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21/10/2022 | FRANCE | N°462587

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 21 octobre 2022, 462587


Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du préfet du Finistère du 19 décembre 2021 portant refus d'admission au séjour et d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente du jugement au fond, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans un délai de 72 heures à compter de la notificat

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Vu la procédure suivante :

M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rennes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du préfet du Finistère du 19 décembre 2021 portant refus d'admission au séjour et d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans l'attente du jugement au fond, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans un délai de 72 heures à compter de la notification de l'ordonnance du tribunal, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2200242 du 8 février 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 7 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Rennes que M. B..., ressortissant guinéen né en 1989, est entré en France en novembre 2020. Le 21 novembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissant communautaire. Par une décision du 19 décembre 2021, le préfet du Finistère a rejeté cette demande. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 8 février 2022 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, rejeté sa demande de suspension de l'exécution de cette décision.

Sur l'exception aux fins de non-lieu à statuer opposée par le ministre de l'intérieur et des outre-mer :

2. Il ressort des écritures en défense du ministre que, le 4 octobre 2022, M. B... s'est vu remettre par le préfet du Finistère un récépissé de demande de carte de séjour, valable jusqu'au 3 janvier 2023. Si ce document vaut autorisation provisoire de séjour jusqu'à cette date dans l'attente de l'instruction de sa demande, il ne peut être regardé comme abrogeant la décision en litige du préfet du Finistère du 19 décembre 2021 refusant son admission au séjour. Il s'ensuit que les conclusions de M. B... tendant à la suspension de l'exécution de cette décision et, par suite, celles tendant à l'annulation de l'ordonnance du juge des référés refusant d'y faire droit, n'ont pas perdu leur objet et qu'il y a lieu d'y statuer.

Sur les conclusions du pourvoi :

3. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. / (...) La suspension prend fin au plus tard lorsqu'il est statué sur la requête en annulation ou en réformation de la décision ".

4. Aux termes du 1 de l'article 7 de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres : " Tout citoyen de l'Union a le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une durée de plus de trois mois : / a) s'il est un travailleur salarié ou non salarié dans l'Etat membre d'accueil ; ou / b) s'il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale de l'Etat membre d'accueil au cours de son séjour, et d'une assurance maladie complète dans l'Etat membre d'accueil; (...) ". Aux termes du 2 du même article : " Le droit de séjour prévu au paragraphe 1er s'étend aux membres de la famille n'ayant pas la nationalité d'un Etat membre lorsqu'ils accompagnent ou rejoignent dans l'Etat membre d'accueil le citoyen de l'Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c). ".

5. Aux termes de l'article L. 233-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les citoyens de l'Union européenne ont le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'ils satisfont à l'une des conditions suivantes : / 1° Ils exercent une activité professionnelle en France ; / 2° Ils disposent pour eux et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; / (...) ". Aux termes de son article L. 233-2 : " Les ressortissants de pays tiers, membres de famille d'un citoyen de l'Union européenne satisfaisant aux conditions énoncées aux 1° ou 2° de l'article L. 233-1, ont le droit de séjourner sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois. / (...) ". Aux termes de son article L. 200-4 : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / 1° Conjoint du citoyen de l'Union européenne ; / (...) ". Aux termes de son article L. 200-3 : " Pour l'application du présent livre, et dans les conditions qu'il prévoit, les ressortissants des États, non membres de l'Union européenne, parties à l'accord sur l'Espace économique européen, ainsi que les ressortissants de la Confédération suisse, sont assimilés aux citoyens de l'Union européenne. / Outre les ressortissants de la Confédération suisse, les ressortissants mentionnés au premier alinéa sont ceux de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein et du Royaume de Norvège ". Aux termes de son article R. 221 -1 : " Les citoyens de l'Union européenne munis d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité sont admis sur le territoire français ".

6. Il résulte des dispositions citées au point 5 qu'un étranger, conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne ou d'un ressortissant qui lui est assimilé, n'ayant pas lui-même la qualité de citoyen de l'Union européenne, ne peut se voir refuser un titre de séjour au seul motif de son entrée irrégulière ou de son séjour irrégulier sur le territoire français.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que si M. B... est entré sur le territoire français en novembre 2020 sans être titulaire d'un visa, il a épousé le 19 juin 2021 Mme A..., naturalisée norvégienne le 21 novembre 2020. Par suite, en jugeant que n'était pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet du Finistère en fondant son refus de délivrer un titre de séjour à M. B... sur l'irrégularité de son entrée sur le territoire français, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 8 février 2022 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 octobre 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Benoît Bohnert conseiller d'Etat, M. Hervé Cassara, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 21 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Japiot

Le rapporteur :

Signé : M. Hervé Cassara

La secrétaire :

Signé : Mme Pierrette Kimfunia


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 462587
Date de la décision : 21/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 oct. 2022, n° 462587
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: Mme Cécile Raquin
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:462587.20221021
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