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27/10/2022 | FRANCE | N°461383

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 octobre 2022, 461383


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 février et 15 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021 relatif aux modalités de versement de l'aide exceptionnelle prévue à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021, en tant qu'il ne prévoit pas le versement de cette aide aux étudiants sans revenus résidant chez leurs parents et ne p

ercevant aucune aide d'aucun organisme ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 février et 15 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021 relatif aux modalités de versement de l'aide exceptionnelle prévue à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021, en tant qu'il ne prévoit pas le versement de cette aide aux étudiants sans revenus résidant chez leurs parents et ne percevant aucune aide d'aucun organisme ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de compléter ce décret pour prendre en compte la situation de ces étudiants, notamment en désignant un organisme chargé de leur verser cette aide.

Il soutient que les dispositions du décret attaqué méconnaissent le principe d'égalité en ce qu'elles excluent du bénéfice de l'aide exceptionnelle instaurée par l'article 13 de la loi du 1er décembre 2021 de finances rectificatives pour 2021 les étudiants non boursiers vivant chez leurs parents et n'exerçant pas une activité rémunérée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation, notamment son article L. 821-1 ;

- la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 ;

- le décret n° 2021-1623 du 11 décembre 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 13 de la loi du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 : " Une aide exceptionnelle de 100 euros est versée à toute personne âgée d'au moins seize ans résidant régulièrement en France que ses ressources, appréciées au regard de sa situation, rendent particulièrement vulnérable à la hausse du coût de la vie prévue pour le dernier trimestre 2021. Elle ne peut être versée qu'une fois. / Cette aide est à la charge de l'Etat. Elle est versée aux bénéficiaires par les personnes débitrices à leur égard de revenus d'activité ou de remplacement ou de prestations sociales ou, à défaut, par tout autre organisme désigné par décret. Les sommes versées par les payeurs font l'objet d'un remboursement intégral, qui peut, dans le cas de payeurs redevables par ailleurs de cotisations et contributions sociales, prendre la forme d'une imputation sur ces cotisations et contributions. / (...) / Un décret précise les conditions d'application du présent article, notamment les conditions de ressources requises des bénéficiaires, en fonction de leur situation, les modalités du versement de l'aide, les règles de priorité entre débiteurs en cas de pluralité de payeurs potentiels ainsi que, par dérogation à l'article L. 139-2 du code de la sécurité sociale, les modalités de versement aux organismes mentionnés au même article L. 139-2 des sommes dues au titre du remboursement intégral des aides versées ou de la perte de cotisations sociales liée à l'imputation mentionnée au deuxième alinéa du présent article ". Le décret du 11 décembre 2021 relatif aux modalités de versement de l'aide exceptionnelle prévue à l'article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 détermine les conditions et modalités de versement de cette aide exceptionnelle. Il prévoit notamment, à son article 7 : " I. - Bénéficient de l'aide (...) : 1° Les étudiants bénéficiaires, au titre du mois d'octobre 2021, de l'une des aides personnelles au logement mentionnées à l'article L. 821-1 du code de la construction et de l'habitation ; / 2° Les étudiants bénéficiaires, au titre du mois d'octobre 2021, d'une bourse d'enseignement supérieur sous conditions de ressources attribuée ou financée par l'Etat en application de l'article L. 821-1 du code de l'éducation ; / 3° Les élèves et étudiants bénéficiaires, au titre du mois d'octobre 2021, d'une aide annuelle sous conditions de ressources, dans le cadre des formations sanitaires et sociales en application des articles L. 4151-8 et L. 4383-4 du code de la santé publique ou de l'article L. 451-3 du code de l'action sociale et des familles ; / 4° Les étudiants des formations des professions inscrites au livre III de la quatrième partie du code de la santé publique bénéficiaires, au titre du mois d'octobre 2021, d'indemnités de stage dans le cadre de leur formation, qui ne sont pas couverts par les dispositions du 3° du I du présent article ; / 5° Les personnes titulaires d'un contrat d'engagement de service civique en cours d'exécution entre le 1er et le 31 octobre 2021 ; / 6° Les personnes engagées, au mois d'octobre 2021, dans le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie mentionné à l'article L. 5131-4 du code du travail ; / 7° Les personnes engagées au cours du mois d'octobre 2021 dans la formation mentionnée à l'article L. 130-1 du code du service national ; / 8° Les élèves et étudiants bénéficiaires, au titre du mois d'octobre 2021, de l'allocation financière spécifique mentionnée à l'article L. 4132-6 du code de la défense ; / 9° Les élèves des lycées de la défense qui suivent au cours du mois d'octobre 2021 l'une des formations ou l'un des enseignements mentionnés au 2° de l'article R. 425-2 du code de l'éducation (...) ". M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret en tant qu'il exclut du dispositif certains étudiants et qu'il crée ainsi une inégalité de traitement contraire au principe d'égalité entre les étudiants qui vivent chez leurs parents et qui ne perçoivent aucune aide et l'ensemble des autres citoyens.

2. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.

3. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui a conféré le législateur pour déterminer les catégories de personnes dont les ressources, appréciées au regard de leur situation, les rendent particulièrement vulnérables à la hausse du coût de la vie, le pouvoir réglementaire a notamment distingué entre les étudiants selon leur situation financière. Si le requérant soutient que le bénéfice de l'aide exceptionnelle instaurée par l'article 13 de la loi du 1er décembre 2021 précité aurait dû être élargi à l'ensemble des étudiants pour inclure les non boursiers vivant chez leurs parents et n'exerçant pas une activité rémunérée, il était loisible au pouvoir réglementaire, au regard de l'objet de l'aide exceptionnelle, d'en réserver le bénéfice aux étudiants les plus vulnérables. A cet égard, en incluant dans le dispositif des étudiants qui, rattachés ou non au foyer fiscal de leurs parents, bénéficient d'aides ou de prestations particulières déjà soumises à conditions de ressources comme les bourses sur critères sociaux mentionnées au premier alinéa de l'article L. 821-1 du code de l'éducation, le pouvoir réglementaire a tenu compte des situations particulières des uns et des autres, sans édicter de mesure manifestement disproportionnée au regard des différences qui existent entre étudiants, d'une part, et entre étudiants et autres catégories de personnes éligibles à l'aide, d'autre part. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit, par suite, être écarté.

4. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le pouvoir réglementaire n'était en tout état de cause pas tenu, contrairement à ce qui est soutenu, de désigner un organisme pour verser l'aide exceptionnelle aux étudiants non éligibles, notamment les non boursiers vivant chez leurs parents et n'exerçant pas une activité rémunérée.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., et au ministre de la santé et de la prévention.

Copie en sera adressée au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, et au ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Nissen

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 oct. 2022, n° 461383
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Nissen
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé

Origine de la décision
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 27/10/2022
Date de l'import : 30/10/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 461383
Numéro NOR : CETATEXT000046501665 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-10-27;461383 ?
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