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01/07/2020 | FRANCE | N°425972

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 01 juillet 2020, 425972


Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence et, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois, ainsi que de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail.

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Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er février 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a assigné à résidence et, d'autre part, d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois, ainsi que de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail.

Par un jugement n° 1800498 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 1er février 2018, enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 18NT00921 du 5 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le préfet d'Ille-et-Vilaine contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 4 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Stéphanie Vera, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B..., ressortissant marocain né le 3 janvier 2000, est entré en France, selon ses déclarations, le 21 août 2016, muni d'un visa de court séjour valable du 9 août au 4 septembre 2016 et s'est maintenu sur le territoire français. Il a été interpellé le 1er février 2018 et a fait l'objet, le même jour, de deux arrêtés du préfet d'Ille-et-Vilaine l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et l'assignant à résidence. Par un jugement du 9 février 2018, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de M. A... B... tendant à l'annulation de ces arrêtés. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 octobre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par le préfet d'Ille-et-Vilaine contre ce jugement.

2. D'une part, selon les termes de l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous réserve des engagements internationaux de la France et hors le cas des ressortissants des Etats mentionnés à l'article L. 121-1 de ce code, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire d'un document de séjour. Le I de l'article L. 511-1 du même code, dans sa version en vigueur à la date de des arrêtés contestés, dispose que: " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ". Et, selon les dispositions de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 311-1 du même code : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans (...), est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. ". L'article R. 311-2 de ce code dispose, dans sa version en vigueur à la date des arrêtés contestés, que : " La demande est présentée par l'intéressé dans les deux mois de son entrée en France. S'il y séjournait déjà, il présente sa demande : / 1° Soit, au plus tard, avant l'expiration de l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, si l'étranger peut obtenir de plein droit un titre de séjour en application soit de l'article L. 313-7-2, soit des 1°, 2°, 2° bis ou 10° de l'article L. 313-11, soit de l'article L. 313-13, soit de l'article L. 313-21, soit de l'article L. 313-24, soit des 8° ou 9° de l'article L. 314-11, soit de l'article L. 314-12 ; / 2° Soit au plus tard deux mois après la date de son dix-huitième anniversaire, si l'étranger ne peut obtenir de plein droit un titre de séjour dans les conditions prévues au 1° ci-dessus ; (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un étranger résidant habituellement en France avant sa majorité doit, pour se conformer à l'obligation de possession d'un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire. Il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période.

5. Par suite, en jugeant que M. A... B... ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'à la date des mesures contestées, le délai de deux mois dont il disposait à compter de sa majorité pour demander un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas expiré et qu'en conséquence le préfet d'Ille-et-Vilaine ne pouvait légalement prendre ces mesures, la cour administrative d'appel de Nantes n'a commis aucune erreur de droit. Par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 5 octobre 2018.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. C... A... B....


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 425972
Date de la décision : 01/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ÉTRANGERS - SÉJOUR DES ÉTRANGERS - AUTORISATION DE SÉJOUR - OBLIGATION DE POSSESSION D'UN TITRE DE SÉJOUR (ART - L - 311-1 DU CESEDA) - ETRANGER RÉSIDANT HABITUELLEMENT EN FRANCE DEVENANT MAJEUR - 1) OBLIGATION DE SOLLICITER UN TITRE DANS LES DEUX MOIS (ART - R - 311-2 DU CESEDA) - 2) POSSIBILITÉ DE PRONONCER UNE OQTF SUR LE FONDEMENT DU 2° DU I DE L'ARTICLE L - 511-1 DU CESEDA - EXISTENCE - À CONDITION QUE L'ÉTRANGER N'AIT PAS SOLLICITÉ UN TITRE PENDANT CETTE PÉRIODE.

335-01-02 1) Il résulte de la combinaison de l'article L. 311-1, du I de l'article L. 511-1, des articles L. 511-4, R. 311-1 et R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'un étranger résidant habituellement en France avant sa majorité doit, pour se conformer à l'obligation de possession d'un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire.... ,,2) Il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du CESEDA que s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période.

ÉTRANGERS - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - LÉGALITÉ INTERNE - OBLIGATION DE POSSESSION D'UN TITRE DE SÉJOUR (ART - L - 311-1 DU CESEDA) - ETRANGER RÉSIDANT HABITUELLEMENT EN FRANCE DEVENANT MAJEUR - 1) OBLIGATION DE SOLLICITER UN TITRE DANS LES DEUX MOIS (ART - R - 311-2 DU CESEDA) - 2) POSSIBILITÉ DE PRONONCER UNE OQTF SUR LE FONDEMENT DU 2° DU I DE L'ARTICLE L - 511-1 DU CESEDA - EXISTENCE - À CONDITION QUE L'ÉTRANGER N'AIT PAS SOLLICITÉ UN TITRE PENDANT CETTE PÉRIODE.

335-03-02 1) Il résulte de la combinaison de l'article L. 311-1, du I de l'article L. 511-1, des articles L. 511-4, R. 311-1 et R. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'un étranger résidant habituellement en France avant sa majorité doit, pour se conformer à l'obligation de possession d'un titre de séjour qui pèse sur lui à compter du jour où il devient majeur, solliciter un tel titre dans les deux mois qui suivent son dix-huitième anniversaire.... ,,2) Il ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sur le fondement du 2° du I de l'article L. 511-1 du CESEDA que s'il s'est abstenu de solliciter un titre pendant cette période.


Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2020, n° 425972
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Stéphanie Vera

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:425972.20200701
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