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28/10/2022 | FRANCE | N°460700

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 28 octobre 2022, 460700


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un autre mémoire, enregistrés les 21 janvier et 16 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 novembre 2021 portant sanction d'exclusion temporaire de fonctions à son encontre ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer dans ses fonctions, de régulariser sa situation financière et de reconstituer sa carrière, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de

200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 00...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un autre mémoire, enregistrés les 21 janvier et 16 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 novembre 2021 portant sanction d'exclusion temporaire de fonctions à son encontre ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de le réintégrer dans ses fonctions, de régulariser sa situation financière et de reconstituer sa carrière, dans un délai de quinze jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

- les conclusions de M. Florian Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui occupait les fonctions de chef du commissariat subdivisionnaire de Saint-Priest, a fait l'objet en 2020 d'une enquête administrative de l'inspection générale de la police nationale, qui a relevé à son encontre des manquements professionnels et déontologiques graves. Il demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 novembre 2021 par lequel le président de la République lui a infligé la sanction de suspension de ses fonctions pour une durée de vingt-quatre mois dont seize mois avec sursis.

Sur la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, " L'administration doit, dans le cas où une procédure disciplinaire est engagée à l'encontre d'un fonctionnaire, informer l'intéressé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de tous les documents annexes et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix ".

3. La circonstance que la convocation à comparaître devant le conseil de discipline adressée à M. B... n'ait pas comporté la mention des faits qui lui étaient reprochés, alors qu'il n'est pas contesté qu'il avait pris connaissance de ces faits à l'occasion de l'inspection conduite par l'Inspection générale de la police nationale et qu'il avait par ailleurs été informé de son droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel, ce qu'il avait fait, n'est pas nature à entacher la régularité de la procédure ayant conduit à la décision attaquée.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient M. B..., le procès-verbal de la séance du conseil de discipline du 21 juin 2021, que l'administration n'était pas tenue de lui transmettre préalablement à la mesure de sanction, satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983.

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 14 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et des articles 5 et 41 du décret du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires qu'une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer, en formation restreinte ou en assemblée plénière, qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission, habilités à siéger dans chacune de ces formations, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint, que, si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission administrative paritaire, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commissions administratives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel. Enfin, l'article 35 du même décret, alors applicable en vertu de l'article 28 du décret du 20 novembre 2020 relatif aux commissions administratives paritaires dans la fonction publique de l'Etat, dispose que : " Lorsque les commissions administratives paritaires siègent en formation restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer ". Il suit de là que la circonstance que les représentants de l'administration qui ont siégé le 21 juin 2021 au sein de la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline préalablement à la sanction infligée à M. B..., aient été en nombre supérieur à ceux du personnel, alors que la commission était composée paritairement et que le ministre justifie de la convocation régulière de l'ensemble de ses membres, n'est pas de nature à entacher la légalité de la décision attaquée. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que la règle de quorum des trois quarts des membres n'aurait pas été respectée manque en fait, dès lors qu'ont siégé sept des huit membres convoqués, la circonstance que, parmi les représentants du personnel aient siégé un titulaire et deux suppléants étant sans incidence à cet égard.

Sur la légalité interne :

6. En premier lieu, la circonstance que M. B... ait fait l'objet, pour une partie des faits qui ont donné lieu à la décision attaquée, d'une convocation par sa hiérarchie à un entretien où lui a été adressé le 5 novembre 2019 une mise en garde, qui ne constituait pas une sanction ni, comme il le prétend, une décision définitive renonçant à lui infliger une sanction, n'est pas de nature à impliquer que la décision attaquée soit contraire au principe de non cumul des sanctions.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité à de nombreuses reprises en 2019, tant à l'occasion de rencontres physiques que par messages et appels téléphoniques, le maire de la commune où il exerçait ses fonctions afin qu'il propose un emploi à son épouse dans les services de la collectivité, en suggérant qu'il pouvait en contrepartie accomplir ou s'abstenir d'accomplir des actes relatifs à ses fonctions. Malgré un ferme rappel à l'ordre de sa hiérarchie, M. B... a en 2020, de manière tout aussi insistante et en faisant usage des mêmes arguments, sollicité aux mêmes fins le maire nouvellement élu d'une commune voisine. Il a également utilisé sa messagerie professionnelle en faisant état de son titre de commissaire de police pour faire recruter son fils et une amie de celui-ci par le directeur d'un centre commercial. Par un jugement correctionnel du 27 janvier 2022 de la cour d'appel de Lyon, M. B... a été reconnu coupable des faits de trafic d'influence passif et condamné à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis et à la privation de son droit d'éligibilité pour une durée de cinq ans.

8. Compte tenu de la gravité des faits en cause et de leur réitération, en dépit des instructions formelles de sa hiérarchie, M. B..., qui n'en conteste pas sérieusement la matérialité, n'est fondé à soutenir ni qu'ils ne constituent pas une faute de nature à justifier une sanction, ni que la sanction retenue, de suspension temporaire pour 24 mois dont 16 avec sursis, est disproportionnée aux manquements commis.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B... doit être rejetée, y compris ses conclusions formées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., à la Première ministre et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 septembre 2022 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; Mme Fabienne Lambolez, conseillère d'Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 28 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

La rapporteure :

Signé : Mme Hortense Naudascher

La secrétaire :

Signé : Mme Anne-Lise Calvaire


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 460700
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2022, n° 460700
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Hortense Naudascher
Rapporteur public ?: M. Florian Roussel

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460700.20221028
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