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20/10/2022 | FRANCE | N°449164

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 20 octobre 2022, 449164


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société BD Multimédia demande au Conseil d'Etat :

1°) de réformer l'article 2 de la décision du 23 décembre 2020 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) lui a infligé un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de 20 000 euros, afin que cette décision ne soit publiée que sous forme anonyme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'art

icle L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

V...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société BD Multimédia demande au Conseil d'Etat :

1°) de réformer l'article 2 de la décision du 23 décembre 2020 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) lui a infligé un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de 20 000 euros, afin que cette décision ne soit publiée que sous forme anonyme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Saby, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société BD Multimédia et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ;

Considérant ce qui suit :

1. La société BD Multimédia, qui exerce notamment une activité de services de paiement, a fait l'objet du 8 octobre au 21 décembre 2018, d'un contrôle sur place mené par les services de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). À l'issue de ce contrôle puis de la procédure disciplinaire ouverte à son encontre, la commission des sanctions de l'ACPR a décidé le 23 décembre 2020, d'une part, de lui infliger un blâme ainsi qu'une sanction pécuniaire de 20 000 euros et, d'autre part, de publier cette décision au registre de l'ACPR, pendant une durée de trois ans sous une forme nominative, puis sous une forme anonyme. La société BD Multimédia demande la réformation de l'article 2 de cette décision afin qu'il en prévoit la publication sous une forme exclusivement anonyme.

2. Aux termes de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier : " (...) La décision de la commission des sanctions est rendue publique dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée. Les frais sont supportés par les personnes sanctionnées. Toutefois, lorsque la publication risque de perturber gravement les marchés financiers ou de causer un préjudice disproportionné aux parties en cause, la décision de la commission peut prévoir qu'elle ne sera pas publiée. (...) ".

3. Outre sa portée punitive, l'objet de la décision par laquelle la commission des sanctions rend publique, aux frais de l'intéressé, la sanction qu'elle prononce, est de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées tant les irrégularités qui ont été commises que les sanctions que celles-ci ont appelées, afin de satisfaire aux exigences d'intérêt général relatives à la protection des clients des établissements concernés, au bon fonctionnement des marchés financiers et, le cas échéant, à l'efficacité de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

4. En premier lieu, la société BD Multimédia soutient qu'en raison de sa place peu significative sur le marché des services de paiement, une publication sous forme anonyme préserverait suffisamment l'intérêt général. Toutefois, d'une part, la société requérante ne conteste pas la forte progression de son activité sur le marché des services de paiement. D'autre part, la circonstance qu'elle demeure une entreprise de petite taille dans ce secteur ne saurait à elle seule justifier une atteinte à l'exigence d'intérêt général qui s'attache à la protection de sa clientèle et de ses potentiels clients, alors au demeurant qu'une part significative des manquements sanctionnés sont relatifs au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

5. En deuxième lieu, la société BD Multimédia soutient qu'une publication nominative au registre de l'ACPR, durant une période de trois années, alors que ce registre est accessible depuis le site internet de l'autorité, présente un caractère excessif compte tenu de sa petite taille, de la fragilité de sa situation financière, du contexte de vive concurrence dans lequel elle évolue et des actions correctives qu'elle a engagées. Toutefois, ces modalités de publications, qui répondent aux finalités de la sanction complémentaire que constitue la publication de la sanction, sont conformes aux dispositions de l'article 60 de la directive n° 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, dont l'article L. 612-39 du code monétaire et financier contribue à assurer la transposition.

6. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée, en particulier de son paragraphe 116, que pendant la période couverte par le contrôle, le dispositif de gel des avoirs de la société était très lacunaire, que ses procédures internes étaient incomplètes et qu'elle ne respectait pas intégralement ses obligations de vérification d'identité et de connaissance de ses clients, ni de suivi de la relation d'affaires. Plusieurs manquements à ses obligations déclaratives ont également été relevés par la commission des sanctions de l'ACPR qui, par ailleurs, a qualifié le dispositif de contrôle interne de la société " d'embryonnaire ". Dans ces conditions, alors mêmes que certains griefs initialement notifiés à la société n'ont finalement pas été retenus, que d'autres ont vu leur périmètre réduit, que la qualification de certains manquements reposent sur des faits matériellement identiques et que la société requérante a entrepris des actions correctives, prises en compte pour arrêter les sanctions pécuniaire et non pécuniaires prononcées par la commission des sanctions de l'ACPR, la société BD Multimédia n'est pas fondée à soutenir que la gravité des manquements qu'elle a commis présenterait un caractère relatif s'opposant à une publication sous une forme nominative.

7. En quatrième lieu, la société se prévaut d'un risque d'atteinte à son image et à sa réputation, dans un contexte marqué par une forte dégradation de son activité, elle-même accentuée par la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19. Elle soutient par ailleurs que les modalités de publication prescrites par la commission des sanctions de l'ACPR auront pour effet d'accroitre ses difficultés et même pourraient l'empêcher de continuer à assurer la couverture des fonds de ses clients si elle n'était plus en mesure de conclure un contrat d'assurance à cet effet. En se bornant à faire état de telles critiques, sans apporter le moindre commencement de justifications quant à la probable réalisation de ces risques, la société BD Multimédia n'établit pas, cependant, que la publication de la décision du 23 décembre 2020 sous une forme nominative est de nature à lui causer un préjudice disproportionné au regard de l'intérêt public qui s'attache à une telle publication.

8. En cinquième et dernier lieu, les dispositions de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier citées au point 2 ci-dessus n'interdisent pas la publication, sous une forme nominative, de mesures disciplinaires telles que le blâme, ni de sanctions pécuniaires dont le montant est significativement inférieur au plafond fixé par cet article à 100 millions d'euros ou à 10 % du chiffre d'affaires annuel net réalisé par l'auteur des manquements.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société BD Multimédia n'est pas fondée à soutenir que la publication sous une forme nominative de la sanction prononcée à son encontre par la commission des sanctions de l'ACPR le 23 décembre 2020 présente un caractère disproportionné contraire aux dispositions de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier, ni, par suite, à demander la réformation de l'article 2 de cette décision.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ACPR qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société BD Multimédia une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par l'ACPR et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société BD Multimédia est rejetée.

Article 2 : La société BD Multimédia versera à l'ACPR une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société BD Multimédia et à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Délibéré à l'issue de la séance du 29 septembre 2022 où siégeaient : M. Thomas Andrieu, conseiller d'Etat, présidant ; M. Nicolas Polge, conseiller d'Etat et M. Olivier Saby, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 20 octobre 2022.

Le président :

Signé : M. Thomas Andrieu

Le rapporteur :

Signé : M. Olivier Saby

La secrétaire :

Signé : Mme Laurence Chancerel


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 449164
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 2022, n° 449164
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Saby
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA ; SARL MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:449164.20221020
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