N° P.24.0386.F
I. S. C.,
partie civile,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jacques Bailly, avocat au barreau de Verviers,
II. 1. BÂLOISE BELGIUM, société anonyme,
2. Ch. L.,
3. L. P.,
III. PUBSTONE, société anonyme,
parties civiles,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Philippe Loix, avocat au barreau de Liège-Huy,
les pourvois contre
1. INTERCOMMUNALE D’INCENDIE DE LIEGE ET ENVIRONS, société coopérative à responsabilité limitée,
prévenue,
2. ETHIAS, société anonyme,
partie intervenue volontairement,
représentées par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,
3. M. C..,
prévenu,
défendeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi de S. C. est dirigé contre les arrêts rendus le 20 mai 2021 et le 11 janvier 2024 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle, et les pourvois des quatre autres demandeurs sont dirigés contre ce dernier arrêt.
Le premier demandeur fait valoir deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général délégué Véronique Truillet a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le demandeur appelé S. C dans le second arrêt attaqué, du 11 janvier 2024, s’identifie avec S. C. ci-dessus qualifié.
A. Sur le pourvoi de S. C. :
1. En tant que le pourvoi est dirigé contre les décisions rendues sur l’action civile exercée par le demandeur contre l’Intercommunale d’incendie de Liège et environs et la société anonyme Ethias :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 190 et 195 du Code d’instruction criminelle. Il fait grief aux arrêts de ne pas indiquer que le ministère public a été entendu et a requis.
D’une part, le procès-verbal de l’audience de la cour d’appel, du 2 avril 2021, indique qu’à cette date, le ministère public a été entendu.
D’autre part, le procès-verbal de l’audience de cette juridiction, du 29 novembre 2023, précise que le ministère public y a été entendu et qu’il a requis.
Ces mentions authentiques attestent que le ministère public a été entendu lors des débats à l’issue desquels les arrêts attaqués ont été rendus, et qu’il a requis lors de la seconde audience susvisée.
Le moyen manque en fait.
Sur le second moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 14, 18, 19, 188 et 220 de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile, et 2 et 5 du Code pénal, ainsi que de l’arrêté royal du 2 février 2009 déterminant la délimitation territoriale des zones de secours. Le demandeur fait en substance grief aux juges d’appel d’avoir, aux termes des deux arrêts attaqués, considéré qu’en présence de trois lois pénales successives, dont la deuxième a établi une immunité pénale en faveur des zones de secours, la première défenderesse, qui revêt une telle qualité, doit bénéficier de ce régime répressif plus doux, applicable aux termes de l’article 5 du Code pénal entre le 1er janvier 2015 et le 30 juillet 2018, alors que les faits dont elle doit répondre ont été commis avant le début de cette période et alors que cette personne morale n’a acquis la qualité de zone de secours qu’aux termes d’un arrêté royal du 30 août 2016, entré en vigueur le 1er octobre 2016. Selon le moyen, avant cette date, la première défenderesse se présentait sous la forme d’une intercommunale, responsable pénalement de ses actes. Le moyen soutient que les juges d’appel ne pouvaient attribuer au nouveau statut de cette défenderesse un effet rétroactif et déclarer les poursuites dirigées contre elle irrecevables ni, partant, se dire incompétents pour connaître de l’action civile exercée contre elle par le demandeur et fondée sur les infractions faisant l’objet de l’action publique.
En tant qu’il invoque la méconnaissance des articles 14, 18, 19 et 220 de la loi du 15 mai 2007 et celle de l’arrêté royal du 2 février 2009, sans indiquer en quoi les arrêts auraient violé les dispositions légales précitées et sans préciser à quelle disposition de l’arrêté royal susvisé il aurait été contrevenu, le moyen, imprécis, est irrecevable.
Les juges d’appel n’ont pas décidé de faire rétroagir à la date des infractions la qualité de zone de secours acquise ultérieurement, en 2016, par la première défenderesse.
Ils ont constaté, ce qui est différent, qu’alors que l’article 5 du Code pénal prévoyait entre le 1er janvier 2015 et le 30 juillet 2018 une immunité pénale en faveur des zones de secours, cette défenderesse a accédé durant cette période à ce statut, de sorte qu’elle a pu bénéficier dès ce moment de ce régime pénal plus favorable que ceux en vigueur à la date des faits et à celle de leur jugement.
Ce faisant, ce n’est pas au nouveau statut de la première défenderesse que les juges d’appel ont attribué un effet rétroactif. C’est à la loi pénale plus douce que, conformément à l’article 2, alinéa 2, du Code pénal, ils ont reconnu pareil effet.
Dans cette mesure, procédant d’une lecture erronée des arrêts, le moyen manque en fait.
En vertu de l’article 2, alinéa 2, du Code pénal, si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée.
Il s’ensuit que lorsque trois lois pénales se succèdent entre la date des faits et celle de leur jugement, c’est la seconde, si elle est la plus douce, que le juge est tenu d’appliquer au prévenu.
Et conformément à l’article 4, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, l'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique. D’où il suit que l’action civile ne peut être déférée au juge pénal qu’associée à une action publique recevable et que, lorsque la juridiction de jugement décide que l'action publique ne pouvait être exercée au moment du renvoi de l’inculpé par la juridiction d'instruction, ce juge du fond est sans compétence pour se prononcer sur l'action civile, même si la constitution de partie civile est antérieure à la survenance de la cause d’irrecevabilité de l'action publique.
Les juges d’appel ont constaté que le renvoi de la première défenderesse par la juridiction d’instruction avait eu lieu à un moment où cette prévenue bénéficiait de l’immunité prévue par la loi alors en vigueur, soit entre le 1er janvier 2015 et le 30 juillet 2018.
Ainsi, le second arrêt attaqué justifie légalement la décision que l’action publique dirigée contre la première défenderesse étant irrecevable, la cour d’appel était sans compétence pour connaître de l’action civile qui en est l’accessoire.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
2. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par le demandeur contre M. C.. :
Pour les motifs indiqués en réponse au premier moyen, en tant qu’il est également invoqué à l’appui du pourvoi dirigé contre la décision rendue sur l’action civile exercée par le demandeur contre le troisième défendeur, le premier moyen manque en fait.
Pour le surplus, le demandeur ne fait valoir aucun moyen.
B. Sur les pourvois de la société anonyme Bâloise Belgium, de Ch. L., de L. P. et de la société anonyme Pubstone :
Il résulte de l’article 427 du Code d’instruction criminelle qu’à la seule exception de la partie poursuivie qui se pourvoit contre la décision rendue sur l’action publique exercée à sa charge, le pourvoi en cassation doit, hors les matières où il est régi par des dispositions particulières, être signifié aux parties contre lesquelles il est dirigé, sous peine d’irrecevabilité.
Des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il n’apparaît pas que les pourvois aient été signifiés aux défendeurs.
Les pourvois sont irrecevables.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de neuf cent vingt-deux euros nonante et un centimes dont I) sur le pourvoi de S. C. : deux cent septante deux euros soixante-quatre centimes dus et trente-cinq euros payés par ce demandeur ; II) sur les pourvois de la société Bâloise Belgium et consorts : deux cent septante deux euros soixante-quatre centimes dus et trente-cinq euros payés par ces demandeurs et III) sur le pourvoi de la société Pubstone : deux cent septante deux euros soixante-quatre centimes dus et trente-cinq euros payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, François Stévenart Meeûs et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre par Françoise Roggen, conseiller faisant fonction de président, en présence de Véronique Truillet, avocat général délégué, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.