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03/05/2023 | BELGIQUE | N°P.23.0353.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mai 2023, P.23.0353.F


N° P.23.0353.F
LE FONCTIONNAIRE SANCTIONNATEUR DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles et de l’environnement du Service public de Wallonie,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg,
contre
1. SEGA-BOIS, société à responsabilité limitée,
prévenue,
2. S. S.,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Barthelemy, avocat au bar

reau de Dinant, et Dris Paternot, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le ...

N° P.23.0353.F
LE FONCTIONNAIRE SANCTIONNATEUR DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles et de l’environnement du Service public de Wallonie,
partie poursuivante,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg,
contre
1. SEGA-BOIS, société à responsabilité limitée,
prévenue,
2. S. S.,
partie appelée en déclaration d’arrêt commun,
défendeurs en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Olivier Barthelemy, avocat au barreau de Dinant, et Dris Paternot, avocat au barreau de Bruxelles.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 16 janvier 2023 par le tribunal correctionnel de Namur, division Namur, statuant en premier et dernier ressort sur une requête de la défenderesse en contestation d’une sanction administrative infligée par le demandeur.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue en cause de la société à responsabilité limitée Sega-Bois :
Sur le premier moyen :
1. La défenderesse s’est vue poursuivre du chef d’avoir, à trois reprises, incinéré des rémanents infectés par le scolyte, provoquant la plainte de plusieurs riverains incommodés par la fumée.
La direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles et de l’environnement du Service public de Wallonie, a qualifié ces faits d’infraction à l’article 7, §§ 1 et 2, du décret du Conseil régional wallon du 27 juin 1996 relatif aux déchets.
En vertu de la disposition décrétale invoquée, toute personne qui produit ou détient des déchets est tenue d’en assurer la gestion, en ce compris leur élimination, dans des conditions propres à limiter les effets négatifs sur l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore, à éviter les incommodités par le bruit ou les odeurs, à ne pas mettre en danger la santé humaine ou l’environnement.
2. Le jugement attaqué annule l’amende infligée à la défenderesse du chef des faits ainsi qualifiés. Selon le tribunal, la contrevenante a pu croire que les rémanents affectés par une forte attaque d’insectes, ne sont pas des déchets dès lors que leur brûlage est permis par l’article 44 du décret du Parlement wallon du 15 juillet 2008 relatif au Code forestier, et par l’article 24, alinéa 3, de l’arrêté du gouvernement wallon du 27 mai 2009 relatif à l’entrée en vigueur et à l’exécution dudit décret.
3. Le moyen est pris de la violation de l’article 71 du Code pénal. Le demandeur soutient que, des faits qu’il a constatés, le tribunal n’a pas pu déduire l’existence, dans le chef de la défenderesse, d’une erreur invincible.
4. L’erreur de droit peut, en raison de certaines circonstances, être considérée par le juge comme étant invincible à la condition que, de ces circonstances, il puisse se déduire que le prévenu a agi comme l’aurait fait toute personne raisonnable et prudente. L’erreur invincible profite à l’auteur de l’infraction à condition de porter sur un de ses éléments constitutifs.
Le juge du fond constate souverainement les circonstances sur lesquelles il appuie sa décision, la Cour contrôlant toutefois s’il a pu légalement déduire de celles-ci l’existence d’une cause de justification.
5. Le tribunal correctionnel a rattaché l’admission de l’erreur au caractère vague ou imprécis que sa décision prête à la législation applicable.
6. L’article 2 du décret définit le déchet comme étant toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire.
Le résidu d’une matière qui a été travaillée, ce qui en reste et qui est impropre à la consommation, inutilisable ou encombrant et a vocation à être éliminé, peut constituer un déchet au sens de l’article 2 susdit.
Sans doute l’article 44 du Code forestier et l’article 24, alinéa 3, de l’arrêté du gouvernement wallon du 27 mai 2009 autorisent-ils le brûlage des rémanents contaminés, à condition de prendre les mesures nécessaires pour éviter la propagation du feu et de prévenir l’administration.
Mais il ne s’en déduit pas que ce matériau ne constituerait pas un déchet au sens du décret du 27 juin 1996, ni qu’un doute légitime puisse exister à cet égard dans le chef d’un exploitant forestier normalement prudent et avisé, ni que ce dernier ait pu se croire autorisé par le décret à incinérer pareils déchets sur le site d’abattage en enfumant le voisinage.
Les juges du fond n’ont dès lors pas légalement attribué aux actes reprochés à la défenderesse l’effet justificatif de l’erreur invincible.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
B. En tant que le pourvoi est dirigé contre S. S. :
7. Le tribunal correctionnel a annulé l’amende infligée à la société à responsabilité limitée Sega-Bois.
Le jugement ne comporte aucune décision en cause de S. S. avec qui le demandeur n’a pas d’instance liée, le défendeur n’étant mentionné qu’en qualité de gérant de la société sanctionnée.
Dénué d’intérêt et d’objet, le pourvoi est irrecevable.
Il n’y a pas lieu d’avoir égard au second moyen, étranger à l’irrecevabilité du pourvoi.
8. En revanche, le demandeur a fait signifier son pourvoi à ce défendeur, ce qui vaut appel en déclaration d’arrêt commun.
Il y a lieu de faire droit à cette demande.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse le jugement attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement cassé ;
Réserve les frais pour qu’il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Déclare l’arrêt commun à S. S. ;
Renvoie la cause au tribunal correctionnel de Namur, autrement composé, jugeant en dernier ressort.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du trois mai deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.23.0353.F
Date de la décision : 03/05/2023
Type d'affaire : Droit administratif

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-05-03;p.23.0353.f ?

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