eaux pluviales transitant sur leur territoire, de ne pas avoir mis en place un dispositif à même de traiter l'augmentation des ruissellements consécutive à ces travaux privés. Par suite, en estimant que les époux B... n'étaient pas fondés à soutenir que l'aggravation du phénomène d'inondation de leur parcelle avait le caractère d'un dommage accidentel causé par la commune et en déduisant que ces dommages revêtaient un caractère permanent, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce.

5. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, selon le rapport d'expertise, aucun élément ni aucune pièce ne permettent de constater une perte de production fourragère ou une pollution mécanique de l'herbage en raison des inondations répétées de la parcelle des requérants. Si les époux B... ont fait valoir le risque de perdre leur certification en agriculture biologique et de ne plus pouvoir utiliser ce pré pour l'élevage de leurs brebis, ils n'ont apporté aucun élément suffisamment probant de nature à établir la réalité de leur préjudice. En déduisant de ces constatations que les époux B... n'apportaient pas la preuve, qui leur incombait, du caractère grave et spécial du préjudice subi de nature à engager la responsabilité de la commune du fait de l'ouvrage public que constituait le chemin rural, la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce ni commis d'erreur de droit.

6. En dernier lieu, en estimant, ainsi qu'il a été dit au point 5, que les requérants n'apportaient pas la preuve qui leur incombait du caractère grave et spécial de leur préjudice tout en jugeant, par une appréciation souveraine qui n'est pas arguée de dénaturation, que la seconde expertise sollicitée par les époux B... ne présentait pas un caractère utile, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ni méconnu son office.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les époux B... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B... la somme de 3 000 euros à verser à la commune de Verneuil au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B... est rejeté.
Article 2 : M. et Mme B... verseront à la commune de Verneuil une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... et Mme D... B... et à la commune de Verneuil.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. Didier Ribes, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 10 novembre 2022.

La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :
Signé : M. Didier Ribes

La secrétaire :
Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455802
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 nov. 2022, n° 455802
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455802.20221110
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