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03/05/2023 | BELGIQUE | N°P.21.1494.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 mai 2023, P.21.1494.F


N° P.21.1494.F
COMMUNE DE DOISCHE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Doische, rue Martin Sandron, 114,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Aline Fery, avocat au barreau de Dinant, Christophe Thiebaut, avocat au barreau de Namur, et Stéphane Nopère, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
LE FONCTIONNAIRE SANCTIONNATEUR DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles et de l’environnement du Service public de wallonie, dont les bureaux sont établi

s à Namur (Jambes), avenue Prince de Liège, 15,
partie poursuivante,
défendeur en...

N° P.21.1494.F
COMMUNE DE DOISCHE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Doische, rue Martin Sandron, 114,
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Aline Fery, avocat au barreau de Dinant, Christophe Thiebaut, avocat au barreau de Namur, et Stéphane Nopère, avocat au barreau de Bruxelles,
contre
LE FONCTIONNAIRE SANCTIONNATEUR DELEGUE de la direction générale opérationnelle de l’agriculture, des ressources naturelles et de l’environnement du Service public de wallonie, dont les bureaux sont établis à Namur (Jambes), avenue Prince de Liège, 15,
partie poursuivante,
défendeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 14 septembre 2021 par le tribunal de police de Namur, division Dinant, statuant en premier et dernier ressort sur une requête de la demanderesse en contestation de la remise en état imposée par le défendeur.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L’avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 7.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 12, alinéa 2, et 149 de la Constitution, et D.141, D.162 et D.163 du Livre Ier du Code de l’Environnement dans leur version applicable aux faits de la cause.
La demanderesse s’est vu imposer la remise en état des lieux après qu’il a été constaté dans un procès-verbal dressé par un agent compétent qu’elle avait procédé sans autorisation préalable à la destruction d’une haie située dans le périmètre d’un site Natura 2000.
Le moyen fait grief au tribunal de ne pas avoir répondu aux conclusions de synthèse de la demanderesse dans lesquelles, à l’appui de sa défense soutenant que le procès-verbal de constat de l’infraction était dépourvu de la force probante particulière visée à l’article D.141, elle alléguait que ce procès-verbal n’avait pas été envoyé au procureur du Roi ou, en tous les cas, ne l’avait pas été dans le délai prévu par le code.
Dans ses conclusions de synthèse (§ 14), la demanderesse a fait valoir que, selon les mentions du procès-verbal, l’infraction avait été constatée le 9 avril 2019, les faits portés à la connaissance du procureur du Roi le 11 avril 2019 et le procès-verbal clôturé le 18 avril 2019. La demanderesse déduisait de cette chronologie, d’une part, qu’il était douteux que le procès-verbal, reçu par elle le 30 avril 2019, lui ait été envoyé dans le délai légal de quinze jours à compter de la constatation de l’infraction et, d’autre part, que le procès-verbal avait manifestement été transmis au procureur du Roi avant son envoi par lettre recommandée au contrevenant, de sorte que la preuve de cet envoi n’avait pas pu être annexée au procès-verbal transmis au procureur du Roi comme le requiert pourtant l’article D.141.
Contrairement à ce que le moyen allègue, la demanderesse n’a pas soutenu dans ses conclusions que le procès-verbal de constat de l’infraction n’avait pas été transmis au procureur du Roi dans le délai prévu par le décret. La demanderesse s’est bornée à affirmer que, en raison des incohérences chronologiques qu’elle invoquait, le procès-verbal était dépourvu de la force probante particulière conférée par l’article D.141.
Le jugement attaqué énonce, concernant la transmission au procureur du Roi du procès-verbal de constat de l’infraction accompagné de la preuve de l’envoi au contrevenant, que le garde forestier a constaté les faits le 9 avril 2019, que celui-ci en a avisé son supérieur le lendemain, que le brigadier forestier du cantonnement de Viroinval s’est alors rendu sur place, que l’arrêt des travaux a été ordonné par écrit le 11 avril 2019, que la rédaction du procès-verbal a été entamée le 11 avril 2019 et clôturée le 18 avril suivant étant donné que, le 17 avril, les services du département de la nature et des forêts s’étaient rendus sur les lieux afin de relever les espèces protégées dans la partie restante de la haie.
Le tribunal en a déduit que le procès-verbal ne pouvait pas avoir été transmis au procureur du Roi avant la date de sa clôture. A ce propos, le jugement ajoute que la mention du procès-verbal « portons à la connaissance du procureur du Roi » est une expression utilisée lors de la rédaction du procès-verbal et qu’elle ne signifie pas nécessairement que celui-ci a été transmis à ce moment.
Par ces motifs, le tribunal a répondu à la défense de la demanderesse et a régulièrement motivé sa décision.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
La demanderesse soutient encore que, en l’absence de réponse à l’argumentation qu’elle a développée relativement au caractère incertain de l’envoi du procès-verbal au procureur du Roi, ni elle ni la Cour ne sont en mesure de vérifier si le défendeur pouvait imposer une remise en état, et, ainsi, légalement exercer une compétence qui n’est que subsidiaire à celle du procureur du Roi.
Entièrement déduit du grief vainement invoqué dans la première partie du moyen, le moyen, à cet égard, est irrecevable.
Sur le second moyen :
Le moyen invoque les articles 7.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 12, alinéa 2, de la Constitution, D.163 du Livre Ier du Code de l’Environnement, 1er de l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020 relatif à la suspension temporaire des délais de rigueur et de recours fixés dans l'ensemble de la législation et la réglementation wallonnes, et 3 de l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020 prorogeant les délais prévus par l’arrêté précité : en considérant que le délai de trois cent soixante-cinq jours après le procès-verbal de constat de l'infraction, prévu par l’article D. 163, alinéa 6, a été suspendu en vertu des arrêtés de pouvoirs spéciaux susdits et que, par conséquent, la décision imposant la remise en état des lieux a été prise dans le délai prévu par le code, le jugement attaqué viole le principe de non-rétroactivité de la peine et les principes de légalité et de prévisibilité de la procédure pénale.
La demanderesse soutient également que le délai de trois cent soixante-cinq jours, qui a été institué par une disposition de procédure pénale ou à caractère pénal, ne relève pas du champ d’application desdits arrêtés, de sorte que le tribunal n’a pu légalement décider que ces derniers en avaient suspendu le cours.
L’article D.163, alinéa 6, dans sa version applicable au faits de la cause, énonce notamment qu’aucune remise en état ne peut être imposée plus de trois cent soixante-cinq jours après ce procès-verbal.
En vertu de l’article 1er de l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020, entré en vigueur le 19 mars 2020 (article 4) et confirmé par le décret du 3 décembre 2020 confirmant les arrêtés de pouvoirs spéciaux pris dans le cadre de la crise sanitaire, les délais de rigueur et de recours fixés par les décrets et règlements de la Région wallonne sont suspendus à partir du 18 mars 2020 pour une durée de trente jours. L’article 3 de l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020, entré en vigueur le même jour (article 7) et confirmé par le décret précité du 3 décembre 2020, a prorogé ce délai d’une nouvelle période prenant cours le 17 avril 2020 et s’achevant le 30 avril 2020 inclus.
Le préambule du premier arrêté précité énonce que leur auteur considère qu’il convient de suspendre, et le préambule du second arrêté qu’il convient de proroger, « tous les délais de rigueur fixés dans l’ensemble de la législation et la réglementation wallonnes ».
Il résulte du texte et du préambule des arrêtés précités que la suspension qu’ils instaurent ou prorogent s’applique au délai de trois cent soixante-cinq jours prévu par l’article D.163, alinéa 6, du Livre Ier du Code de l’Environnement, à l’expiration duquel le fonctionnaire sanctionnateur ne peut plus imposer au contrevenant de remettre les lieux en état.
Soutenant le contraire, le moyen, à cet égard, manque en droit.
L’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacre le principe de la non-rétroactivité des lois pénales.
Les arrêtés précités n’érigent pas en infraction un fait qui n’était pas punissable au moment où il a été commis, et ils n’aggravent pas la peine d’une infraction existante, mais se bornent à suspendre le cours d’un délai à l’expiration duquel le fonctionnaire sanctionnateur n’a plus le pouvoir d’imposer au contrevenant une amende administrative ou la remise en état des lieux.
Soutenant que le juge ne peut appliquer ces arrêtés parce qu’ils sont contraires à l’article 7.1 de la Convention, alors que leur objet est étranger à cette disposition, le moyen manque en droit.
En vertu de l’article 12, alinéa 2, de la Constitution, nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.
Cette disposition n’interdit pas au juge, saisi du recours que le contrevenant a formé contre la décision du fonctionnaire sanctionnateur lui imposant une amende administrative ou la remise en état, et appelé à vérifier si ce fonctionnaire a respecté les délais impartis par le Code de l’Environnement tel qu’applicable aux faits de la cause, de tenir compte de la circonstance que le législateur en a suspendu le cours.
En tant qu’il repose sur une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.
Le jugement attaqué relève que l’infraction environnementale commise le 9 avril 2019 a été constatée dans un procès-verbal clos le 18 avril 2019 et que la décision de remise en état a été prise le 4 mai 2020.
En ayant considéré que le délai de trois cent soixante-cinq jours, non expiré au moment de l’entrée en vigueur de l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 2 du 18 mars 2020, a été suspendu par cet arrêté et ensuite par l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux n° 20 du 18 avril 2020, de sorte que la décision imposant la remise en état des lieux a été prise dans le délai prévu par le décret, le tribunal de police a légalement justifié sa décision.
A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.
Le contrôle d’office
Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante et un euros nonante-trois centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Ignacio de la Serna, conseillers, et prononcé en audience publique du trois mai deux mille vingt-trois par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l’assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Type d'affaire : Droit administratif

Références :

Origine de la décision
Date de la décision : 03/05/2023
Date de l'import : 30/05/2023

Fonds documentaire ?: juportal.be


Numérotation
Numéro d'arrêt : P.21.1494.F
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2023-05-03;p.21.1494.f ?

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