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02/11/2022 | FRANCE | N°468312

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 novembre 2022, 468312


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 18, 24 et 25 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 21 septembre 2022 par laquelle le conseil national de l'ordre des masseurs - kinésithérapeutes a, après avoir annulé la décision du conseil départemental de l'ordre des masseurs-ki

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Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 18, 24 et 25 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 21 septembre 2022 par laquelle le conseil national de l'ordre des masseurs - kinésithérapeutes a, après avoir annulé la décision du conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Indre-et-Loire du 19 mai 2022, refusé son inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Indre-et-Loire ;

2°) d'enjoindre, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, aux instances ordinales compétentes de procéder à son inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Indre-et-Loire, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, que l'annulation de son inscription à l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes préjudicie de manière grave et immédiate à sa situation en ce qu'elle l'empêche d'exercer son activité professionnelle de masseur-kinésithérapeute et, d'autre part, qu'il se trouve placé dans une situation de précarité financière et de détresse psychologique en ce qu'il est privé de toute ressource ;

- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

- la décision attaquée est entachée d'illégalité dès lors que le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes était irrégulièrement composé en ce qu'il ne ressort pas de la décision contestée qu'elle a été prise par la formation restreinte et que les conditions de quorum étaient satisfaites ;

- le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ne pouvait procéder au retrait de la décision du conseil départemental sans méconnaître les dispositions de l'article L. 4112-4 du code de la santé publique, dès lors que le recours dont il l'avait saisi faisait obstacle à la mise en œuvre d'une procédure de retrait de son inscription ;

- le conseil national de l'ordre ne pouvait procéder au retrait de son inscription de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Indre-et-Loire sans retirer préalablement la décision du conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Centre-Val-de-Loire du 22 juillet 2022, rejetant son recours, laquelle s'est substituée à la décision du conseil départemental en confirmant implicitement mais nécessairement son inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard de l'article L. 4321-14 du code de la santé publique dès lors qu'il satisfait à la condition de moralité requise pour l'exercice de la profession ;

- la décision contestée ne lui a pas été notifiée dans le délai prévu à l'article L. 4112-4 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 et 26 octobre 2022, le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. B..., et d'autre part, le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 25 octobre 2022, à 11 heures :

- Me Gilbert, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. B... ;

- Me Bouniol-Brochier, avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;

- les représentants du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 27 octobre 2022 à 17 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Aux termes de l'article L. 4321-14 du code de la santé publique : " L'ordre des masseurs-kinésithérapeutes veille au maintien des principes de moralité, de probité et de compétence indispensables à l'exercice de la masso-kinésithérapie et à l'observation, par tous ses membres, des droits, devoirs et obligations professionnels (...) ". Aux termes du I de l'article L. 4321-17-1 du même code : " Le conseil régional ou interrégional, placé sous le contrôle du Conseil national, remplit, sur le plan régional, les attributions générales de l'ordre définies à l'article L.4321-14. (...) / Il exerce dans les régions ou les inter régions les attributions mentionnées à l'article L.4112-4 (...) ". Selon cet article L. 4112-4, rendu applicable aux masseurs-kinésithérapeutes par l'article L. 4321-19 du même code, " Les décisions du conseil départemental rendues sur les demandes d'inscription au tableau peuvent être frappées d'appel devant le conseil régional, par le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme demandeur, s'il s'agit d'un refus d'inscription, par le conseil national s'il s'agit d'une décision d'inscription. (...) / Les décisions du conseil régional en matière d'inscription au tableau sont notifiées sans délai par le conseil régional au médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme qui en est l'objet, au conseil départemental et au conseil national de l'ordre. / Le délai d'appel, tant devant le conseil régional que devant le conseil national, est de trente jours à compter, soit de la notification de la décision expresse frappée d'appel, soit du jour où est acquise la décision implicite de rejet du conseil départemental. / Faute pour les personnes intéressées d'avoir régulièrement frappé d'appel une décision d'inscription, le conseil national peut, dans un délai de trois mois à compter de l'expiration du délai d'appel, retirer cette décision lorsque celle-ci repose sur une inexactitude matérielle ou une erreur manifeste d'appréciation des conditions auxquelles est subordonnée l'inscription ".

3. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point 2 que, lorsqu'un conseil régional ou interrégional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes prend, sur recours contre une décision d'un conseil départemental de l'ordre, une décision autorisant l'inscription d'un praticien au tableau de l'ordre, le conseil national de l'ordre, auquel cette décision doit être notifiée, peut, dans un délai de trente jours suivant cette notification, se saisir de cette décision pour statuer sur le bien-fondé de la demande d'inscription au tableau de l'ordre. Il peut en outre, en vertu du dernier alinéa de l'article L. 4112-4, s'il ne s'est pas régulièrement saisi ou n'a pas été saisi d'un recours hiérarchique dans le délai de trente jours, retirer une décision d'autorisation dans les trois mois qui suivent l'expiration du délai de trente jours, si cette décision repose sur une inexactitude matérielle ou est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

4. Il résulte de l'instruction que M. B..., masseur-kinésithérapeute, a demandé son inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Indre-et-Loire à laquelle le conseil départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes de ce département a fait droit par une décision du 19 mai 2022. Le 30 juin 2022, le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a formé devant le conseil régional de l'ordre un recours contre cette décision d'inscription, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4112-4 du code de la santé publique mentionnées au point 2. Après rejet de ce recours, au motif de sa tardiveté, le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes a, par une décision du 21 septembre 2022, procédé au retrait de la décision du conseil départemental d'Indre-et-Loire du 19 mai 2022 acceptant l'inscription de l'intéressé au tableau de cet ordre. M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du 21 septembre 2022 et d'enjoindre aux instances ordinales compétentes de procéder à son inscription au tableau de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes d'Indre-et-Loire.

5. A l'appui de sa demande de suspension, M. B... soutient en premier lieu que la décision contestée est entachée d'illégalité en ce que le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes était irrégulièrement composé dès lors qu'il ne ressort pas de cette décision qu'elle a été prise par la formation restreinte et que les conditions de quorum étaient satisfaites. Toutefois, aucun de ces moyens de légalité externe n'est de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à légalité de la décision contestée.

6. Il en va de même du moyen tiré de ce que le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ne pouvait légalement retirer l'acte du 19 mai 2022 par lequel le conseil départemental d'Indre-et-Loire a procédé à son inscription au tableau de l'ordre sans procéder préalablement au retrait de la décision du conseil régional de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes du Centre-Val-de-Loire du 22 juillet 2022, dès lors que cette décision, en se bornant à constater la tardiveté de son recours, ne peut être regardée comme s'étant substituée à la décision d'inscription au tableau de l'ordre prise par le conseil départemental d'Indre-et-Loire le 19 mai 2022.

7. N'est pas davantage de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que le conseil national ne pouvait légalement retirer la décision d'inscription au tableau de l'ordre du conseil départemental d'Indre-et-Loire du 19 mai 2022 après avoir préalablement formé devant le conseil régional de l'ordre un recours contre cette décision qui a rejeté, dès lors que ce rejet a été, ainsi qu'il a été dit au point 6, prononcé pour tardiveté, de sorte que ce recours ne pouvait, en tout état de cause, être regardé comme ayant été régulièrement formé, au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 4112-4 du code de la santé publique citées au point 2.

8. Il en va de même du moyen tiré de ce que la décision contestée du conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes ne lui a pas été notifiée dans le délai prévu à l'article L. 4112-4 du code de la santé publique, dès lors, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'elle a été prise dans le délai de trois mois suivant l'expiration du délai de recours de 30 jours prévu par ces dispositions, et que la circonstance que la décision contestée n'aurait été notifiée à M. B... qu'après l'expiration de ce même délai de 3 mois est sans incidence sur sa légalité.

9. Enfin, n'est pas de nature à faire naître, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu l'article L. 4321-14 du code de la santé publique en se fondant, pour estimer que la condition de moralité requise pour l'exercice de la profession de masseur-kinésithérapeute n'était pas remplie par M. B... et rejeter, par suite, sa demande d'inscription au tableau de l'ordre, d'une part, sur des faits d'agression sexuelle sur une patiente et d'encaissements frauduleux d'honoraires, lesquels ont donné lieu à deux décisions du 20 novembre 2019 par lesquelles la chambre disciplinaire de première instance d'Ile-de-France a infligé à M. B... la sanction d'interdiction d'exercer sa profession pendant une durée totale de seize mois ainsi qu'à une condamnation par un jugement du 24 octobre 2019 du tribunal de grande instance de Versailles et, d'autre part, sur la circonstance que M. B... a continué à effectuer des actes de masso-kinésithérapie alors qu'il ne pouvait ignorer qu'une précédente inscription au tableau de l'ordre départemental de Maine-et-Loire avait été annulée par une décision du Conseil national de l'ordre du 14 janvier 2020.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative doit être rejetée, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du même code. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit au conclusions présentées sur le fondement des mêmes dispositions par le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes.

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B... et au conseil national de l'ordre de masseurs-kinésithérapeutes.

Fait à Paris, le 2 novembre 2022

Signé : Benoît Bohnert


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 468312
Date de la décision : 02/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 nov. 2022, n° 468312
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SARL LE PRADO – GILBERT ; SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:468312.20221102
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