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23/10/2024 | BELGIQUE | N°P.23.1378.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 octobre 2024, P.23.1378.F


N° P.23.1378.F
I. J. V.,
ayant pour conseil Maître Adrien Masset, avocat au barreau de Verviers,
II. N. B.,
ayant pour conseil Maître Aurélie Verheylesonne, avocat au barreau de Bruxelles,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 15 septembre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir quatre moyens et la demanderesse en invoque trois, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’aud

ience du 9 octobre 2024, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général Dam...

N° P.23.1378.F
I. J. V.,
ayant pour conseil Maître Adrien Masset, avocat au barreau de Verviers,
II. N. B.,
ayant pour conseil Maître Aurélie Verheylesonne, avocat au barreau de Bruxelles,
prévenus,
demandeurs en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 15 septembre 2023 par la cour d’appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur fait valoir quatre moyens et la demanderesse en invoque trois, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l’audience du 9 octobre 2024, le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport et l’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur le pourvoi de J. V. :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 491 du Code pénal. Selon le demandeur, les juges d’appel ne pouvaient, sur la base de leurs constatations, le déclarer coupable d’un abus de confiance dont l’objet était les biens appartenant à la Fondation H., dès lors que pareil délit requiert l’interversion de la possession et alors que l’arrêt constate que les avoirs concernés sont, pour la plupart, demeurés la propriété de cette personne morale, de sorte qu’ils n’ont été ni dissipés ni détournés.
Mais le demandeur n’a pas été reconnu coupable d’avoir détourné les objets et immeubles visés par l’arrêt et qui pour la plupart, selon cette décision, appartiennent encore à la Fondation H..
Sous la prévention unique déclarée établie, le demandeur et son épouse étaient poursuivis pour avoir détourné ou dissipé des fonds, évalués par la cour d’appel à 298.218,24 euros, appartenant à la fondation dont ils étaient les responsables, fonds qui, selon les statuts, auraient dû être employés dans des buts philanthropiques précis, alors que, d’après l’arrêt, les prévenus les ont utilisés à d’autres fins, soit pour, notamment, acheter des biens ou services divers pour leur usage privé, financer des dépenses personnelles, entreprendre des voyages et des city-trips ou se verser des salaires.
Et par aucune énonciation de leur décision, les juges d’appel n’ont dit adopter les motifs du premier juge selon lesquels les demandeurs se seraient appropriés des biens mobiliers de la Fondation par l’effet de leur entrée en possession.
Entièrement déduit d’une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 204 et 210 du Code d’instruction criminelle et 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Il fait grief aux juges d’appel d’avoir maintenu la condamnation du demandeur à un an d’emprisonnement, alors que la cour d’appel a admis que les prévenus n’ont pas été jugés dans un délai raisonnable : selon le moyen, pareille décision, qui précise que sans ce retard, la peine d’emprisonnement appliquée eût été de trente mois, emporte l’aggravation de la sanction infligée et, partant, la violation de l’effet relatif de l’appel, dès lors que seul le demandeur avait formé ce recours.
D’une part, les juges d’appel n’ont pas appliqué la peine d’emprisonnement, supérieure à celle d’un an infligée par le premier juge, que, selon eux, les faits auraient justifié sans le retard mis à juger les prévenus.
En tant qu’il critique cette énonciation de l’arrêt, le moyen, dépourvu d’intérêt, est irrecevable.
D’autre part, il n'y a aggravation de la peine par la juridiction d'appel que si celle qu’elle prononce est plus sévère que celle qui fut infligée par le premier juge. Il n'y a pas d'aggravation de la peine si le juge d'appel considère qu'en l’absence de dépassement du délai raisonnable, il aurait dû appliquer une peine plus sévère que celle prononcée par le premier juge, mais qu'afin de remédier au dépassement constaté du délai raisonnable, il inflige une peine égale à celle ordonnée par le jugement entrepris.
À cet égard, le moyen manque en droit.
Sur le troisième moyen :
Le moyen est pris de la violation de l’article 14 de la Constitution, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit de la légalité des peines et de l’obligation de répondre aux conclusions.
Quant à la troisième branche :
Le demandeur reproche aux juges d’appel de ne pas avoir répondu à ses conclusions aux termes desquelles il faisait valoir que si une confiscation devait lui être infligée, il convenait, afin d’éviter de le soumettre à une peine déraisonnablement lourde, d’en limiter le montant.
Par aucune considération, l’arrêt ne répond à cette défense.
Le moyen est fondé.
Et il n’y a pas lieu d’examiner les deux autres branches du moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue ou sans renvoi.
Sur le quatrième moyen :
Selon le demandeur, les juges d’appel ne pouvaient le condamner à une amende de deux cent cinquante euros, montant majoré de septante décimes, dès lors que les faits déclarés établis ont été commis à plusieurs reprises, entre le 15 avril 2007 et le 4 février 2014, et que la loi qui a porté les décimes additionnels de cinquante à septante est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.
En vertu de l’article 1er de la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, modifié par l’article 59 de la loi-programme du 25 décembre 2016, il appartient aux cours et tribunaux de constater dans leurs arrêts ou jugements que l'amende prononcée à charge du prévenu, en application du Code pénal notamment, est majorée de septante décimes, en indiquant le chiffre qui résulte de cette majoration.
Antérieurement à sa modification par l’article 59 de la loi-programme, entrée en vigueur au 1er janvier 2017, et dans sa version applicable à la dernière partie de la période visée à la prévention, l’article 1er susdit majorait les amendes de cinquante décimes.
Dès lors, l’arrêt ne justifie pas légalement la décision de porter l’amende de deux cent cinquante euros à deux mille euros, par application de la loi sur les décimes additionnels, et de la majorer de la sorte de septante décimes.
Le moyen est fondé.
Le contrôle d’office
Sous réserve de l’irrégularité et de l’illégalité relevées ci-avant, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
La déclaration de culpabilité n'encourant pas elle-même la censure et le calcul de l'amende n'affectant pas la décision sur les peines, son illégalité n'entache que la majoration de l'amende au-delà de cinquante décimes.
Pour le surplus, l’irrégularité de la décision qui statue sur la confiscation n’affectant pas la décision relative aux autres peines, la cassation sera limitée à la première.
B. Sur le pourvoi de N. B. :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 491 du Code pénal. Selon la demanderesse, d’une part, les juges d’appel, en l’absence de motifs relatifs à l’interversion de la possession des biens visés par l’arrêt, ont omis de constater l’élément matériel de l’abus de confiance et, d’autre part, ils se sont bornés à fixer en équité la hauteur des détournements alors qu’il leur incombait de préciser ce qui avait effectivement été l’objet de la fraude.
Pareil grief, qui critique en réalité la légalité des motifs de l’arrêt, est étranger à la violation de l’article 149 de la Constitution.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Ainsi qu’il a été exposé en réponse au premier moyen du demandeur, à cet égard identique, en tant qu’il reproche aux juges d’appel d’avoir considéré que les détournements portaient sur des biens dont la Fondation H. était demeurée propriétaire, alors que l’objet des faits déclarés établis a consisté dans des liquidités appartenant à cette personne morale et dont les prévenus ont fait un usage à d’autres fins que celles prévues par les statuts, le moyen manque en fait.
Aucune disposition, notamment celles visées au moyen, n’interdit au juge qui constate que l’auteur de l’abus de confiance n’a que partiellement fait un usage illicite des avoirs qui lui ont été confiés, de déterminer en équité la proportion de ces biens qui a été employée conformément à l’objectif qui leur avait été assigné par leur propriétaire.
À cet égard, le moyen manque en droit.
Sur le deuxième moyen :
Quant aux deux premières branches réunies :
Ainsi qu’il a été indiqué en réponse au deuxième moyen de J. V., la circonstance qu’en raison de l’effet relatif de l’appel, les juges d’appel n’auraient pas été en mesure d’aggraver la peine d’emprisonnement infligée à la demanderesse, ne leur interdisait pas de considérer que, sans le dépassement du délai raisonnable pour la juger, la peine dont les faits déclarés établis commandaient l’application eût dû être plus sévère.
En outre, comme indiqué en réponse à ce même moyen du demandeur, le juge d’appel qui, tout en constatant que le délai raisonnable pour juger le prévenu a été dépassé, lui inflige la même peine que celle appliquée par le premier juge, n’aggrave pas la situation dudit prévenu.
Dès lors, l’obligation, pour le juge qui constate le dépassement du délai raisonnable pour être jugé, de prononcer une peine réduite de manière réelle et mesurable, suppose la comparaison de la peine effectivement infligée avec celle que, sans ce retard dans le jugement de la cause, ce magistrat aurait estimé justifiée dans le cas d’espèce, et non avec la sanction maximale qu’il était possible au juge d’appliquer en raison de l’effet relatif d’un recours.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Et en tant qu’il invoque la violation de l’article 149 de la Constitution, qui ne contient qu’une règle de forme, sans préciser en quoi les juges d’appel auraient méconnu cette disposition, le moyen, imprécis, est irrecevable.
Quant à la troisième branche :
Le moyen est pris de la violation de l’article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Il reproche aux juges d’appel de ne pas avoir réduit le montant de la confiscation par équivalent à laquelle a été condamnée la demanderesse, alors que le constat du dépassement du délai raisonnable pour la juger imposait d’atténuer cette sanction.
Conformément à l'article 21ter, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, dans le libellé de cette disposition à la date du jugement en degré d’appel, lorsque le juge constate le dépassement du délai raisonnable dans lequel l'action publique doit être jugée, il peut soit prononcer la condamnation par simple déclaration de culpabilité, soit infliger une peine inférieure à la peine minimale prévue par la loi, soit prononcer une peine prévue par la loi qui est réellement et sensiblement inférieure à celle qu'il aurait infligée si la durée des poursuites n'avait pas été déraisonnable.
Ni cette disposition ni aucune autre n’oblige le juge qui constate qu’il a été porté atteinte au droit à être jugé dans un délai raisonnable, à réduire l’ensemble des peines appliquées.
Partant, en tant qu’il soutient qu’ayant constaté le dépassement du délai raisonnable pour juger la demanderesse, les juges d’appel étaient tenus de réduire le montant de la confiscation qui lui était infligée, le moyen manque en droit.
L'arrêt attaqué décide que l’application de peines d’un an d’emprisonnement, au lieu de trente mois, et d’amende de deux cent cinquante euros, au lieu de cinq cents euros, constitue la sanction du dépassement du délai raisonnable pour juger la demanderesse.
Ainsi, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision.
À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Quant à la première branche :
La demanderesse reproche aux juges d’appel d’avoir violé la foi due au jugement entrepris : l’arrêt décide que c’est à juste titre que le premier juge a interdit la demanderesse de l’exercice du droit visé à l’article 31, alinéa 1er, 1°, du Code pénal, alors que le tribunal n’a pas appliqué une telle peine à cette prévenue.
Mais l’arrêt ne se borne pas, pour justifier l’application de cette peine accessoire, à renvoyer à la décision entreprise.
À la page 30 de l’arrêt, les juges d’appel ont énoncé que cette peine est justifiée au regard du « comportement profondément asocial de la [demanderesse] » et de la nécessité de lui « faire comprendre le caractère inacceptable de son comportement ».
Dès lors, nonobstant l’erreur que le moyen dénonce, l’arrêt contient les motifs propres qui justifient la décision d’appliquer l’interdiction imposée par les juges d’appel.
Ne pouvant entraîner la cassation, le moyen, dépourvu d’intérêt, est irrecevable.
Quant à la seconde branche :
Pris de la violation de l’article 211bis du Code d’instruction criminelle, le moyen reproche aux juges d’appel d’avoir aggravé la peine infligée à la demanderesse en lui appliquant l’interdiction, non prévue par le jugement entrepris, d’exercer durant cinq ans le droit visé à l’article 31, alinéa 1er, 1°, du Code pénal, sans avoir constaté que cette décision a été prise à l’unanimité.
Le jugement entrepris a condamné la demanderesse à une peine d’emprisonnement d’un an assortie du sursis pendant cinq ans, à une amende de cinq cents euros et à la confiscation par équivalent d’une somme de 223.663,68 euros.
L’arrêt attaqué condamne la demanderesse à la même peine principale puis réduit l’amende infligée à deux cent cinquante euros et la confiscation à 149.109,12 euros. Il ajoute enfin l’interdiction, pour cinq ans, de l’exercice du droit de remplir des fonctions, emplois ou offices publics.
Pareille décision, qui réduit la hauteur des sanctions pécuniaires infligées et ajoute ladite interdiction, n’aggrave pas la condamnation prononcée contre la demanderesse.
Partant, l’unanimité des juges d’appel n’était pas requise.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le moyen pris, d’office, de la violation de l’article 1er de la loi du 5 mars 1952 relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, modifié par l’article 59 de la loi-programme du 25 décembre 2016 :
Pour les motifs indiqués en réponse au quatrième moyen du demandeur, les juges d’appel, qui ont dit établis à charge de la demanderesse les faits commis entre le 15 avril 2007 et le 4 février 2014, n’ont pas légalement décidé de majorer l’amende infligée de septante décimes.
La déclaration de culpabilité n'encourant pas elle-même la censure et le calcul de l'amende n'affectant pas la décision sur les peines, son illégalité n'entache que la majoration de l'amende au-delà de cinquante décimes.
Le contrôle d’office
Sous réserve de l’illégalité relevée ci-avant, les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l’arrêt attaqué en tant qu’il condamne le demandeur à la confiscation par équivalent d’une somme de 149.109,12 euros ;
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il porte les amendes infligées aux demandeurs, par application de la loi sur les décimes additionnels, à un montant supérieur à mille cinq cents euros ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l’arrêt partiellement cassé ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Condamne le demandeur aux trois quarts des frais de son pourvoi et réserve le surplus pour qu’il y soit statué par le juge de renvoi ;
Condamne la demanderesse aux neuf dixièmes des frais de son pourvoi et laisse le surplus à charge de l’État ;
En ce qui concerne le demandeur, renvoie la cause, ainsi limitée à la condamnation à la confiscation, à la cour d’appel de Bruxelles, autrement composée ;
Dit n’y avoir lieu à renvoi pour le surplus ;
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre cent six euros soixante-quatre centimes dont I) sur le pourvoi de J. V. : deux cent trois euros trente-deux centimes dus et II) sur le pourvoi de N. B. : deux cent trois euros trente-deux centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, premier président, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz, Marielle Moris et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre par Eric de Formanoir, premier président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.1378.F
Date de la décision : 23/10/2024
Type d'affaire : Droit international public

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2024-10-23;p.23.1378.f ?

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