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10/05/2023 | BELGIQUE | N°P.23.0368.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 mai 2023, P.23.0368.F


N° P.23.0368.F
I. et III. LE PROCUREUR FEDERAL,
demandeur en cassation,
les pourvois contre
1. G. P., G., C., G.,
ayant pour conseil Maître Audrey Lamy, avocat au barreau de Liège-Huy,
2. TERRA TERRA, société de personnes à responsabilité limitée, représentée par son mandataire ad hoc Maître Daniel Bertens, avocat, dont le cabinet est établi à Ciney, rue Courtejoie, 12/2,
3. D. P., B.,
4. M. J.-P.,
ayant pour conseil Maître Thierry Moreau, avocat au barreau du Brabant wallon,
5. E.Y., B., R.., G.,
6. D. R. J.,
7. H. Q., P., F.,> 8. V. R. S.,
ayant pour conseil Maître Thierry Moreau, avocat au barreau du Brabant wallon,
9. ...

N° P.23.0368.F
I. et III. LE PROCUREUR FEDERAL,
demandeur en cassation,
les pourvois contre
1. G. P., G., C., G.,
ayant pour conseil Maître Audrey Lamy, avocat au barreau de Liège-Huy,
2. TERRA TERRA, société de personnes à responsabilité limitée, représentée par son mandataire ad hoc Maître Daniel Bertens, avocat, dont le cabinet est établi à Ciney, rue Courtejoie, 12/2,
3. D. P., B.,
4. M. J.-P.,
ayant pour conseil Maître Thierry Moreau, avocat au barreau du Brabant wallon,
5. E.Y., B., R.., G.,
6. D. R. J.,
7. H. Q., P., F.,
8. V. R. S.,
ayant pour conseil Maître Thierry Moreau, avocat au barreau du Brabant wallon,
9. G.T., P., L.,
10. R. P.,
11. M. O.,
12. M. Y., M., C., R.,
13. M. Z.,
14. M. A., G., R.,
15. H. G.,
prévenus,
défendeurs en cassation,
II. et IV. LE PROCUREUR FEDERAL,
demandeur en cassation,
les pourvois contre
G. R., B.,
prévenu,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois I et III sont dirigés contre un arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d’appel de Liège, chambre correctionnelle, et les pourvois II et IV sont dirigés contre un arrêt rendu le 24 octobre 2022 par la même juridiction.
Dans deux mémoires annexés au présent arrêt, en copie certifiée conforme et venant à l’appui des pourvois I et III, le demandeur invoque trois moyens. Dans deux mémoires à l’appui des pourvois II et IV, déposés au greffe de la Cour les 16 mars et 13 avril 2023, le demandeur invoque également trois moyens.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L’avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Le demandeur se désiste sans acquiescement des pourvois qu’il a formés les 23 et 25 janvier 2023 au motif qu’ils sont prématurés, l’arrêt du 10 janvier 2023 ayant été rendu par défaut à l’égard d’O. M., d’. M. et de G. H..
Mais l’arrêt attaqué, du 10 janvier 2023, statue contradictoirement en ce qui concerne les douze autres défendeurs. Et l’arrêt du 24 octobre 2022 a également été rendu contradictoirement à l’égard de R. G..
En vertu de l’article 424 du Code d’instruction criminelle, lorsque la décision a été rendue par défaut et est susceptible d’opposition, le délai pour se pourvoir ne commence à courir, pour toutes les parties, que le lendemain de l’expiration du délai ordinaire d’opposition, qui est lui-même de quinze jours à compter de la signification de la décision par défaut, pour autant qu’il ne soit pas intervenu d’opposition.
Cette règle ne s’applique qu’aux parties liées par l’instance jugée par défaut et non à celles dont l’instance a été jugée de façon contradictoire à l’égard de tous.
Partant, le délai pour se pourvoir contre les décisions rendues sur l’action publique exercée à charge de ces défendeurs a pris cours à compter de la décision définitive les concernant, soit celle rendue le 10 janvier 2023.
Par ailleurs, aucune des décisions attaquées n’épuise la juridiction du juge pénal quant à l’action publique exercée à charge de R. G.
Les désistements étant entachés d’erreur en ce qu’ils visent les pourvois dirigés contre ces décisions, il n’y a pas lieu de les décréter.
Sera en revanche décrété le désistement du pourvoi du 23 janvier 2023 en tant qu’il est dirigé contre les décisions rendues par défaut sur l’action publique exercée à charge d’O.M., d’A. M. et de G. H..
A. Sur le pourvoi du 23 janvier 2023, dirigé contre les décisions rendues sur l’action publique exercée à charge des défendeurs sub 1 à 10, 12 et 13 :
Sur le premier moyen :
Quant aux deux branches réunies :
Le moyen reproche à l’arrêt du 10 janvier 2023 d’être empreint de contradiction. Selon lui, les juges d’appel n’ont pu, sans se contredire, décider, d’une part, que la prévention E de blanchiment était établie dans le chef de certains des défendeurs et, d’autre part, que les préventions B.1 et B.2 relatives au trafic de stupéfiants ne l’étaient pas, les revenus de ce trafic constituant, selon le demandeur, l’objet du blanchiment. Pour la même raison, il soutient que les juges d’appel n’ont pu justifier la limitation de la confiscation de l’objet du blanchiment aux seuls revenus tirés de la culture et du commerce du cannabis, alors qu’ils ont acquitté les défendeurs des préventions relatives à ce trafic.
Il n’est pas contradictoire de décider, d’une part, que la vente de matériel horticole ne suffit pas à établir la participation volontaire des prévenus, vendeurs de ce matériel, à la production de cannabis par certains acheteurs en vue de son commerce et, d’autre part, qu’eu égard à l’attitude suspecte de certains de ces clients et à la circonstance que la majorité de leurs paiements avaient lieu en espèces, les prévenus n’ont pu ignorer que l’argent ainsi reçu provenait dans une large mesure d’une activité illégale exercée par lesdits clients, et notamment de la vente de cannabis.
Le moyen manque en fait.
Sur le deuxième moyen :
Le demandeur reproche aux juges d’appel d’avoir limité la hauteur de l’objet du blanchiment à la seule partie du chiffre d’affaires de la deuxième défenderesse correspondant à des fonds provenant du trafic de cannabis, alors qu’ils ont admis que les revenus d’origine illégale perçus par cette société s’élevaient au double du montant ainsi arrêté.
Sous la prévention de blanchiment, il était reproché aux défendeurs d’avoir commis l’infraction punie par l’article 505, alinéa 1er, 2°, 3° et 4°, du Code pénal en recevant en espèces des fonds pour un total de 11.634.354, 85 euros, lesquels fonds auraient constitué des avantages patrimoniaux provenant du trafic de cannabis auquel il était reproché aux prévenus d’avoir participé, dans le cadre d’une organisation criminelle.
Il s’ensuit que les juges d’appel n’étaient pas saisis d’une infraction de blanchiment relative à des avantages patrimoniaux provenant de n’importe quelle infraction.
Partant, ils n’auraient pu, sans commettre un excès de pouvoir, ordonner, au titre de l’objet du blanchiment, la confiscation de fonds dont l’origine était étrangère audit trafic de cannabis.
Et la circonstance que les défendeurs furent acquittés de ces faits n’interdisait pas aux juges d’appel de considérer que le trafic avait cependant pu être commis par des tiers, soit les clients de la deuxième défenderesse, et engendrer les avantages patrimoniaux qui firent l’objet de la prévention limitée de blanchiment.
Après avoir décidé que le chiffre d’affaires constitué de fonds provenant d’activités illégales s’élevait à 7.187.863, 24 euros, les juges d’appel ont limité à cinquante pour cent de ce montant la hauteur des avantages patrimoniaux formant l’objet du blanchiment visé à la prévention dont ils étaient saisis. Selon l’arrêt, cette fraction correspond à la partie des fonds provenant du trafic de cannabis auquel s’étaient livrés les clients des défendeurs.
Ainsi, les juges d’appel ont légalement justifié leur décision de limiter la hauteur de l’objet du blanchiment au montant correspondant aux avantages patrimoniaux directement tirés du trafic de cannabis.
Le moyen ne peut être accueilli.
Sur le troisième moyen :
Le moyen reproche aux juges d’appel d’avoir considéré que le délai raisonnable pour juger les prévenus avait été dépassé. Selon le demandeur, les juges d’appel n’ont pas légalement constaté qu’un retard anormal avait séparé l’ordre de citer devant le premier juge, établi le 14 février 2020, du jugement de la cause, le 18 juin 2021, dès lors que l’examen de celle-ci fut d’abord remis le 20 mars 2020 en raison de l’épidémie de Covid-19, puis en vue de la mise en état.
Mais l’arrêt ne considère pas que le délai séparant la date de l’ordre de citer de celle du jugement a été dans son ensemble anormal.
Ainsi, si l’arrêt relève que l’examen de la cause a été remis à plusieurs reprises, il considère seulement que c’est le délai entre « certaines audiences » qui révèle une « latence anormale », laquelle, selon les juges d’appel, n’est pas imputable à la défense.
Par ailleurs, si l’arrêt énonce que l’examen de la cause a été remis en raison de l’épidémie de Covid-19, il relève en outre que ce report a eu lieu sine die. Il précise encore que le jugement n’est finalement intervenu que le 18 juin 2021.
Dans cette mesure, procédant d’une lecture erronée de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Le demandeur fait également valoir que les juges d’appel n’ont pu davantage constater qu’un retard injustifié avait séparé les appels, formés en juillet 2021, du moment auquel ces recours ont été examinés, en octobre 2022, dès lors que la cause avait fait l’objet d’une redistribution devant deux chambres différentes de la cour d’appel.
En tant qu’il revient à soutenir que la redistribution de la cause ne pourrait pas constituer la source d’un retard anormal dans son examen, le moyen, qui exige une appréciation en fait, laquelle échappe au pouvoir de la Cour, est irrecevable.
Par ailleurs, l’arrêt ne se borne pas à imputer à cette redistribution le dépassement du délai raisonnable pour juger les prévenus : il relève également qu’une année s’est écoulée entre l’introduction de la cause en degré d’appel et le début de son examen par la cour, ajoutant que ce retard n’a pas été provoqué par la défense des prévenus.
À cet égard, procédant d’une lecture incomplète de l’arrêt, le moyen manque en fait.
Le moyen reproche encore aux juges d’appel de ne pas avoir pris en considération la complexité du dossier.
Le juge apprécie souverainement si le délai raisonnable dans lequel le prévenu a le droit d’être jugé est dépassé, à la lumière des circonstances concrètes de la cause telles sa complexité, l'attitude du prévenu et celle des autorités judiciaires, sans que ces critères doivent être remplis de manière cumulative.
Revenant à soutenir le contraire, dans cette mesure, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, en tant qu’il reproche aux juges d’appel d’avoir omis de prendre en considération, dans leur appréciation, le nombre de prévenus poursuivis, le moyen exige à nouveau un examen des éléments de fait de la cause, lequel échappe au pouvoir de la Cour.
À cet égard, le moyen est irrecevable.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
B. Sur le pourvoi du 25 janvier 2023, dirigé contre l’arrêt du 24 octobre 2022 en cause de R.G. :
L’arrêt du 24 octobre 2022 statue sur la recevabilité de l’appel du demandeur contre le jugement qui, ayant décidé que la cause n’était pas en état en ce qui concerne R. G., a ordonné la disjonction des poursuites en ce qu’elles le visent et une expertise psychiatrique médicolégale de ce prévenu.
Le demandeur s’est pourvu contre cet arrêt, après s’être pourvu contre l’arrêt du 10 janvier 2023 au motif que ce dernier serait définitif et que ce caractère rendait dès lors le premier également passible du pourvoi en cassation, conformément à l’article 420 du Code d’instruction criminelle.
Mais l’arrêt du 10 janvier 2023 est seulement définitif au sens de cette disposition en tant qu’il statue sur l’action publique exercée à charge des défendeurs sub 1 à 10, 12 et 13.
N’ayant pas statué sur l’action publique exercée à charge de R.G., l’arrêt du 10 janvier 2023 n’a pu rendre celui du 24 octobre 2022 passible du pourvoi en cassation.
Partant, le pourvoi est irrecevable.
Et il n’y a pas lieu d’avoir égard aux moyens invoqués par le demandeur, étrangers à la recevabilité dudit pourvoi.
C. Sur le pourvoi du 22 mars 2023, dirigé contre les décisions rendues le 10 janvier 2023 sur l’action publique exercée à charge d’O. M., A. M.et G. H.:
Sur l’ensemble des moyens :
Les moyens sont identiques à ceux invoqués par le demandeur à l’appui du pourvoi dirigé contre les décisions rendues sur l’action publique exercée à charge des défendeurs sub 1 à 10, 12 et 13.
Pour les motifs énoncés ci-avant en réponse auxdits moyens, les moyens ne peuvent donner lieu à cassation.
Et les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et les décisions sont conformes à la loi.
D. Sur les pourvois du 22 mars 2023, dirigés contre l’arrêt du 24 octobre 2022 en cause de R. G. et contre les décisions rendues le 10 janvier 2023 sur l’action publique exercée à charge des défendeurs sub 1 à 10, 12 et 13 :
Une partie ne peut, en règle, se pourvoir une seconde fois contre la même décision, même s’il n’a pas encore été statué sur le premier pourvoi au moment de la déclaration du second.
Les pourvois sont irrecevables.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au surplus des mémoires déposés le 13 avril 2023, étrangers à la circonstance que les pourvois sont irrecevables.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement du pourvoi du 23 janvier 2023 en tant qu’il est dirigé contre les décisions rendues sur l’action publique exercée à charge d’O. M., A.M.et G. H. ;
Rejette les pourvois pour le surplus ;
Laisse les frais à charge de l’État.
Lesdits frais taxés à la somme de mille neuf cent vingt-quatre euros neuf centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du dix mai deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l’assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0368.F
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Autres - Droit pénal

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-05-10;p.23.0368.f ?

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