La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/11/2022 | FRANCE | N°463950

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 02 novembre 2022, 463950


Vu la procédure suivante :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 février 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'armée de terre a rejeté sa demande tendant à ce que son indice brut soit fixé au moins à 750 et les décisions des 21 juin et 19 juillet 2017 de la ministre des armées rejetant ses recours gracieux. Par un jugement n°s 1703673, 1802596 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20NT02536 du 15 mars 2022, la cour administrative d'appel de

Nantes a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pou...

Vu la procédure suivante :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 16 février 2017 par laquelle le directeur des ressources humaines de l'armée de terre a rejeté sa demande tendant à ce que son indice brut soit fixé au moins à 750 et les décisions des 21 juin et 19 juillet 2017 de la ministre des armées rejetant ses recours gracieux. Par un jugement n°s 1703673, 1802596 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 20NT02536 du 15 mars 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mai et 5 août 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le 5 août 2022, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. B... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt du 15 mars 2022 de la cour administrative d'appel de Nantes, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droit et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la défense et de l'article 5 de la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la défense ;

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2009-972 du 3 août 2009 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., officier de carrière dans l'armée de terre, a été détaché auprès du ministère de l'éducation nationale du 1er juillet 2014 au 1er août 2016. Le 1er juillet 2016, il a été promu au 13ème échelon du grade d'ingénieur de 2ème classe et rémunéré sur la base de l'indice brut 750. Lors de sa réintégration au ministère de la défense, le 1er août 2016, sa rémunération a été calculée sur la base de l'indice brut 706. M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les décisions par lesquelles la ministre des armées a rejeté ses demandes tendant à ce que lui soit attribué au moins l'indice brut 750. Par un jugement du 18 juin 2020, le tribunal administratif a rejeté ces demandes. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 15 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel contre ce jugement et demande au Conseil d'Etat de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions des articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la défense et de l'article 5 de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Aux termes de l'article L. 4138-8 du code de la défense : " Le détachement est la position du militaire placé hors de son corps d'origine. Dans cette position, le militaire continue à figurer sur la liste d'ancienneté de son corps et à bénéficier des droits à l'avancement et à pension de retraite (...) ". Et aux termes de l'article L. 4138-9 du même code : " Le militaire détaché est réintégré à l'expiration de son détachement, à la première vacance venant à s'ouvrir dans le corps auquel il appartient ou en surnombre dans les cas déterminés par décret en Conseil d'Etat. / Le militaire détaché remis à la disposition de son administration d'origine avant l'expiration de son détachement pour une cause autre qu'une faute commise dans l'exercice de ses fonctions, et qui ne peut être réintégré dans son corps d'origine en l'absence d'emploi vacant, continue d'être rémunéré par l'organisme de détachement jusqu'à sa réintégration. / Le militaire peut être intégré, sur demande agréée, dans le corps ou cadre d'emploi de détachement dans les mêmes conditions que celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou cadre d'emploi. "

4. M. B... soutient que les dispositions des articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la défense et celles de l'article 5 de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique méconnaissent, d'une part, le principe d'égalité tel que garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et, d'autre part, la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution dans des conditions affectant ce principe, faute de disposer, à la différence de ce qui est prévu pour un fonctionnaire civil, que lors de la réintégration du militaire détaché, il soit tenu compte du grade et de l'échelon atteints dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, sous réserve qu'ils lui soient plus favorables.

En ce qui concerne l'applicabilité au litige des dispositions contestées :

5. Il résulte des dispositions contestées des articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la défense qu'elles ne prévoient pas qu'il soit tenu compte, lors de la réintégration d'un militaire détaché dans la fonction publique civile, du grade et de l'échelon atteints dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, lorsqu'ils lui sont plus favorables. Si ces dispositions sont ainsi applicables au litige opposant M. B... au ministre des armées, en revanche, les dispositions de l'article 5 de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, qui modifient des dispositions, aujourd'hui codifiées dans le code général de la fonction publique, de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, ne régissent pas la situation des militaires. N'étant pas non plus indissociables des dispositions des articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la défense, elles ne sont pas applicables au litige.

En ce qui concerne le caractère sérieux de la question prioritaire de constitutionnalité :

6. En premier lieu, la circonstance que les dispositions législatives contestées du code de la défense ne prévoient pas qu'il soit tenu compte, lors la réintégration du militaire détaché, du grade et de l'échelon atteints dans le corps ou cadre d'emplois de détachement, sous réserve qu'ils lui soient plus favorables, n'implique en tout état de cause pas, contrairement à ce que soutient M. B..., que le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

7. En second lieu, le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

8. Le principe de l'égalité de traitement dans le déroulement de la carrière des fonctionnaires civils et des militaires n'est susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps. Par suite, M. B... ne saurait utilement soutenir que la circonstance que, du fait des dispositions des articles L. 4138-8 et L. 4138-9 du code de la défense, les militaires détachés ne bénéficient pas des mêmes avantages que les fonctionnaires détachés lors de leur réintégration caractérise une méconnaissance du principe d'égalité de traitement.

9. Par suite, la question de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Il n'y a par suite pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur l'autre moyen :

10. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

11. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. B... soutient, en outre, que la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit en jugeant que le fait que les conditions de réintégration après détachement des militaires ne sont pas alignées sur celles des fonctionnaires ne méconnaît pas les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette convention.

12. Ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B....

Article 2 : Le pourvoi de M. B... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... B..., à la Première ministre et au ministre des armées.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.

Délibéré à l'issue de la séance du 17 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Géraud Sajust de Bergues, Mme Anne Courrèges, M. Benoît Bohnert, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat et M. François Lelièvre, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 2 novembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. François Lelièvre

La secrétaire :

Signé : Mme Nadine Pelat


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 463950
Date de la décision : 02/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 nov. 2022, n° 463950
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Lelièvre
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : CABINET ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:463950.20221102
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award