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27/10/2022 | FRANCE | N°456351

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 27 octobre 2022, 456351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 avril 2015 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a refusé de lui verser l'indemnité de départ volontaire, d'enjoindre au ministre de lui verser cette indemnité à hauteur de 110 060,44 euros ou, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, et de

la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1600799/5-2 du 9 mars 2017,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 2 avril 2015 par laquelle le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a refusé de lui verser l'indemnité de départ volontaire, d'enjoindre au ministre de lui verser cette indemnité à hauteur de 110 060,44 euros ou, à titre subsidiaire, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros, assortie des intérêts moratoires au taux légal à compter de la réception de la demande préalable, et de la capitalisation des intérêts. Par un jugement n° 1600799/5-2 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17PA01569 du 12 juin 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par une décision n° 423168 du 24 décembre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Par un arrêt n° 19PA04276 du 6 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. A... contre le jugement du 9 mars 2017 du tribunal administratif de Paris.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre et 7 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., ingénieur du génie rural, des eaux et des forêts, a été placé, sur sa demande, en disponibilité pour convenances personnelles à compter du mois de novembre 2000. En juin 2011, il a sollicité, sans succès, le versement de l'indemnité de départ volontaire en application du décret du 17 avril 2008 instituant cette indemnité. Il a renouvelé sa demande le 26 décembre 2014, qui a été rejetée par une décision du 2 avril 2015 du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant, à titre principal, à l'annulation de la décision du 2 avril 2015 et, à titre subsidiaire, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 6 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après annulation par le Conseil d'Etat de son premier arrêt du 12 juin 2018, a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 17 avril 2008 instituant une indemnité de départ volontaire, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) l'indemnité de départ volontaire peut être attribuée aux agents mentionnés à l'article 1er qui quittent définitivement la fonction publique de l'Etat pour créer ou reprendre une entreprise au sens de l'article L. 351-24 du code du travail. / (...) L'agent dispose d'un délai de six mois pour communiquer aux services de l'Etat le K bis attestant de l'existence juridique de l'entreprise qu'il crée ou reprend. Il devra transmettre, à l'issue du premier exercice, les pièces justificatives permettant de vérifier la réalité de l'activité de l'entreprise (...) ". Aux termes de l'article L. 351-24 du code du travail : " L'Etat peut accorder les aides mentionnées à l'article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale (...) lorsqu'elles créent ou reprennent une activité économique industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée ". Il résulte de ces dispositions que l'indemnité de départ volontaire ne peut être attribuée qu'aux agents qui la demandent avant de créer ou reprendre une entreprise.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par son courrier du 26 décembre 2014, M. A... s'est borné à réitérer sa demande formée en juin 2011 et à contester le calcul du montant de l'indemnité correspondant à cette demande, qui lui avait été proposé le 21 janvier 2014. Par suite, en regardant ce courrier comme constituant une demande nouvelle et en en déduisant que le ministre chargé de l'agriculture était fondé à rejeter la demande d'indemnité de départ volontaire sollicitée par M. A... au motif qu'elle a été formée postérieurement à la création de son entreprise en 2013, la cour administrative d'appel de Paris a dénaturé les pièces du dossier.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.

5. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

6. Il résulte, d'une part, des dispositions rappelées au point 2 que le départ définitif de la fonction publique préalablement à la création de l'entreprise ne constitue pas une condition pour pouvoir bénéficier de l'indemnité de départ volontaire. Il résulte, d'autre part, de ce qui est dit au point 3 que la demande d'octroi de l'indemnité de départ volontaire dont était saisi le ministre chargé de l'agriculture a été présentée par M. A... en juin 2011. Le ministre ne pouvait donc légalement fonder le rejet de sa demande ni sur la circonstance que l'intéressé avait créé son entreprise avant de démissionner de la fonction publique de l'Etat, ni même sur la tardiveté de sa demande au regard de la date de création de l'entreprise.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 2 avril 2015.

8. L'exécution de la présente décision implique seulement que la demande de M. A... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de procéder à ce réexamen et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 juillet 2021 et le jugement du tribunal administratif de Paris du 9 mars 2017 sont annulés.

Article 2 : La décision du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt du 2 avril 2015 est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire de procéder au réexamen de la demande de M. A... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. A... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. A... devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Copie en sera adressée à la section du rapport et des études.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et M. Hervé Cassara, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Japiot

Le rapporteur :

Signé : M. Hervé Cassara

La secrétaire :

Signé : Mme Pierrette Kimfunia


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 456351
Date de la décision : 27/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 oct. 2022, n° 456351
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: Mme Cécile Raquin
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:456351.20221027
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