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07/11/2022 | FRANCE | N°455195

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 07 novembre 2022, 455195


Vu la procédure suivante :

MM. E... et D... C... et Mmes A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le maire de Gometz-le-Châtel a opposé un sursis à statuer à leur demande de permis de construire un immeuble collectif de neuf logements, ainsi que la décision du 7 mars 2016 rejetant leur recours gracieux, et d'enjoindre au maire de Gometz-le-Châtel de leur délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision sur leur demande dans le dé

lai d'un mois. Par un jugement n° 1603345 du 16 novembre 2018, le tribu...

Vu la procédure suivante :

MM. E... et D... C... et Mmes A... et B... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 17 décembre 2015 par lequel le maire de Gometz-le-Châtel a opposé un sursis à statuer à leur demande de permis de construire un immeuble collectif de neuf logements, ainsi que la décision du 7 mars 2016 rejetant leur recours gracieux, et d'enjoindre au maire de Gometz-le-Châtel de leur délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision sur leur demande dans le délai d'un mois. Par un jugement n° 1603345 du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19VE00177 du 9 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur l'appel des consorts C..., annulé le jugement du tribunal administratif de Versailles, l'arrêté du 17 décembre 2015 et le rejet du recours gracieux et enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 29 octobre 2021, la commune de Gometz-le-Châtel demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel des consorts C... ;

3°) de mettre à la charge des consorts C... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la commune de Gometz-le-Chatel et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. E... C..., de Mme A... C..., de Mme B... C... et de M. D... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 17 décembre 2015 pris sur le fondement de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, le maire de Gometz-le-Châtel, considérant que le projet de construction était de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme dont la révision avait été prescrite par une délibération du conseil municipal du 19 septembre 2011, a sursis à statuer sur la demande de permis de construire un immeuble collectif de neuf logements présentée par les consorts C... en se fondant sur deux motifs tirés, d'une part, de la création de logements sociaux et, d'autre part, de la préservation de zones humides. Par un jugement du 16 novembre 2018, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande des consorts C... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté du 17 décembre 2015 ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux. Par un arrêt du 9 juillet 2021, contre lequel la commune de Gometz-le-Châtel se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel formé par les consorts C... contre ce jugement, annulé l'arrêté du 17 décembre 2015 et le rejet du recours gracieux et enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

2. Le tribunal administratif, après avoir jugé fondé le moyen des consorts C... dirigé contre le premier motif du sursis à statuer, en retenant que le projet n'était pas, à lui seul, eu égard à sa faible ampleur, de nature à compromettre les objectifs du futur plan local d'urbanisme en matière de création de logements sociaux, a, en revanche, écarté le moyen des consorts C... contestant le second motif du sursis à statuer, tenant à ce que le projet était de nature à compromettre l'objectif de préservation des zones humides poursuivi par la révision du plan local d'urbanisme. Il a alors jugé que le maire de Gometz-le-Châtel aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul second motif et a, en conséquence, rejeté la demande d'annulation des consorts C.... Statuant sur l'appel formé par ces derniers contre le jugement du tribunal administratif, la cour administrative d'appel s'est bornée, pour faire droit à leur appel en annulant le jugement ainsi que la décision de sursis à statuer du 17 décembre 2015, à censurer le second motif du sursis à statuer, relatif à la préservation de zones humides, sans examiner le bien-fondé du moyen, que les premiers juges avaient accueilli, dirigé par les consorts C... contre le premier motif du sursis à statuer, relatif à la création de logements sociaux.

3. Statuant sur l'appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation d'une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d'appel, s'il remet en cause le ou les motifs n'ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s'il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d'annulation.

4. En l'espèce, la cour administrative d'appel ne s'est pas prononcée sur le moyen, soulevé en première instance par les consorts C... et accueilli par le tribunal administratif, critiquant la légalité du premier motif du sursis à statuer, relatif à la création de logements sociaux, après avoir jugé illégal, à la différence du tribunal, le motif relatif à la préservation des zones humides. En omettant ainsi de se prononcer sur le moyen dirigé contre le premier motif de la décision attaquée, alors qu'il lui appartenait de le faire en vertu de l'effet dévolutif de l'appel avant de déterminer si le rejet des conclusions à fin d'annulation prononcé par le tribunal administratif devait ou non être confirmé, la cour administrative d'appel a méconnu son office. Si elle a mentionné que, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, " aucun des autres moyens invoqués " n'était " susceptible de fonder l'annulation de l'acte attaqué ", cette mention ne peut, contrairement à ce que soutiennent les consorts C... en défense, indiquer que la cour aurait nécessairement statué sur les mérites de leur moyen de première instance critiquant la légalité du motif relatif à la création de logements sociaux.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, la commune de Gometz-le-Châtel est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Gometz-le-Châtel, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge des consorts C... au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 9 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Gometz-le-Châtel et à M. E... C..., premier dénommé, pour l'ensemble des défendeurs.

Délibéré à l'issue de la séance du 12 octobre 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Yves Doutriaux, M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, Mme Anne Lazar Sury, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et Mme Manon Chonavel, auditrice-rapporteure.

Rendu le 7 novembre 2022.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Manon Chonavel

La secrétaire :

Signé : Mme Anne Lagorce

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 455195
Date de la décision : 07/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-08-01-04-01 PROCÉDURE. - VOIES DE RECOURS. - APPEL. - EFFET DÉVOLUTIF ET ÉVOCATION. - EFFET DÉVOLUTIF. - PORTÉE – DÉCISION ADMINISTRATIVE REPOSANT SUR PLUSIEURS MOTIFS – OBLIGATION POUR LE JUGE D’APPEL, LORSQU’IL REMET EN CAUSE LE OU LES MOTIFS N’AYANT PAS ÉTÉ CENSURÉS EN PREMIÈRE INSTANCE, D’APPRÉCIER LA LÉGALITÉ DES AUTRES MOTIFS FONDANT CETTE DÉCISION – EXISTENCE [RJ1].

54-08-01-04-01 Statuant sur l’appel du demandeur de première instance dirigé contre un jugement qui a rejeté ses conclusions à fin d’annulation d’une décision administrative reposant sur plusieurs motifs en jugeant, après avoir censuré tel ou tel de ces motifs, que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée sur le ou les motifs que le jugement ne censure pas, il appartient au juge d’appel, s’il remet en cause le ou les motifs n’ayant pas été censurés en première instance, de se prononcer, en vertu de l’effet dévolutif de l’appel, sur les moyens critiquant la légalité du ou des motifs censurés en première instance, avant de déterminer, au vu de son appréciation de la légalité des différents motifs de la décision administrative, s’il y a lieu de prononcer l’annulation de cette décision ou de confirmer le rejet des conclusions à fin d’annulation.


Références :

[RJ1]

Rappr., s’agissant de l’obligation pour le Conseil supérieur de l'éducation nationale de se prononcer en appel sur l’ensemble des motifs retenus par le préfet pour s’opposer à l’ouverture d’une école et pas seulement sur celui retenu à tort en première instance pour annuler cette décision, CE, 19 février 1975, Préfet de la Martinique et ministre d'Etat chargé des départements et territoires d'Outre-mer c/ Sieur Eudaric, n° 86079, p. 142.


Publications
Proposition de citation : CE, 07 nov. 2022, n° 455195
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Arnaud Skzryerbak
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:455195.20221107
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