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27/10/2022 | FRANCE | N°448393

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 27 octobre 2022, 448393


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 5 janvier 2021, 31 mars 2021, 10 janvier 2022 et 6 octobre 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Pouilly-Fuissé " ;

2°) d'enjoindre aux autorités compétentes d'inclure la parcelle C 870 dans son intégralité dans le climat " Vers Cras " éligible

au premier cru dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à int...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 5 janvier 2021, 31 mars 2021, 10 janvier 2022 et 6 octobre 2022, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 homologuant le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée " Pouilly-Fuissé " ;

2°) d'enjoindre aux autorités compétentes d'inclure la parcelle C 870 dans son intégralité dans le climat " Vers Cras " éligible au premier cru dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre aux autorités compétentes de réexaminer le classement de la parcelle C 870 dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat et de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2011-1818 du 7 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. D... C... et à la SARL Didier-Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un décret du 7 décembre 2011, le Premier ministre a homologué le cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée (AOC) " Pouilly-Fuissé ". Par une délibération du 3 septembre 2020, le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a approuvé la reconnaissance de climats de cette AOC en premier cru et fixé la délimitation parcellaire de ces climats. Par un arrêté du 5 novembre 2020, pris en application de l'article L. 641-7 du code rural et de la pêche maritime, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le ministre de l'économie, des finances et de la relance et le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, ont homologué un nouveau cahier des charges de l'AOC " Pouilly-Fuissé " et abrogé le décret du 7 décembre 2011. M. D... C... demande l'annulation de cet arrêté en tant qu'il exclut de l'aire parcellaire délimitée du climat classé en premier cru " Vers Cras " une partie de sa parcelle numérotée C 870. Il demande en outre qu'il soit enjoint aux autorités compétentes d'inclure cette parcelle dans son intégralité dans le climat " Vert Cras " ou, subsidiairement, qu'il soit enjoint aux autorités compétentes de réexaminer le classement de ladite parcelle.

Sur la légalité externe :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 641-7 du code rural et de la pêche maritime : " La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est prononcée par un arrêté du ou des ministres intéressés qui homologue un cahier des charges où figurent notamment la délimitation de l'aire géographique de production de cette appellation ainsi que ses conditions de production ". Aux termes de l'article R. 641-13 du même code : " La demande de reconnaissance d'une appellation d'origine (...) est soumise à une procédure nationale d'opposition d'une durée de deux mois organisée par le directeur de l'Institut national de l'origine et de la qualité après avis du comité national compétent. / (...) / Les oppositions motivées sont adressées par écrit à l'Institut national de l'origine et de la qualité dans le délai de deux mois prévu pour la consultation. / (...) / L'Institut national de l'origine et de la qualité notifie aux auteurs des oppositions les suites qui y ont été données ".

3. Il résulte de ces dernières dispositions que la notification des suites données aux oppositions a seulement pour objet d'informer les opposants éventuels, auxquels elle n'accorde aucun droit ou garantie supplémentaire, de sorte que la date de cette notification est sans incidence sur la légalité de l'arrêté relatif à une appellation d'origine contrôlée. Par suite, la circonstance que l'INAO n'ait répondu à l'opposition de M. C... que postérieurement à l'adoption de l'arrêté attaqué est sans incidence sur la légalité de celui-ci.

Sur la légalité interne :

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 16 novembre 2017, confirmée par une délibération du 14 novembre 2019, le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées et des boissons spiritueuses de l'INAO a, pour la délimitation des climats en premier cru, retenu notamment des critères d'inclusion destinés à assurer le respect de la constitution d'une entité regroupant des parcelles présentant une unité géo-pédo-morphologique. Aux termes de ces délibérations, pour être incluse dans l'aire, une parcelle doit former avec les autres parcelles une unité tenant à un cumul de conditions portant sur la qualité de son sol, son altitude, son exposition et sa pente.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'INAO a justifié le classement dans l'aire du climat premier cru " Vers Cras " d'une partie seulement de la parcelle du requérant numérotée C 870 en relevant que cette parcelle se situe dans le même contexte pédologique que les parcelles retenues adjacentes mais que seule la partie de cette parcelle située à l'est du chemin est retenue en vue de respecter la cohérence du climat et les unités culturales. Cette dernière indication correspond au constat que la partie ouest de cette parcelle, si elle remplit la condition tenant à la qualité du sol, ne remplit pas toutes les autres conditions nécessaires pour former une unité géo-pédo-morphologique avec les parcelles retenues. Ainsi, contrairement à ce que soutient M. C..., l'INAO n'a pas fondé sa décision sur d'autres critères que ceux qu'il avait définis liés aux caractéristiques naturelles des parcelles à classer.

6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour exclure du climat premier cru " Vers Cras " une partie de la parcelle du requérant numérotée C 870, l'INAO s'est fondé sur le fait que cette parcelle, qui est en forme de " L ", est constituée de deux parties appartenant à des unités topographiques et culturales distinctes, la partie exclue de la parcelle C 870, qui se détache de la délimitation occidentale de l'aire du climat " Vers Cras ", se situant dans la partie sommitale de cette parcelle et débutant le versant de cette parcelle regardant vers l'ouest, ce qui correspond à un changement de pente et d'orientation par rapport au reste de la parcelle, qui s'accompagne d'un changement dans la direction des rangs de vigne. Au regard de ces différences, et sans qu'importe à cet égard que le chemin séparant les deux parties de cette parcelle ne correspondrait qu'à une simple traversière, c'est sans erreur d'appréciation que l'INAO a pu estimer que la parcelle numérotée C 870 ne répondait pas dans sa totalité aux critères définis pour l'inclusion dans l'aire parcellaire premier cru " Vers Cras ", et ne retenir dans cette aire que la partie Est de cette parcelle, la circonstance que la délimitation de l'aire qui en résulte ne corresponde pas aux délimitations administratives et cadastrales étant à cet égard sans incidence.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté qu'il attaque, en tant qu'il exclut de l'aire parcellaire délimitée du climat classé en premier cru " Vers Cras " une partie de sa parcelle numérotée C 870.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement à l'INAO d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et de l'INAO qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.

D E C I D E :
--------------

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à l'INAO la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... C..., au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, au ministre chargé des comptes publics, ainsi qu'à l'Institut national de l'origine et de la qualité.
Délibéré à l'issue de la séance du 13 octobre 2022 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, conseiller d'Etat, présidant ; M. Christian Fournier, conseiller d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 27 octobre 2022.

Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 27 oct. 2022, n° 448393
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Géraud Sajust de Bergues
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO et GOULET ; SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 27/10/2022
Date de l'import : 01/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 448393
Numéro NOR : CETATEXT000046501649 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-10-27;448393 ?
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