La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/10/2022 | FRANCE | N°464425

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 21 octobre 2022, 464425


Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Strasbourg, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, après avoir constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de Mme A... D... et M. B... C..., candidats lors des élections qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 en vue de la désignation, pour le canton de Sarralbe, des membres du conseil départemental de la Moselle.

Par un jugement n° 2201455 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg

a jugé que la Commission nationale des comptes de campagne et des financ...

Vu la procédure suivante :

La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a saisi le tribunal administratif de Strasbourg, en application de l'article L. 52-15 du code électoral, après avoir constaté le dépôt hors délai du compte de campagne de Mme A... D... et M. B... C..., candidats lors des élections qui se sont déroulées les 20 et 27 juin 2021 en vue de la désignation, pour le canton de Sarralbe, des membres du conseil départemental de la Moselle.

Par un jugement n° 2201455 du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques avait rejeté à bon droit le compte de compagne de Mme D... et M. C... et a déclaré Mme D... et M. C... inéligibles pendant une durée de douze mois et démissionnaires d'office de leurs mandats de membres du conseil départemental de la Moselle pour le canton de Sarralbe.

Par une requête, enregistrée le 27 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme D... et M. C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de juger qu'il n'y a pas lieu de les déclarer inéligibles ni démissionnaires d'office de leurs mandats de membres du conseil départemental de la Moselle pour le canton de Sarralbe ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de Mme D... et de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que Mme D... et M. C... ont obtenu 60,68 % des suffrages exprimés à l'issue du second tour de scrutin organisé le 27 juin 2021 pour l'élection des conseillers départementaux dans le canton de Sarralbe (Moselle) et ont été déclarés élus. Par une décision du 21 février 2022, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté le dépôt hors délai de leur compte de campagne et a saisi le juge de l'élection en application des dispositions de l'article L. 52-15 du code électoral. Par un jugement du 28 avril 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le compte de campagne de Mme D... et M. C... avait été rejeté à bon droit par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et les a déclarés inéligibles pour une durée de douze mois et démissionnaires d'office de leur mandat de conseiller départemental.

2. Mme D... et M. C..., qui ne contestent pas avoir déposé leur compte de campagne postérieurement au délai légal fixé au 17 septembre 2021 à 18 heures, ne relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg qu'en tant qu'il les a déclarés inéligibles et démissionnaires d'office.

3. Aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : " I.- Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement des dépenses électorales prévu à l'article L.52-11 est tenu d'établir un compte de campagne lorsqu'il a obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés (...) / II.- Au plus tard avant 18 heures le dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques son compte de campagne et ses annexes accompagné des justificatifs de ses recettes (...) ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte. / III.- Le compte de campagne est présenté par un membre de l'ordre des experts-comptables. Ce dernier met le compte de campagne en état d'examen et s'assure de la présence des pièces justificatives requises. (...) ". Aux termes de l'article L. 52-15 du même code : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection ". Aux termes de l'article L. 118-3 du même code : " Lorsqu'il relève une volonté de fraude ou un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, le juge de l'élection, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, peut déclarer inéligible :/ 1° Le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12 (...) ".

4. En application des dispositions du code électoral citées au point 3, en dehors des cas de fraude, le juge de l'élection ne peut prononcer l'inéligibilité d'un candidat sur le fondement de ces dispositions que s'il constate un manquement d'une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce et d'apprécier s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s'il présente un caractère délibéré.

5. L'obligation pour le candidat de déposer ses comptes de campagne auprès de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans les conditions, notamment de délai, prévues par l'article L. 52-12 du code électoral constitue une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales. La méconnaissance de cette obligation justifie qu'une sanction d'inéligibilité soit prononcée à l'encontre du candidat ou du candidat tête de liste en application de l'article L. 118-3 du même code si cette méconnaissance présente un caractère délibéré.

6. Si Mme D... et M. C..., qui ne contestent pas avoir déposé hors délai leur compte de campagne, justifient ce manquement par un oubli lié à la surcharge de travail résultant de leurs différents mandats, il résulte de l'instruction que, d'une part, ils avaient déjà été élus pour exercer d'autres mandats et ne peuvent donc se prévaloir d'une inexpérience pour s'exonérer de la méconnaissance d'une règle qui, aux termes mêmes des dispositions citées au point 3, constitue une responsabilité personnelle du candidat. D'autre part, ainsi que l'a relevé à bon droit le tribunal administratif, à qui il incombait, contrairement à ce qui est soutenu par les requérants, de prendre en compte l'ensemble des circonstances de l'espèce, le compte de campagne était entaché d'autres irrégularités, notamment de l'absence de visa par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés lors de son dépôt à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-12 du code électoral doit donc être regardée comme présentant un caractère délibéré.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé leur inéligibilité pour une durée de douze mois et les a déclarés démissionnaires d'office.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme D... et de M. C... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... D..., première requérante dénommée, à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et M. Hervé Cassara, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Japiot

Le rapporteur :

Signé : M. Hervé Cassara

La secrétaire :

Signé : Mme Pierrette Kimfunia


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 21 oct. 2022, n° 464425
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: Mme Cécile Raquin
Avocat(s) : SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 21/10/2022
Date de l'import : 20/11/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 464425
Numéro NOR : CETATEXT000046473912 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2022-10-21;464425 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award