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27/10/2022 | FRANCE | N°461843

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 octobre 2022, 461843


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de deux décisions du 15 octobre 2021 par lesquelles la direction générale des finances publiques a rejeté ses demandes d'aide au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de la propagation de la covid-19 pour les mois de décembre 2020 à juin 2021 et d'enjoindre à la direction générale des finan

ces publiques de procéder au paiement de ces aides pour un montant de 33 ...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de deux décisions du 15 octobre 2021 par lesquelles la direction générale des finances publiques a rejeté ses demandes d'aide au titre du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences de la propagation de la covid-19 pour les mois de décembre 2020 à juin 2021 et d'enjoindre à la direction générale des finances publiques de procéder au paiement de ces aides pour un montant de 33 157 euros.

Par une ordonnance n° 2115708 du 19 janvier 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 février 2022 et 11 mars 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à la SCP Melka-Prigent-Drusch, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

- l'ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une ordonnance du 19 janvier 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a refusé de faire droit à la demande de M. B... tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de deux décisions du 15 octobre 2021 par lesquelles la direction générale des finances publiques a refusé de lui accorder le bénéfice du fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid 19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, créé par une ordonnance du 25 mars 2020 et auquel sont éligibles, aux termes de l'article 1er du décret du 30 mars 2020 relatif à ce fonds, dans les conditions qu'il prévoit, les " personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique ".

2. Il ressort des énonciations non contestées de l'ordonnance attaquée que l'administration a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise de substituer au motif énoncé par ses décisions de refus le motif tiré de ce que M. B... n'était pas éligible au fonds de solidarité dès lors qu'il n'exerçait pas d'activité économique au sens et pour l'application des dispositions citées au point 1.

3. L'administration peut faire valoir devant le juge des référés que la décision dont il lui est demandé de suspendre l'exécution, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge des référés, après avoir mis à même l'auteur de la demande, dans des conditions adaptées à l'urgence qui caractérise la procédure de référé, de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher s'il ressort à l'évidence des données de l'affaire, en l'état de l'instruction, que ce motif est susceptible de fonder légalement la décision et que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative et à condition que la substitution demandée ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué, le juge des référés peut procéder à cette substitution pour apprécier s'il y a lieu d'ordonner la suspension qui lui est demandée.

4. En premier lieu, pour juger que le motif tiré de ce que M. B... n'était pas éligible au fonds de solidarité dès lors qu'il n'exerçait pas d'activité économique était à l'évidence susceptible de fonder légalement les décisions, le juge des référés a relevé que M. B..., conducteur de voiture de transport avec chauffeur, d'une part, avait mentionné un chiffre d'affaires nul pour les périodes au titre desquelles le bénéfice du fonds lui avait été refusé et, d'autre part, avait précisé à l'audience avoir restitué l'automobile qu'il louait en avril 2020 sans cependant avoir, depuis, repris la location d'un nouveau véhicule. En statuant ainsi, le juge des référés, qui n'a pas ajouté à la condition tenant à l'exercice d'une activité économique posée par les dispositions citées au point 1 une condition supplémentaire tenant à la réalisation d'un chiffre d'affaires minimal, et dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait dénaturé les propos tenus par M. B... à l'audience, n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que pour combattre l'allégation de l'administration selon laquelle il n'exerçait pas une activité économique au sens et pour l'application des dispositions citées au point 1, M. B... s'est borné à produire au cours de l'instance ayant conduit à la décision du juge des référés du tribunal administratif de Cergy Pontoise des avis de situation au répertoire SIRENE. D'autre part, les dispositions du décret du 30 mars 2020 ne font pas obstacle à ce que l'administration, tirant les conséquences des déclarations qui lui sont adressées, n'octroie pas l'aide demandée. Il s'ensuit que le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'en l'état de l'instruction, le motif dont la substitution était demandée était susceptible, sans priver M. B... d'une garantie procédurale attachée à la procédure de retrait des actes créateurs de droit, de fonder les décisions prises par l'administration.

6. En troisième lieu, il ne ressort pas des énonciations de l'ordonnance attaquée que le juge des référés aurait écarté comme inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du chapitre Ier du titre IV du livre VII du code de justice administrative : " (...) / Mention [est faite dans la décision] que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. (...) ". En vertu de l'article R. 522-11 du même code : " L'ordonnance du juge des référés porte les mentions définies au chapitre II du titre IV du livre VII. (...) " Aux termes de l'article R. 742-2 de ce chapitre : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application. / Elles font apparaître la date à laquelle elles ont été signées. / Dans les cas prévus au 6° des articles R. 122-12 et R. 222-1 ainsi qu'au 1° de l'article R. 822-5, l'ordonnance vise les décisions et avis par lesquels ont été tranchées ou examinées les questions identiques à celles que la requête présente à juger. "

8. Il ressort des dispositions citées au point 7 que M. B... ne peut utilement soutenir que le juge des référés aurait méconnu les dispositions de l'article R. 741-1 du code de justice administrative en omettant de viser son intervention à l'audience, dès lors que les mentions des ordonnances du juge des référés sont définies non par cet article, mais par l'article R. 742-1 du même code, lequel ne fait pas obligation de mentionner de telles interventions.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. B..., y compris ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peut qu'être rejeté.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Lionel Ferreira

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 oct. 2022, n° 461843
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 27/10/2022
Date de l'import : 30/10/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 461843
Numéro NOR : CETATEXT000046501666 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-10-27;461843 ?
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