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03/11/2022 | FRANCE | N°468380

France | France, Conseil d'État, 03 novembre 2022, 468380


Vu la procédure suivante :

M. A... B..., la société Ezo-Bat et la société B Art, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté de gel des avoirs pris à leur encontre le 27 septembre 2022, conjointement par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de l'intérieur et des outre-mer, subsidiairement de faire droit à leur demande de déblocage des avoirs sans délai sous pei

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Vu la procédure suivante :

M. A... B..., la société Ezo-Bat et la société B Art, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté de gel des avoirs pris à leur encontre le 27 septembre 2022, conjointement par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de l'intérieur et des outre-mer, subsidiairement de faire droit à leur demande de déblocage des avoirs sans délai sous peine d'astreinte, ou toute autre mesure nécessaire à la sauvegarde des libertés fondamentales d'entreprise et de propriété. Par une ordonnance n° 2220778 du 12 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B..., la société Ezo-Bat et la société B Art demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, la mesure de gel des avoirs a pour effet de suspendre tous les encours dont les sociétés bénéficient auprès de leurs fournisseurs et, d'autre part, les sociétés intéressées ont perdu leurs assurances de responsabilité civile décennale ayant pour conséquence de rendre impossible la poursuite de leur activité à compter du 1er janvier prochain ;

- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

- la décision contestée est entachée d'inexactitude matérielle des faits dès lors que, d'une part, il n'est pas établi que M. B... est un sympathisant du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et, d'autre part, aucun mouvement financier à destination du Maroc, du Pakistan ou de la Turquie n'est intervenu au cours des années 2021, contrairement à ce qui est soutenu par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Par un arrêté du 27 septembre 2022, le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur ont conjointement décidé du gel des fonds et ressources économiques de M. B..., ressortissant turc et des sociétés Ezo-Bat et B Art, dont il est le représentant légal, pour des raisons liées au financement du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré au sein de l'Union Européenne comme étant une organisation terroriste. Par une ordonnance du 12 octobre 2022 dont ils interjettent appel, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de suspension de l'exécution de cette décision dont M. B... et les sociétés Ezo-Bat et B Art l'avaient saisi sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

3. Aux termes de l'article L. 562-2 du code monétaire et financier : " Le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur peuvent décider, conjointement, pour une durée de six mois, renouvelable, le gel des fonds et ressources économiques : 1° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes physiques ou morales, ou toute autre entité qui commettent, tentent de commettre, facilitent ou financent des actes de terrorisme, y incitent ou y participent ; 2° Qui appartiennent à, sont possédés, détenus ou contrôlés par des personnes morales ou toute autre entité elles-mêmes détenues ou contrôlées par les personnes mentionnées au 1° ou agissant sciemment pour le compte ou sur instructions de celles-ci ". Aux termes de l'article L. 562-11 du même code : " Le ministre chargé de l'économie et le ministre de l'intérieur peuvent conjointement autoriser le déblocage et la mise à disposition d'une partie des fonds ou ressources économiques faisant l'objet d'une mesure de gel en vertu de l'article L. 562-2 si leur utilisation est compatible avec la sauvegarde de l'ordre public. "

4. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Paris et de l'instruction conduite par celui-ci que, d'une part, plusieurs mesures de dégel partiel ont été prises par les ministres compétents pour permettre le versement d'honoraires d'avocat, des salaires des salariés des deux sociétés, à l'exception de l'un d'entre eux soupçonné de participer aux infractions pour lesquelles la mesure litigieuse a été prise, ainsi que la disposition d'une somme mensuelle pour les dépenses de la famille de M. B.... D'autre part, si les requérants font valoir que l'exécution de cette mesure porte atteinte à l'image des sociétés, rend difficile le paiement comptant des fournisseurs et leur a fait perdre leurs assurances de responsabilité décennale, ce qui fera obstacle à la poursuite de leurs activités à partir du 1er janvier prochain, aucune de ces circonstances n'est de nature à établir une situation d'urgence caractérisée rendant nécessaire l'intervention du juge des référés dans les brefs délais prévus par l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens de la requête, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que le juge du référé du tribunal administratif de Paris ait, par l'ordonnance attaquée, rejeté leur demande. Leur requête doit, par suite, être rejetée, y compris leurs conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... et autres est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B..., premier requérant dénommé.

Fait à Paris, le 3 novembre 2022

Signé : Gilles Pellissier


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 03 nov. 2022, n° 468380
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Avocat(s) : SCP LESOURD

Origine de la décision
Date de la décision : 03/11/2022
Date de l'import : 09/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 468380
Numéro NOR : CETATEXT000046538010 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-11-03;468380 ?
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