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28/10/2022 | FRANCE | N°460135

France | France, Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 28 octobre 2022, 460135


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 janvier et 11 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union fédérale des syndicats de l'Etat CGT (UFSE-CGT) et la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1449 du 4 novembre 2021 relatif au contrat de mission scientifique prévu par l'article L. 431-6 du code de la recherche ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 eu

ros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autre...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 4 janvier et 11 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union fédérale des syndicats de l'Etat CGT (UFSE-CGT) et la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1449 du 4 novembre 2021 relatif au contrat de mission scientifique prévu par l'article L. 431-6 du code de la recherche ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la recherche ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'article 9 de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur a créé un nouvel article L. 431-6 du code de la recherche, aux termes duquel : " Dans les établissements publics de recherche, dans les établissements publics d'enseignement supérieur et dans les établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche mentionnés à l'article L. 112-6, un agent peut être recruté, pour contribuer à un projet ou une opération de recherche identifiée, par un contrat de droit public dont l'échéance est la réalisation du projet ou de l'opération. / Ce contrat est conclu pour une durée indéterminée après un appel public à candidatures et selon une procédure de recrutement permettant de garantir l'égal accès à ces emplois. / Par dérogation aux dispositions de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, le contrat prend fin avec la réalisation du projet ou de l'opération de recherche, après un délai de prévenance fixé par décret en Conseil d'Etat. Dans ce cas, l'employeur justifie de l'arrêt effectif de l'activité de recherche associée au projet. Cette dernière ne peut être poursuivie par le recours à de nouveaux contrats portant sur des missions similaires. Le contrat peut être également rompu lorsque le projet ou l'opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser. Sauf au cours de la période d'essai ou en cas d'insuffisance professionnelle, d'inaptitude physique ou de faute disciplinaire de l'agent, l'employeur ne peut rompre le contrat pendant la première année pour quelque motif que ce soit. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article, notamment la nature des projets ou opérations de recherche pouvant bénéficier d'un tel contrat, les modalités de recrutement et de rupture du contrat, les modalités d'accompagnement des salariés dont le contrat s'est achevé ainsi que les modalités de mise en œuvre d'une indemnité de rupture lorsque le projet ou l'opération ne peut pas se réaliser ".

2. L'Union fédérale des syndicats de l'Etat CGT (UFSE-CGT) et la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT (FERC-CGT) demandent l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 4 novembre 2021 relatif au contrat de mission scientifique prévu par l'article L. 431-6 du code de la recherche.

3. Aux termes de l'article 1er du décret attaqué : " Le contrat de mission scientifique prévu par l'article L. 431-6 du code de la recherche peut être conclu pour occuper un emploi non permanent dans le cas d'un projet ou d'une opération de recherche qui est financé majoritairement sur les ressources propres de l'établissement et qui s'insère dans sa politique scientifique et dans la stratégie nationale de la recherche. / La durée prévisionnelle du projet ou de l'opération de recherche pour lequel le contrat est conclu doit être supérieure à six ans au regard de critères factuels et objectifs. / Les catégories de projet et d'opération de recherche pouvant bénéficier du contrat de mission scientifique sont fixées par décision du chef de l'établissement après avis de la commission de la recherche du conseil académique ou de l'organe équivalent ". Aux termes de son article 2 : " Le contrat de mission scientifique est régi, sous réserve des dispositions du présent décret, et sans préjudice du caractère non permanent de l'emploi à pourvoir, par les dispositions du décret du 17 janvier 1986 susvisé à l'exception du titre I bis et des articles 3-2, 3-3, 4, 5, 7, 8, du III de l'article 28 et des articles 28-1, 32, 33, 33-1, 33-2-1, 33-3, 45, 45-1-1 et 45-3 à 45-5. Par dérogation au 2° de l'article 2 du décret du 17 janvier 1986 susvisé, l'agent est affilié à la caisse primaire d'assurance maladie pour les risques accidents du travail et maladies professionnelles. / A l'expiration de la période de rémunération à plein traitement prévue au deuxième alinéa de l'article 14 du même décret, l'intéressé bénéficie des indemnités journalières prévues dans le code de la sécurité sociale qui sont servies par la caisse primaire de sécurité sociale (...) ". Aux termes de son article 3 : " Le contrat de mission scientifique peut être conclu pour tout emploi concourant directement au projet ou à l'opération de recherche. / Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, les avis de recrutements relevant du présent décret accompagnés d'une fiche de poste sont diffusés au moins un mois avant la date limite de dépôt des candidatures sur le site internet de l'établissement ou tout autre site dédié aux offres d'emploi et sur le site Euraxess de la Commission européenne (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Pendant son contrat, l'intéressé peut être accueilli en délégation, avec son accord, en France ou à l'étranger, auprès notamment d'un établissement d'enseignement supérieur, d'un organisme de recherche ou d'une entreprise pendant une durée maximale de trois ans renouvelable une fois pour poursuivre ses activités dans le cadre du projet ou de l'opération de recherche pour lequel il a été recruté. / Cet accueil en délégation peut avoir lieu à temps plein ou à temps incomplet (...) ". Enfin, aux termes de son article 9 : " Un an avant et au plus tard six mois après la fin du contrat ou sa rupture dans les conditions prévues aux articles 6 ou 7, l'agent se voit proposer un accompagnement spécifique par l'établissement, en vue de valoriser son parcours professionnel et de l'aider dans sa recherche d'un nouvel emploi. A sa demande, il bénéficie notamment d'un entretien avec un conseiller mobilité-carrière. / Durant la période mentionnée à l'alinéa précédent, il bénéficie de façon prioritaire des actions de formation prévues aux articles 6 et 8 du décret du 26 décembre 2007 susvisé et de vingt jours de décharge de service dédiés à ces actions ".

4. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 431-6 du code de la recherche citées au point 1 que, si le contrat de mission scientifique est conclu pour une durée indéterminée, ce contrat dont l'objet est de contribuer à un projet ou une opération de recherche identifiée comporte une échéance prédéfinie en ce qu'il prend fin avec la réalisation de ce projet ou de cette opération de recherche. La création d'un nouveau cas de recours à un contrat à durée indéterminée de droit public comportant des modalités spécifiques de fin de contrat résulte ainsi de la loi elle-même. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le décret attaqué est entaché à ce titre d'une méconnaissance des dispositions législatives dont il fait application. En outre, en précisant à l'article 1er du décret attaqué que le contrat de mission scientifique est conclu pour occuper un emploi non permanent, le pouvoir réglementaire s'est borné à tirer les conséquences nécessaires de ces mêmes dispositions. Le moyen tiré de ce que, en raison de cette précision, le décret attaqué est entaché d'incompétence et méconnaît l'article L. 431-6 du code de la recherche ne peut dès lors qu'être écarté. Enfin, le moyen tendant à critiquer la pertinence des dispositions de l'article L. 431-6 du code de la recherche est inopérant.

5. En deuxième lieu, l'article 2 du décret attaqué rend applicables au contrat de mission scientifique les dispositions de l'article 51 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui prévoient, en cas de licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, le versement d'une indemnité de licenciement à l'agent contractuel recruté pour une durée indéterminée et à l'agent recruté pour une durée déterminée licencié avant la fin de son contrat. Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'agent recruté par un contrat de mission scientifique est bien appelé à bénéficier d'une telle indemnité dans l'hypothèse où il ferait l'objet d'un licenciement n'intervenant pas à titre de sanction disciplinaire, y compris si le licenciement intervient à l'échéance du contrat, lorsque le projet ou l'opération de recherche ont été réalisés.

6. En troisième lieu, si l'article L. 431-6 du code de la recherche prévoit que le pouvoir réglementaire devra préciser les modalités d'accompagnement des salariés dont le contrat s'est achevé, il n'institue pas d'obligation de rechercher un reclassement de ces salariés. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'article 2 du décret attaqué aurait méconnu l'article L. 431-6 du code de la recherche en ne rendant pas applicables au contrat de mission scientifique les dispositions de l'article 45-5 du décret du 17 janvier 1986 qui subordonnent dans certains cas au respect d'une obligation de reclassement le licenciement d'un agent contractuel recruté pour répondre à un besoin permanent.

7. En quatrième lieu, si l'article L. 431-6 du code de la recherche renvoie au décret d'application le soin de préciser la nature des projets ou opérations de recherche pouvant bénéficier du contrat de mission scientifique, l'article 1er du décret attaqué apporte à cet égard des précisions suffisantes en prévoyant que le projet ou l'opération de recherche concerné doit avoir une durée prévisionnelle supérieure à six ans, être financé majoritairement sur ressources propres, et s'insérer dans la politique scientifique de l'établissement ainsi que dans la stratégie nationale de la recherche, tout en renvoyant à une décision du chef d'établissement la fixation des catégories de projet ou d'opération pouvant bénéficier de ce contrat. Son article 3 apporte également des précisions suffisantes en prévoyant que le contrat de mission scientifique peut être conclu pour tout emploi concourant directement au projet ou à l'opération de recherche. Par ailleurs, le décret attaqué n'était pas tenu de reproduire les termes de l'article L. 431-6 du code de la recherche prévoyant que le contrat de mission peut être conclu dans les établissements publics de recherche, dans les établissements publics d'enseignement supérieur et dans les établissements publics dont les statuts prévoient une mission de recherche mentionnés à l'article L. 112-6 du code de la recherche. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 431-6 du code de la recherche en ce qu'il ne précise suffisamment ni la nature des projets et opérations de recherche concernés, ni les emplois concernés, ni les personnes publiques pouvant conclure des contrats de mission scientifique ne peut qu'être écarté.

8. En cinquième lieu, le deuxième alinéa de l'article 3 du décret attaqué prévoit que la diffusion des avis de recrutement est effectuée au moins un mois avant la date limite de dépôt des candidatures. S'il permet que ce délai puisse être inférieur en cas de circonstances exceptionnelles, dont il appartiendra à l'établissement concerné de justifier, sous le contrôle du juge, le décret attaqué n'a pas ce faisant méconnu l'article L. 431-6 du code de la recherche qui impose que le contrat de mission scientifique soit conclu après un appel public à candidatures et selon une procédure de recrutement permettant de garantir l'égal accès aux emplois concernés.

9. En sixième et dernier lieu, il était loisible au pouvoir réglementaire, sans méconnaître aucune règle ni aucun principe, de prévoir à l'article 2 du décret attaqué que l'agent sous contrat de mission scientifique est affilié à la caisse primaire d'assurance maladie pour les risques accidents du travail et maladies professionnelles, contrairement à ce que prévoit, en particulier pour les contractuels de droit public recrutés à durée indéterminée, le 2° de l'article 2 du décret du 17 janvier 1986 en vertu duquel les prestations correspondantes sont servies par l'administration employeur. De même, il était loisible au pouvoir réglementaire, sans méconnaître l'article L. 431-6 du code de la recherche, de prévoir la possibilité d'accueil en délégation dans un établissement d'enseignement supérieur, un organisme de recherche ou une entreprise de l'agent sous contrat de mission scientifique pour poursuivre ses activités dans le cadre du projet ou de l'opération de recherche pour lequel il a été recruté. Enfin, les requérantes ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leur requête, les déclarations faites par la ministre devant l'Assemblée nationale à l'occasion des débats sur la loi du 24 décembre 2020.

10. Il résulte de ce qui précède que l'UFSE-CGT et la FERC-CGT ne sont pas fondées à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'elles attaquent.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Union fédérale des syndicats de l'Etat CGT et de la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union fédérale des syndicats de l'Etat CGT, à la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture CGT et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Damien Botteghi, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 28 octobre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Christine Maugüé

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Fradel

La secrétaire :

Signé : Mme Sylvie Alleil


Synthèse
Formation : 4ème - 1ère chambres réunies
Numéro d'arrêt : 460135
Date de la décision : 28/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 oct. 2022, n° 460135
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Fradel
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460135.20221028
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