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27/10/2022 | FRANCE | N°455735

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 27 octobre 2022, 455735


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 14 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a refusé de transmettre au procureur de la République sa plainte relative aux agissements de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), et de constater l'irrégularité née de l'absence d'accusé de réception par l'ACPR aux courriers qu'elle lui a ad

ressés à ce sujet les 17 décembre 2019 et 20 août 2020.

Il soutient que l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 août et 14 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a refusé de transmettre au procureur de la République sa plainte relative aux agissements de la Caisse nationale de prévoyance (CNP), et de constater l'irrégularité née de l'absence d'accusé de réception par l'ACPR aux courriers qu'elle lui a adressés à ce sujet les 17 décembre 2019 et 20 août 2020.

Il soutient que la décision de l'ACPR est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la gravité des faits délictueux portés à sa connaissance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code monétaire et financier ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale,

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l' Autorité de contrôle prudentiel et de résolution;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 612-28 du code monétaire et financier : " Lorsque sont relevés des faits susceptibles de justifier des poursuites pénales, le président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou la Banque centrale européenne en informe le procureur de la République territorialement compétent, sans préjudice des sanctions que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut prononcer. " Aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale : " (...) Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ".

2. Par un courrier en date du 17 décembre 2019, M. A... a transmis à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) la copie d'une réclamation adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour l'informer d'un différend l'opposant à son assureur, la Caisse nationale de prévoyance (CNP), concernant le refus de la caisse de poursuivre la prise en charge partielle des mensualités d'un prêt immobilier pour le compte de son épouse, depuis décédée, au motif, d'une part, que le médecin mandaté par la société d'assurance avait transmis à la CNP des données médicales sans le consentement préalable de son épouse et, d'autre part, que ce médecin exerçait sans l'immatriculation requise par le code de l'assurance. Par un courrier en date du 20 août 2020, M. A... a demandé à l'ACPR de saisir le parquet de ces faits. M. A... a demandé le 18 août 2021 l'annulation du refus implicite né de l'absence de réponse de l'Autorité à son dernier courrier, dont elle n'avait par ailleurs pas accusé réception.

3. En premier lieu, il est constant que l'ACPR n'a pas accusé réception des courriers que lui a adressés M. A... les 17 décembre 2019 et 20 août 2020. Cette circonstance, si elle fait obstacle à ce que les délais de recours contentieux soient opposés à l'intéressé, n'entache d'aucune irrégularité la ou les décisions révélées, le cas échéant, par ces courriers.

4. En deuxième lieu, M. A... soutient que, contrairement aux exigences des articles L. 512-1 et L. 512-2 du code des assurances, le médecin expert mandaté par l'assureur n'était pas immatriculé comme intermédiaire d'assurance, le défaut d'immatriculation étant un délit réprimé par l'article L. 514-1 du code des assurances. Toutefois, aux termes de l'article L. 511-1 du code des assurances : " I.- La distribution d'assurances ou de réassurances est l'activité qui consiste à fournir des recommandations sur des contrats d'assurance ou de réassurance, à présenter, proposer ou aider à conclure ces contrats ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion, ou à contribuer à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre. / Est également considérée comme de la distribution d'assurances la fourniture d'informations sur un ou plusieurs contrats d'assurance selon des critères choisis par le souscripteur ou l'adhérent sur un site internet ou par d'autres moyens de communication et l'établissement d'un classement de produits d'assurance comprenant une comparaison des prix et des produits, ou une remise de prime, lorsque le souscripteur ou l'adhérent peut conclure le contrat directement ou indirectement au moyen du site internet ou par d'autres moyens de communication. / (...) III.- Est un distributeur de produits d'assurance ou de réassurance tout intermédiaire d'assurance ou de réassurance, tout intermédiaire d'assurance à titre accessoire ou toute entreprise d'assurance ou de réassurance. / Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne physique ou morale autre qu'une entreprise d'assurance ou de réassurance et son personnel et autre qu'un intermédiaire d'assurance à titre accessoire, qui, contre rémunération, accède à l'activité de distribution d'assurances ou de réassurances ou l'exerce ". Il résulte de ces dispositions qu'un médecin libéral mandaté par une entreprise d'assurance, en vue d'effectuer un contrôle médical dans le cadre de l'exécution d'un contrat d'assurance, ne saurait être qualifié d'intermédiaire d'assurance.

5. En dernier lieu, M. A... doit être regardé, dans le dernier état de ses écritures, comme soutenant que la transmission à la CNP, par le médecin que la caisse avait mandaté, des informations relatives à la santé de Mme A... recueillies lors de la consultation médicale à laquelle cette dernière s'est rendue à la demande de la caisse, alors que Mme A... avait expressément refusé cette transmission, est constitutive du délit réprimé par les dispositions de l'article 226-19 du code pénal, aux termes duquel : " Le fait, hors les cas prévus par la loi, de mettre ou de conserver en mémoire informatisée, sans le consentement exprès de l'intéressé, des données à caractère personnel qui, directement ou indirectement, (...) sont relatives à la santé (...), est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier adressé le 26 septembre 2019 à Mme A... par la CNP, que c'est sur la base des éléments recueillis lors de l'expertise médicale du 4 septembre précédent, à laquelle s'est rendue Mme A... auprès du médecin mandaté par la CNP, que cet assureur a cessé la prise en charge des mensualités de son prêt, au motif de la capacité de l'assurée à exercer ses activités non-professionnelles. Toutefois, M. A... n'apporte aucun élément de preuve au soutien de l'affirmation selon laquelle son épouse aurait expressément refusé la transmission à l'assureur des données relatives à son état de santé, alors qu'au demeurant, le courrier du 13 août 2019 invitait Mme A... à prendre rendez-vous avec " le médecin contrôleur de CNP assurances au motif que " l'examen de vos droits aux prestations garanties par CNP Assurances nécessite un contrôle médical de votre état de santé " et invitait à venir à ce rendez-vous avec " toutes les pièces médicales vous concernant ".

7. Il résulte de tout ce qui précède qu'alors que la CNIL a décidé d'instruire la plainte déposée auprès d'elle par M. A... pour les mêmes motifs, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que l'ACPR, qui n'a pas la protection des données personnelles parmi les intérêts principaux dont elle a la charge, a pu estimer que les infractions invoquées par M. A... n'étaient pas suffisamment établies et ne portaient pas une atteinte suffisamment caractérisée aux dispositions dont elle a pour mission d'assurer l'application, pour justifier une transmission au parquet dans les conditions prévues par l'article L. 612-28 du code monétaire et financier et l'article 40 du code de procédure pénale. M. A... n'est dès lors pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision attaquée.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 500 euros à verser à l'ACPR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera à l'ACPR une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

La rapporteure :

Signé : Mme Cécile Nissen

La secrétaire :

Signé : Mme Wafak Salem

La République mande et ordonne à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 oct. 2022, n° 455735
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Nissen
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET

Origine de la décision
Formation : 9ème chambre
Date de la décision : 27/10/2022
Date de l'import : 30/10/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 455735
Numéro NOR : CETATEXT000046501655 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-10-27;455735 ?
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