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09/11/2022 | FRANCE | N°463037

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 09 novembre 2022, 463037


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de la décision du 17 janvier 2022 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme C... D... et de M. B... A..., candidats au premier tour des élections départementales qui s'est déroulé le 20 juin 2021 dans le canton de Meximieux (Ain). Par un jugement n° 2200636 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campag

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Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, de la décision du 17 janvier 2022 par laquelle elle a rejeté le compte de campagne de Mme C... D... et de M. B... A..., candidats au premier tour des élections départementales qui s'est déroulé le 20 juin 2021 dans le canton de Meximieux (Ain). Par un jugement n° 2200636 du 8 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a confirmé le bien-fondé du rejet du compte de campagne et a déclaré Mme D... et M. A... inéligibles pour une durée de douze mois à compter de la date à laquelle ce jugement deviendrait définitif.

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et M. A... demandent au Conseil d'Etat :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de les déclarer inéligibles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par une décision du 17 janvier 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme D... et M. A..., binôme de candidats ayant recueilli 13,09 % des suffrages exprimés au premier tour des élections départementales qui s'est déroulé le 20 juin 2021 dans le canton de Meximieux (Ain), au motif que ce compte n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral. Saisi par cette commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Lyon a, par un jugement du 8 mars 2022, confirmé le rejet du compte de campagne de Mme D... et de M. A... et les a déclarés inéligibles pour une durée d'un an. Mme D... et M. A... relèvent appel de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés ou s'il a bénéficié de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 et selon les modalités prévues à l'article 200 du code général des impôts. / (...) III.- Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises./ Cette présentation n'est pas obligatoire : / 1° Lorsque le candidat ou le candidat tête de liste n'est pas tenu d'établir un compte de campagne, en application du I du présent article ; / 2° Ou lorsque le candidat ou le candidat tête de liste a obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés et que les recettes et les dépenses de son compte de campagne n'excèdent pas un montant fixé par décret. (...) "

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible : / 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 ; / 2° Le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales ; / 3° Le candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. / L'inéligibilité mentionnée au présent article est prononcée pour une durée maximale de trois ans et s'applique à toutes les élections. / En cas de scrutin binominal, l'inéligibilité s'applique aux deux candidats du binôme. (...) "

4. En dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

5. En l'espèce, le tribunal administratif a jugé, sans que les intéressés ne le contestent en appel, que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté à bon droit le compte de campagne du binôme constitué de Mme D... et de M. A..., qui avait obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés et dont le compte de campagne n'avait pas été présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral citées ci-dessus.

6. Mme D... et M. A... contestent la sanction prononcée à leur encontre par le tribunal administratif, qu'ils estiment disproportionnée, en faisant valoir la modicité des recettes de leur campagne et les difficultés qu'ils ont rencontrées au cours de celle-ci pour ouvrir un compte bancaire dédié et qui ne leur ont pas permis de solliciter à temps un expert-comptable. La règle applicable étant dépourvue d'ambiguïté, le manquement caractérisé de Mme D... et de M. A... à cette règle substantielle posée à l'article L. 52-12 du code électoral ne peut qu'être regardé comme délibéré et constitutif d'un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Toutefois, les frais exposés par Mme D... et M. A... lors de leur campagne étant d'un faible montant et les candidats, qui ont produit à la commission l'ensemble des pièces justificatives des dépenses et des recettes de leur compte de campagne, n'ayant commis aucune autre irrégularité, il y a lieu de ramener l'inéligibilité prononcée par les premiers juges à une durée de six mois et de réformer leur jugement sur ce dernier point.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Mme D... et M. A... sont déclarés inéligibles pour une durée de six mois à compter de la date de la présente décision.

Article 2 : Le jugement du 8 mars 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... et de M. A... est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme C... D..., M. B... A... et à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 octobre 2022 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat et M. Sébastien Jeannard, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 9 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Gaëlle Dumortier

Le rapporteur :

Signé : M. Sébastien Jeannard

La secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 463037
Date de la décision : 09/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2022, n° 463037
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien Jeannard
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:463037.20221109
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