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07/11/2024 | BELGIQUE | N°116/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 07 novembre 2024, 116/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 116/2024
du 7 novembre 2024
Numéros du rôle : 8069 et 8070
En cause : les recours en annulation partielle de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 15 décembre 2022 « modifiant l’ordonnance du 24 avril 2008
relative aux établissements d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées », introduits par la SRL « Seniors Care-Ion » et par la SA « Aedifica » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Mich

el Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia et Kattrin...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 116/2024
du 7 novembre 2024
Numéros du rôle : 8069 et 8070
En cause : les recours en annulation partielle de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 15 décembre 2022 « modifiant l’ordonnance du 24 avril 2008
relative aux établissements d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées », introduits par la SRL « Seniors Care-Ion » et par la SA « Aedifica » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia et Kattrin Jadin, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
Par deux requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 27 et 28 juillet 2023 et parvenues au greffe les 31 juillet 2023 et 1er août 2023, des recours en annulation partielle de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 15 décembre 2022
« modifiant l’ordonnance du 24 avril 2008 relative aux établissements d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées » (publiée au Moniteur belge du 30 janvier 2023) ont été introduits par la SRL « Seniors Care-Ion », assistée et représentée par Me Kristiaan Caluwaerts, Me Kristof Uytterhoeven et Me Jorge Chávez Aréstegui, avocats au barreau d’Anvers, et par la SA « Aedifica », la SA « Care Property Invest » et la SA « Cofinimmo », assistées et représentées par Me Barteld Schutyser et Me Bart Martel, avocats au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 8069 et 8070 du rôle de la Cour, ont été jointes.
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Le Collège réuni de la Commission communautaire commune, assisté et représenté par Me Michel Kaiser, Me Marc Verdussen, Me Cécile Jadot et Me Pierre Bellemans, avocats au barreau de Bruxelles, et par Me Anthony Poppe, avocat au barreau de Gand, a introduit des mémoires, les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse et le Collège réuni de la Commission communautaire commune a également introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 26 juin 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Yasmine Kherbache et Michel Pâques, a décidé :
- que la juge Magali Plovie s’abstiendrait en tant que juge,
- que les affaires étaient en état,
- d’inviter toutes les parties requérantes à répondre, dans un mémoire complémentaire à introduire par lettre recommandée à la poste au plus tard le 9 septembre 2024, dont elles échangeront une copie dans le même délai, aux questions suivantes :
« Quelle est l’incidence du remplacement, par l’article 10 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 22 décembre 2023 ‘ portant [des] dispositions diverses en matière de santé, d’aide aux personnes et de prestations familiales ’, de l’article 15, § 1er, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 24 avril 2008 ‘ relative aux établissements pour aînés ’, tel qu’il avait été remplacé par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 15 décembre 2022 ‘ modifiant l’ordonnance du 24 avril 2008 relative aux établissements d'accueil ou d’hébergement pour personnes âgées ’, sur l’objet du recours, en ce qui concerne l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 ? »;
« La version de l’article 15, § 1er, de l’ordonnance, précitée, du 24 avril 2008 qui résulte de son remplacement par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune, précitée, du 15 décembre 2022 a-t-elle sorti des effets entre son entrée en vigueur, le 1er janvier 2023, et son remplacement par l’article 10 de l’ordonnance, précitée, du 22 décembre 2023, qui est entré en vigueur le 11 janvier 2024 ? »,
- qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et
- qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 18 septembre 2024 et les affaires seraient mises en délibéré.
Des mémoires complémentaires ont été introduits par :
- la partie requérante dans l’affaire n° 8069;
- les parties requérantes dans l’affaire n° 8070.
À la suite des demandes de plusieurs parties à être entendues, la Cour, par ordonnance du 17 juillet 2024, a fixé l’audience au 25 septembre 2024.
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À l’audience publique du 25 septembre 2024 :
- ont comparu :
. Me Jorge Chávez Aréstegui, pour la partie requérante dans l’affaire n° 8069;
. Me Barteld Schutyser, Me Bart Martel et Me Quinten Jacobs, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 8070;
. Me Anthony Poppe, également loco Me Michel Kaiser, Me Marc Verdussen, Me Cécile Jadot et Me Pierre Bellemans, pour le Collège réuni de la Commission communautaire commune;
- les juges-rapporteurs Yasmine Kherbache et Michel Pâques ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à l’objet des requêtes nos 8069 et 8070
A.1.1. Dans l’affaire n° 8069, la SRL « Seniors Care-ION » a introduit un recours en annulation des articles 5, 9°, 9, c), 10, a) et b), et 18 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 15 décembre 2022 « modifiant l’ordonnance du 24 avril 2008 relative aux établissements d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées » (ci-après : l’ordonnance du 15 décembre 2022).
A.1.2. Dans l’affaire n° 8070, la SA « Aedifica », la SA « Care Property Invest » et la SA « Cofinimmo »
demandent l’annulation des articles 9, c), 10, a) et b), et 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
Les parties requérantes situent tout d’abord les dispositions attaquées et attirent notamment l’attention sur l’ordonnance du 24 avril 2008 « relative aux établissements pour aînés » (ci-après : l’ordonnance du 24 avril 2008), avant sa modification par l’ordonnance du 15 décembre 2022, ainsi que sur le système de programmation, sur l’autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation (ci-après : l’ASMESE), sur l’agrément, sur l’autorisation de fonctionnement provisoire et sur la situation actuelle des soins aux aînés à Bruxelles.
Quant à la recevabilité des requêtes introduites et à l’intérêt des parties requérantes
A.2. La partie requérante dans l’affaire n° 8069 fait valoir son intérêt, ainsi que la non-tardiveté de son recours en annulation. La partie requérante est gestionnaire de plusieurs établissements pour aînés situés en Région de Bruxelles-Capitale; elle est organisée sous la forme d’une société à responsabilité limitée et exerce ses activités
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dans un but lucratif. Les articles attaqués de l’ordonnance du 15 décembre 2022 affecteraient ses possibilités d’obtenir les ASMESE et les agréments et d’exploiter les places agréées acquises.
A.3. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 sont toutes propriétaires de biens immobiliers consacrés aux soins sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale et, contre paiement, elles mettent leurs biens immobiliers à la disposition de gestionnaires d’établissements pour aînés qui, pour l’essentiel, gèrent des établissements du secteur privé à but lucratif. Leur revenu dépend des recettes qu’elles retirent de cette mise à disposition. Les dispositions attaquées auraient d’importantes conséquences financières sur les établissements et, partant, sur les parties requérantes, de sorte qu’elles disposeraient de l’intérêt requis en droit.
A.4.1. Le Collège réuni de la Commission communautaire commune (ci-après : le Collège réuni) observe dans son mémoire en réplique que, le 22 décembre 2023, l’Assemblée réunie de la Commission communautaire commune a adopté l’ordonnance « portant des dispositions diverses en matière de santé, d’aide aux personnes et de prestations familiales » (ci-après : l’ordonnance du 22 décembre 2023). L’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023 remplace l’article 15, § 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été remplacé par l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
Les modifications principales concernent les aspects suivants : (1) il est prévu une définition précise du mode de calcul du taux d’inoccupation moyen d’un établissement, (2) les places agréées pour de courts séjours sont exclues de la possibilité d’expiration de l’agrément, (3) l’expiration des agréments est constatée par Iriscare le 15 avril de chaque année T sur la base du taux d’inoccupation moyen annuel de chaque établissement et une première fois le 15 avril 2024, (4) un mécanisme de protection est prévu, (5) le minimum de trois places agréées inoccupées est porté à 25 si l’application de l’alinéa 2 ou de l’alinéa 3 de l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008 réduit à moins de 25 le nombre total de places bénéficiant d’un agrément spécial pour la prise en charge des aînés fortement dépendants et nécessitant des soins au sein d’un établissement.
Le Collège réuni estime que l’intérêt actuel peut disparaître à la suite de l’entrée en vigueur de la nouvelle législation s’il est satisfait à la double condition selon laquelle les dispositions concernées n’ont pas trouvé à s’appliquer à la situation des parties requérantes et que les nouvelles dispositions ne sont pas similaires aux dispositions attaquées. Selon le Collège réuni, l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’a pas encore trouvé à s’appliquer à la situation des parties requérantes, dès lors qu’au moment de l’introduction du mémoire en réplique, aucune des places agréées n’est encore déchue de l’agrément; leur agrément n’expirera pour la première fois que le 15 avril 2024, sur la base de l’article 15, § 1er, nouveau, de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été remplacé par l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023. Par ailleurs, l’article 15, § 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été modifié par l’ordonnance du 22 décembre 2023, diffère, sur le plan du contenu, de l’article 15, § 1er, tel qu’il avait été modifié par l’ordonnance du 15 décembre 2022.
Selon le Collège réuni, pour autant qu’un recours en annulation n’ait pas été introduit contre l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023, les parties requérantes ne disposent pas de l’intérêt requis en droit à l’annulation de l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
A.4.2. Par ailleurs, le Collège réuni observe que la partie requérante dans l’affaire n° 8069 donne un aperçu du tarif journalier moyen pratiqué dans trois de ses établissements situés en Région de Bruxelles-Capitale. Il en ressort que ces tarifs journaliers sont inférieurs aux prix moyens pratiqués dans le secteur privé à but non lucratif et dans le secteur public. Toutefois, la partie requérante omet de donner les prix moyens pratiqués dans deux autres établissements qu’elle gère, qui sont substantiellement supérieurs aux tarifs journaliers moyens pratiqués dans le secteur privé à but lucratif.
En ce qui concerne la critique des parties requérantes dans l’affaire n° 8070, selon laquelle le Collège réuni omet de répondre à certaines critiques, le Collège réuni souligne qu’il a démontré dans son mémoire que l’ordonnance attaquée n’est pas contraire aux dispositions constitutionnelles citées, lues en combinaison ou non avec des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE). Le mémoire répond dès lors à tout le moins implicitement à toutes les critiques des parties requérantes.
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Quant au fond
En ce qui concerne la violation du principe d’égalité
A.5. Le premier moyen dans l’affaire n° 8069 est pris de la violation, par les articles 5, 9°, 9, c), 10, a) et b), et 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la non-rétroactivité, avec le principe de la confiance légitime et avec le principe de la sécurité juridique.
Selon la partie requérante, le législateur ordonnanciel lui-même a admis explicitement vouloir toucher le secteur commercial. Ainsi, les places agréées dans les établissements pour aînés sont considérées comme étant « inoccupées » sur la base d’un système peu objectif et leur nombre expire partiellement, sans même que le gestionnaire soit entendu. Pour récupérer les agréments, il faut introduire une nouvelle demande pour obtenir une ASMESE, mais les gestionnaires commerciaux individuels sont mis dans l’impossibilité d’acquérir une telle autorisation tant que l’ensemble du secteur privé à but lucratif dispose de plus de 50 % des lits agréés. Le secteur privé à but lucratif est délibérément préjudicié par la diminution du nombre des agréments octroyés antérieurement et par le fait d’avantager les autres secteurs.
La partie requérante estime que la mesure attaquée ne poursuit pas un objectif légitime. Il est question en réalité de trois objectifs, à savoir les deux objectifs présentés par le législateur, qui sont la liberté de choix et les objectifs budgétaires, et le véritable objectif de cette mesure, qui est de toucher le secteur privé à but lucratif et d’avantager le secteur public et le secteur privé à but non lucratif. Le véritable objectif ne saurait être considéré comme un but d’intérêt général, étant donné qu’il s’agit d’un but arbitraire, apparemment inspiré par la supposition totalement erronée, et qui n’est étayée par aucune preuve objective, selon laquelle le secteur privé à but lucratif propose, par définition, des soins qui sont plus onéreux mais de moindre qualité. Force est de constater ensuite que la liberté de choix visée n’est rien d’autre qu’un prétexte. Les aînés veulent juste bénéficier de soins de qualité et abordables, le statut de droit privé ou de droit public du gestionnaire ou le fait de savoir si cet établissement poursuit ou non un but de lucre ne jouant aucun rôle à cet égard. Par ailleurs, la liberté de choix sera moins grande à la suite de l’expiration des agréments, puisque le nombre de places agréées diminue et n’augmentera que si les autres secteurs, à l’exclusion du secteur commercial, parviennent à créer des places supplémentaires. Quant aux considérations budgétaires, le législateur ordonnanciel ne démontre pas en quoi ses interventions seraient positives pour le budget. Les lits agréés qui ne sont pas occupés ne bénéficient d’aucune aide financière. En outre, le financement des établissements pour aînés est assuré principalement par des interventions de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (ci-après : l’INAMI), qui est une institution fédérale sur laquelle la Région de Bruxelles-Capitale n’a aucune autorité et dont le budget ne relève pas de ses compétences. Cet objectif dépasse le champ des compétences constitutionnelles de la Région et est dès lors a priori inconstitutionnel. Par ailleurs, un élargissement d’échelle du secteur public entraînerait des investissements nécessaires qui excèdent les moyens financiers des CPAS bruxellois.
Ensuite, la partie requérante allègue que le critère de distinction n’est pas pertinent pour atteindre l’objectif fixé par le législateur ordonnanciel. La question de savoir si le gestionnaire est public ou privé et agit dans un but de lucre ou non n’a aucune incidence sur le choix d’une personne individuelle quant à l’établissement qu’elle souhaite occuper. De plus, le critère n’est pas utile pour atteindre un meilleur équilibre budgétaire, étant donné qu’il n’est nullement démontré que les établissements des gestionnaires poursuivant un but de lucre seraient plus préjudiciables pour le budget que les établissements du secteur public ou du secteur privé à but non lucratif. En outre, la Région de Bruxelles-Capitale dispose déjà d’un moyen pour réduire le nombre de places agréées (article 7, § 4, de l’ordonnance du 24 avril 2008).
En dernière instance, la partie requérante observe que le préjudice subi par le secteur privé à but lucratif est totalement disproportionné et va bien au-delà de ce qui est nécessaire. La certitude concernant les agréments acquis est d’un intérêt primordial pour les décisions d’investissement à long terme. Le constat qu’une large part des places agréées appartient au secteur privé à but lucratif existe déjà depuis longtemps et a en outre été dressé par la Région de Bruxelles-Capitale elle-même. Le mode d’expiration des agréments est disproportionné parce qu’aucune possibilité de défense n’est prévue. Le nombre de lits inoccupés est compté sur la base des lits pour lesquels l’établissement reçoit une intervention de l’INAMI, de sorte que de nombreux lits occupés concrètement sur l’année seront quand même considérés comme inoccupés. Le calcul est fait sur la base du nombre de lits inoccupés annuel moyen de l’année précédente, de sorte que, même si un lit est devenu occupé dans l’intervalle, il peut être retiré. La première expiration des agréments en 2024 se fera sur la base de chiffres à partir de juin 2022, qui sont donc antérieurs à l’instauration de l’ordonnance attaquée. Il n’a pas été suffisamment tenu compte du fait que des places sont temporairement inoccupées à la suite de travaux d’entretien ou de rénovation. Il n’est pas possible de
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solliciter de nouveaux agréments sans demander une nouvelle ASMESE. Les gestionnaires individuels du secteur privé à but lucratif ne peuvent pas obtenir de telles autorisations tant que l’ensemble du secteur privé à but lucratif ne détient pas moins de 50 % des places autorisées.
A.6. Le second moyen dans l’affaire n° 8070 est pris de la violation, par l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, des articles 10 et 11 de la Constitution.
Les parties requérantes estiment que la limitation à 50 % du total des places qui sont agréées en tant que places de maison de repos pour le secteur privé à but lucratif, telle qu’elle est prévue dans l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, a pour effet que ce secteur perdra de nombreux lits qu’il ne pourra pas récupérer. Les parties requérantes ne peuvent dès lors pas compenser, par de nouvelles places, les lits qu’elles ont perdus à la suite d’agréments qui ont expiré et elles perdent des revenus futurs. En revanche, le législateur ordonnanciel n’a pas prévu de plafond pour le nombre de lits agréés comme places de maisons de repos pour le secteur public ni pour le secteur privé à but non lucratif.
Selon les parties requérantes, les différences de traitement ne sauraient être raisonnablement justifiées. Il n’y a pas d’objectif légitime d’intérêt général, dès lors qu’un droit d’option fondé simplement sur le secteur n’est pas pertinent. Actuellement, la population bruxelloise a suffisamment de choix, puisque les établissements relevant du secteur privé à but non lucratif et du secteur public ont eux aussi un taux d’inoccupation important. La Commission communautaire commune affirme, dans les travaux préparatoires, que les différences entre les secteurs ont un impact sur la prestation de services à la population bruxelloise, sans toutefois préciser la nature de cet impact. Et, si l’ordonnance attaquée entend préserver la liberté de choix de la population bruxelloise, il conviendrait aussi de définir un seuil pour la part des lits en maison de repos attribuée au secteur privé à but lucratif. L’ordonnance attaquée peut en effet avoir pour conséquence que le secteur privé à but lucratif disparaîtra totalement.
Enfin, selon les parties requérantes, la norme attaquée est disproportionnée. La population bruxelloise a en effet un choix suffisant, la norme attaquée est contre-productive à moyen terme, le Collège réuni reçoit un chèque en blanc pour combler l’équilibre entre les secteurs, les lits agréés expirent de plein droit, plus aucune cession n’est possible et les établissements pour aînés subissent un préjudice économique important qui n’est pas compensé.
A.7.1. Tout d’abord, le Collège réuni observe qu’en ce que la partie requérante dans l’affaire n° 8069 vise dans le premier moyen les articles 5, 9°, 9, c), 10, a), et 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, le moyen n’est pas fondé. Ces articles s’appliquent sans distinction à tous les établissements dans le secteur des soins aux personnes âgées, qu’il s’agisse d’établissements du secteur privé à but lucratif ou d’établissements du secteur privé à but non lucratif ou du secteur public.
Seul l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 établit une distinction entre les établissements de soins aux aînés qui relèvent du secteur public et du secteur privé à but non lucratif, d’une part, et ceux qui relèvent du secteur privé à but lucratif, d’autre part. Le Collège réuni estime que les établissements qui relèvent du secteur public et du secteur privé à but non lucratif, d’une part, et ceux qui relèvent du secteur privé à but lucratif, d’autre part, ne sont pas comparables à la lumière de l’article 10, b). Les établissements qui relèvent du secteur privé à but lucratif sont soumis au contrôle des sociétés au sens de l’article I:14, § 1er, du Code des sociétés et des associations.
Ces établissements visent à tirer profit des soins aux personnes âgées et à distribuer celui-ci à leurs actionnaires.
L’article 10, b), a pour but de garantir la liberté de choix des aînés entre les établissements relevant des différents secteurs et l’accès à des établissements abordables. Le législateur ordonnanciel souhaite préserver cette pluralité des secteurs parce qu’ils sont différents. La circonstance qu’un secteur poursuit un but de lucre le distingue nécessairement d’autres secteurs pour ce qui est de l’accessibilité et du caractère abordable de ses établissements. Selon le Collège réuni, l’absence de comparabilité ressort également de la disproportion entre le nombre de lits agréés dans le secteur privé à but lucratif et le nombre peu élevé de lits agréés dans les deux autres secteurs. Ce déséquilibre a un impact sur la nature de la prestation de services aux aînés et peut entraver le choix des personnes qui souhaitent trouver un établissement public ou un établissement à but non lucratif à proximité de leur lieu de résidence.
A.7.2. Quant au fond, le Collège réuni observe que les mesures sont raisonnablement justifiées, étant donné qu’elles poursuivent un objectif légitime, qu’il existe un critère de distinction objectif et pertinent et qu’elles n’entraînent manifestement pas de conséquences déraisonnables.
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A.7.3. En ce qui concerne les objectifs légitimes, le Collège réuni soutient que l’ordonnance du 15 décembre 2022 poursuit les objectifs suivants : (1) renforcer et rééquilibrer l’ensemble du continuum d’aide et de soins aux aînés, allant du domicile à la maison de repos et de soins, (2) offrir une vie digne aux aînés, qui sont souvent invisibles dans notre société, et (3) garantir à chaque aîné l’accès aux aides et aux services qui lui conviennent, dans le cadre qui lui plaît, avec les intervenants qui lui correspondent.
L’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 entend rétablir l’équilibre entre les différents secteurs d’exploitants de maisons de repos agréées. Ce déséquilibre a un impact sur la nature de la prestation de services rendus aux aînés et peut entraver le choix des personnes qui souhaitent trouver un établissement public ou un établissement à but non lucratif à proximité de leur lieu de résidence. Selon le Collège réuni, ces objectifs sont légitimes.
Le Collège réuni estime aussi que l’objectif consistant à préjudicier le secteur privé à but lucratif est une présentation erronée des faits, étant donné que l’ordonnance vise uniquement à rétablir à l’avenir le déséquilibre existant. Dans ce cadre, il n’est pas prétendu que les soins offerts dans le secteur privé à but lucratif seraient de moindre qualité; ces soins sont toutefois plus onéreux que ceux proposés dans le secteur privé à but non lucratif et dans le secteur public.
Il ne peut pas être admis que la liberté de choix des personnes âgées n’est qu’un prétexte. Les citoyens fondent leur choix non pas tant sur le statut du gestionnaire, mais sur le coût des soins, qui sont toutefois plus onéreux dans le secteur privé à but lucratif. La mesure consistant à faire expirer les agréments de lits inoccupés ne vise pas le secteur privé à but lucratif, mais vaut pour tous les secteurs.
La thèse de la partie requérante dans l’affaire n° 8069 selon laquelle, pour calculer le taux d’occupation, il n’est tenu compte que des places occupées par des personnes qui reçoivent une intervention de l’INAMI ne peut pas non plus être suivie. Les personnes qui relèvent de la notion de « patient », telle qu’elle est définie dans l’article 1er, 7°, de l’arrêté ministériel du 6 novembre 2003 « fixant le montant et les conditions d’octroi de l’intervention visée à l’article 37, § 12, de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, dans les maisons de repos et de soins et dans les maisons de repos pour personnes âgées », sont aussi des personnes pour lesquelles l’institution ne reçoit pas d’intervention de l’INAMI, mais qui figurent bien dans l’application de financement « RaaS/Curas ». Seuls les lits qui sont temporairement inoccupés en raison de l’hospitalisation des résidents, de petits travaux de rénovation ou de l’inoccupation d’une chambre entre deux résidents n’apparaissent pas dans l’application RaaS/Curas. Cet aspect a été pris en compte dans l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, qui insère l’article 15, § 1er, alinéa 3, de l’ordonnance du 24 avril 2008, qui prévoit que tout établissement peut disposer de places inoccupées à hauteur de 5 % de ses places agréées, avec un minimum de trois places inoccupées. Dans le cas où des lits sont inoccupés pour cause de « gros travaux », l’article 15/1, § 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008 est d’application.
Le Collège réuni estime en outre qu’il est inexact de prétendre que l’ordonnance aura pour effet que le secteur privé à but lucratif disparaîtra. L’ordonnance a uniquement pour conséquence qu’aucune nouvelle autorisation ne sera octroyée aussi longtemps que l’équilibre n’a pas été atteint entre, d’une part, le secteur privé à but lucratif et, d’autre part, le secteur privé à but non lucratif ou le secteur public. Le secteur privé à but lucratif maintient les agréments existants pour les lits occupés et demeurera de loin le secteur le plus important.
En ce qui concerne les considérations budgétaires, le Collège réuni observe que la sixième réforme de l’État a transféré aux communautés l’ensemble de la matière relative à la dispensation de soins aux aînés et donc également le financement des maisons de repos pour aînés (MRPA), des maisons de repos et de soins (MRS) et des centres de soins de jour (CSJ). À partir du 1er janvier 2019, Iriscare assure le financement des compétences transférées pour la Commission communautaire commune. À partir de cette date, les institutions bicommunautaires situées sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale sont financées par Iriscare.
Les bénéficiaires du remboursement des prestations par un organisme assureur bruxellois dans ces institutions sont les assurés bruxellois au sens de l’ordonnance du 21 décembre 2018 « relative aux organismes assureurs bruxellois dans le domaine des soins de santé et de l’aide aux personnes ». En cas d’occupation, une place agréée entre en considération pour un financement. L’existence de ces lits implique un risque financier pour la Commission communautaire commune. Par conséquent, le Collège réuni entend éliminer le risque budgétaire découlant du nombre important de lits agréés en maisons de repos.
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A.7.4. Le Collège réuni soutient que le critère de distinction est objectif et pertinent. Tout d’abord, la mesure relative à l’expiration des agréments des lits inoccupés s’applique sans distinction à tous les établissements pour aînés, quel que soit le secteur dont ils relèvent. Seul l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 introduit une distinction, qui est objective et pertinente. Le non-octroi de nouvelles autorisations au secteur privé à but lucratif se situe dans le droit fil de l’objectif visant à garantir la liberté de choix des aînés entre les établissements des différents secteurs et l’accès à des établissements abordables et accessibles.
A.7.5. Le Collège réuni ajoute qu’il ne peut pas être admis que les mesures attaquées produisent des effets manifestement déraisonnables.
En ce qui concerne l’expiration des agréments de places inoccupées, les considérations budgétaires sont liées à la diversification de l’offre de soins aux aînés que le législateur ordonnanciel souhaite pouvoir proposer à terme aux aînés bruxellois. La circonstance que certaines institutions disposent d’un grand nombre de lits agréés qui sont structurellement inoccupés empêche toutefois une telle diversification; en effet, un lit agréé vide peut être utilisé à tout moment pour bénéficier du financement par Iriscare s’il venait à être occupé. Ces lits agréés inoccupés représentent ainsi un important risque budgétaire, ce qui empêche la Commission communautaire commune d’opérer de nouveaux choix politiques. Et, dès lors qu’il s’agit de lits structurellement inoccupés, cette mesure ne causera aucun préjudice financier pour les établissements concernés. En outre, le législateur ordonnanciel a prévu, dans l’ordonnance attaquée, des mesures d’accompagnement mûrement réfléchies.
Selon le Collège réuni, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme que le secteur privé à but lucratif est lésé de manière disproportionnée et que la déchéance des agréments déjà acquis antérieurement viole le principe de la sécurité juridique et le principe de la confiance légitime. Le principe de la confiance légitime n’empêche pas le législateur de modifier des règles existantes qui peuvent avoir des conséquences préjudiciables pour certaines catégories de personnes. Si le législateur estime qu’un changement de politique est nécessaire, il peut décider de l’instaurer avec effet immédiat et il n’est en principe pas tenu de prévoir un régime transitoire. De plus, le système d’expiration des agréments qui a été mis en place s’applique sans distinction à tous les secteurs. En outre, les établissements pour aînés ne pouvaient pas escompter que les agréments resteraient accordés pour toujours; l’article 7, § 4, de l’ordonnance du 24 avril 2008 prévoyait déjà un système d’expiration des ASMESE et l’existence de l’article 7, § 4, n’a pas pour effet que le nouveau régime ne serait pas pertinent.
L’absence d’une possibilité de défense ne peut pas non plus amener à conclure au caractère manifestement disproportionné de la mesure attaquée. Le Collège réuni observe que les agréments expirent de plein droit, de sorte que le principe général de bonne administration du devoir d’audition ne trouve pas à s’appliquer si l’autorité publique exerce une compétence liée.
Le Collège réuni soutient également que la circonstance que les agréments expireront pour la première fois en 2024 sur la base des chiffres de 2022 ne permet pas de conclure que l’interdiction de la rétroactivité serait violée. La disposition attaquée ne produit ses effets qu’à partir du 1er janvier 2024, de sorte qu’elle n’a pas d’effet rétroactif et qu’une période transitoire est prévue. Selon le Collège réuni, aucun élément n’étaye l’affirmation selon laquelle la norme attaquée serait contre-productive parce qu’elle contribue à créer une pénurie de places à moyen terme. Il ressort des données historiques qu’il n’y aura pas de pénuries à moyen terme et que le législateur ordonnanciel peut ajuster sa politique à l’avenir s’il s’avérait malgré tout que les aînés choisiraient davantage de séjourner dans une maison de repos.
En ce qui concerne le non-octroi de nouvelles autorisations pour des places dans le secteur privé à but lucratif, le Collège réuni soutient que le nombre de lits disponibles pour le secteur privé à but lucratif varie en fonction du nombre total de lits et de places octroyés. Le nombre maximum de lits et de places attribué au secteur privé à but lucratif augmente à mesure que le nombre absolu de lits et de places agréés augmente. En d’autres termes, plus des lits et places agréés sont attribués au secteur public et au secteur privé à but non lucratif, plus le nombre de lits et de places maximum pouvant être attribué au secteur privé à but lucratif augmente. En termes absolus, le nombre maximum de places pour le secteur privé à but lucratif augmente proportionnellement à la demande de lits et de places dans les institutions relevant du secteur public et du secteur privé à but non lucratif.
Selon le Collège réuni, il convient aussi d’observer à cet égard que l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’est pas encore entré en vigueur. Les secteurs se voient offrir l’opportunité de s’y préparer.
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Enfin, lorsque la mesure sera d’application, le plafond de 50 % des lits et des places agréés n’aura pas nécessairement déjà été atteint pour le secteur privé à but lucratif. Cela laisse une marge de croissance à ce secteur.
En fixant au 1er janvier 2023 la date d’entrée en vigueur de la mesure mettant fin de plein droit à l’agrément des lits inoccupés et en reportant l’entrée en vigueur de l’article 10, b), le législateur ordonnanciel permet une meilleure répartition des lits et places agréés entre les secteurs dont les lits inoccupés sont redistribués.
Le Collège réuni estime que la thèse de la partie requérante dans l’affaire n° 8069 selon laquelle l’arrêt n° 135/2010 du 9 décembre 2010 (ECLI:BE:GHCC:2010:ARR.135) n’est pas applicable ne peut être suivie. La mesure entend éliminer le déséquilibre en ce qui concerne les places de maisons de repos agréées. L’interdiction d’octroi de nouvelles autorisations est a fortiori raisonnablement justifiée sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, étant donné que le déséquilibre est encore plus important qu’en Région wallonne. En outre, le secteur privé à but lucratif restera de loin le premier fournisseur de places agréées sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Par ailleurs, le Collège réuni ne reçoit pas une « carte blanche » pour déterminer ce qu’il faut entendre par une répartition équilibrée de la capacité des établissements sur le territoire de Bruxelles-Capitale.
Le Collège réuni devra respecter les dispositions constitutionnelles et les principes généraux de bonne administration dans l’arrêté qui définit cette répartition équilibrée.
Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante dans l’affaire n° 8069, la cession des autorisations entre établissements est toujours possible, selon le Collège réuni. En cas de changement du gestionnaire de l’établissement auquel se rapporte l’autorisation, celle-ci peut être cédée, moyennant l’accord du Collège réuni et pour autant qu’elle soit concrétisée sur le même site et dans les mêmes conditions et délais que ceux déterminés lors de l’octroi de cette autorisation, en vertu de l’article 7, § 3, de l’ordonnance du 24 avril 2008. L’article 7, § 3, n’interdit pas qu’une maison de repos existante qui est exploitée par un exploitant X dans le secteur privé à but lucratif soit reprise par un exploitant Y, également dans le secteur privé à but lucratif. Ce que l’ordonnance interdit, c’est la cession de lits autorisés de l’exploitant X, qui exploite une maison de repos X, vers l’exploitant Y, qui exploite une maison de repos Y.
En ce qui concerne la perte de revenus pour le secteur privé à but lucratif, le Collège réuni observe que les établissements ne subissent pas de perte à la suite de l’expiration des agréments de places inoccupées. Il n’est du reste d’aucune utilité pour ces établissements de demander des ASMESE pour obtenir de nouvelles places, puisque celles-ci resteraient quand même inoccupées et donc non financées.
A.8.1. Tout d’abord, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 observe dans son mémoire en réponse qu’il est juridiquement correct d’estimer que le retrait de l’agrément de lits structurellement inoccupés touche tous les secteurs. Toutefois, la discrimination manifeste réside dans le fait que le secteur privé à but lucratif se voit de facto privé de l’opportunité de récupérer ultérieurement les lits dont l’agrément a été retiré. La demande d’une nouvelle ASMESE pour obtenir un nouvel agrément dépend du statut juridique du gestionnaire.
A.8.2. En ce qui concerne la comparabilité, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 soutient dans son mémoire en réponse qu’on ne saurait suivre le raisonnement du Collège réuni selon lequel il suffirait qu’un établissement soit géré par une personne morale à but lucratif pour qu’il ne soit pas comparable aux établissements d’autres secteurs. La disposition vise toutes les personnes morales à but lucratif, alors que, selon le nouveau Code des sociétés et des associations, les sociétés peuvent, outre le but de lucre, aussi poursuivre d’autres objectifs tels qu’un objectif caritatif, social ou culturel. En outre, « comparable » ne signifie pas identique. Les établissements qui fournissent les mêmes services aux aînés se destinent au même marché et sont financés principalement au moyen d’interventions de la sécurité sociale, ce qui confirme leur comparabilité.
De plus, on ne saurait suivre la thèse du Collège réuni selon laquelle le secteur privé à but lucratif se distinguerait « nécessairement » des autres secteurs pour ce qui est de l’accessibilité et du caractère abordable.
Premièrement, il s’agit d’une présomption inacceptable fondée sur un préjugé discriminatoire. Deuxièmement, cette thèse nie la grande diversité qui existe au sein des différents secteurs. Troisièmement, l’affirmation est inexacte, dès lors qu’il existe plusieurs établissements privés à but lucratif qui pratiquent des tarifs journaliers similaires voire moins chers. Enfin, le lien présumé entre la nature du secteur et le caractère accessible et abordable d’un établissement pour personnes âgées est erroné et superflu.
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Selon la partie requérante dans l’affaire n° 8069, la référence au déséquilibre dans la répartition des lits agréés ne peut pas non plus étayer la non-comparabilité. Les prestataires privés à but lucratif ont demandé ces agréments sous le même régime et dans les mêmes circonstances que les deux autres secteurs. La circonstance que ces prestataires ont davantage de lits agréés ne saurait justifier la non-comparabilité. En outre, La Cour a déjà reconnu la comparabilité de ces secteurs dans son arrêt n° 42/2008 du 4 mars 2008 (ECLI:BE:GHCC:2008:ARR.042).
A.8.3. En ce qui concerne l’objectif légitime, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 répète que la réduction de la part des agréments du secteur privé à but lucratif n’est pas un objectif légitime en soi, étant donné qu’elle vise arbitrairement un groupe déterminé, uniquement sur la base de sa forme juridique et de son statut. Le fait de présenter la proportion qui s’est développée au fil du temps comme un problème en soi est, pour cette raison, déjà inacceptable.
Les tarifs journaliers mentionnés par le Collège réuni ne tiennent pas compte d’éventuelles promotions des institutions et les prix moyens ne sont pas non plus pondérés, ce qui ne donne pas une vue d’ensemble correcte du secteur. Cette pondération est importante, puisque ce secteur propose un choix étendu de chambres dans des catégories de prix différentes, permettant aussi aux aînés de choisir une chambre plus chère. En outre, il n’est pas tenu compte de la différence entre les divers gestionnaires au sein du secteur privé à but lucratif ni des prix différents entre les établissements de ce secteur. Dans le cas de la partie requérante dans l’affaire n° 8069, elle peut démontrer que ses tarifs journaliers pour ses trois établissements pour aînés sont beaucoup plus proches des prix pratiqués par les autres secteurs, voire parfois moins chers.
L’accessibilité financière des établissements est dès lors un prétexte, d’autant plus que les gestionnaires du secteur privé à but lucratif sont dans l’impossibilité de demander de nouvelles autorisations tant que leur part n’est pas devenue inférieure à 50 %. Conformément à l’article 7, nouveau, de l’ordonnance du 24 avril 2008, l’octroi d’une autorisation est soumis à différents critères « qualitatifs », parmi lesquels « l’accessibilité financière de l’établissement ». Il en ressort que l’accessibilité financière est déjà une condition et ne saurait donc être considérée comme un véritable objectif.
En ce qui concerne l’objectif budgétaire également, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 répète qu’il ne s’agit de rien d’autre qu’un prétexte. L’existence de lits agréés ne saurait constituer un risque budgétaire et représente une considération dénuée de toute pertinence à la lumière de la distinction entre les différents secteurs.
Le Collège réuni ne démontre pas qu’une place agréée dans un établissement géré par un gestionnaire commercial serait plus chère qu’une place agréée dans un établissement du secteur privé à but non lucratif ou du secteur public.
Les considérations budgétaires ne peuvent par ailleurs pas justifier la diminution des agréments, puisque le but du législateur ordonnanciel est de répartir à nouveau ces agréments. En outre, l’augmentation de la part du secteur public suppose des investissements massifs, qui pèseront sur les finances publiques et, partant, pourraient avoir des effets néfastes.
A.8.4.1. En ce qui concerne l’objectivité et la pertinence du critère de distinction, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 observe que le critère de distinction n’a aucun lien avec les objectifs cités. L’objectif consistant à assurer l’accessibilité des établissements pour aînés est déjà un critère dans le cadre de l’octroi d’une ASMESE, de sorte que l’introduction d’un critère relatif au type de secteur dont relève l’établissement pour aînés n’a aucun sens. En outre, il n’est délibérément pas tenu compte des différences de prix au sein du secteur lui-même.
L’exclusion du gestionnaire privé à but lucratif est contraire à l’objectif de garantir l’accessibilité financière, parce qu’un établissement privé à but lucratif qui est moins cher, mais qui est géré par une personne morale à but lucratif, n’obtiendrait pas d’ASMESE, alors qu’un établissement pour aînés plus onéreux relevant d’un autre secteur l’obtiendrait en revanche.
Pour le budget de la Région de Bruxelles-Capitale, la question de savoir si les fonds publics sont utilisés en faveur de places autorisées dans un établissement privé à but lucratif ou dans un autre secteur n’importe pas. Les coûts budgétaires restent les mêmes.
A.8.4.2. En ce qui concerne la proportionnalité et les conséquences déraisonnables, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 observe que le gestionnaire privé à but lucratif devra remettre des lits agréés, sans pouvoir récupérer ceux-ci. Le caractère disproportionné se matérialise également dans le mode de calcul du nombre de lits occupés; ainsi, il n’est pas tenu compte de l’hospitalisation des résidents, des petits travaux de rénovation ou de la période d’inoccupation des lits entre deux résidents, parce que ces lits ne figurent pas dans l’application RaaS/Curas. L’application RaaS/Curas ne tient pas compte de l’occupation réelle. Cela signifie que les gestionnaires privés à but lucratif n’auront plus de marge en termes de chambres vides, ce qui entraînera assez rapidement une pénurie de places agréées et nécessitera de travailler avec des listes d’attente. Par ailleurs, les
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gestionnaires commerciaux n’auront pas intérêt à effectuer des petits travaux de rénovation dans les chambres, dès lors que celles-ci seront alors considérées comme inoccupées.
En dernière instance, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 répète que les dispositions attaquées violent le principe de la confiance légitime et le principe de la sécurité juridique. Les gestionnaires privés à but lucratif ont construit leur modèle économique sur les agréments, qui sont d’un intérêt vital pour l’exploitation des établissements pour aînés. En outre, ils ont consenti de très lourds investissements notamment pour acheter les terrains et construire et équiper les bâtiments, dans l’idée que les places pour lesquelles ils avaient obtenu les agréments seraient occupées à terme par des résidents.
A.9.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 font valoir dans leur mémoire en réponse que les catégories d’établissements à comparer sont comparables. Il ne faut pas confondre « différence » et « non-
comparabilité ». La Cour a déjà jugé expressément que les établissements de soins aux personnes âgées sont comparables dans les différents secteurs (arrêt n° 42/2008, précité).
A.9.2. En ce qui concerne le critère de distinction, les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 répètent que ce critère n’est pas pertinent. Abstraction faite de la circonstance que la liberté de choix n’est pas entravée à ce jour par le secteur privé à but lucratif, le Collège réuni lui-même admet dans son mémoire que les citoyens ne fondent pas tant leur choix sur le statut du gestionnaire. Ni les travaux préparatoires, ni la disposition attaquée elle-même, ni le mémoire du Collège réuni ne permettent de déduire en quoi les aînés ne disposeraient actuellement pas d’une liberté de choix suffisante et en quoi le fait de limiter cette liberté et, à tout le moins, l’offre du secteur privé à but lucratif sous la forme d’un plafond de 50 % contribuerait à cette liberté de choix.
La défense du Collège réuni manque en fait et en droit. Les données historiques sur lesquelles se fonde le Collège réuni portent sur des chiffres à partir de 2013. La disposition attaquée complique et limite la liberté de choix des aînés au lieu de préserver celle-ci. Cette liberté ne peut être préservée que par l’introduction d’un seuil pour la part des lits en maison de repos par secteur, car seul un seuil garantit que chaque secteur reste suffisamment représenté.
Les parties requérantes répètent que l’on n’aperçoit pas clairement ce que le législateur ordonnanciel et le Collège réuni entendent par la différence sur le plan de la « nature » du service. Il n’est nulle part précisé concrètement ce qu’il y a lieu d’entendre par la « nature » du service, en quoi le secteur privé à but lucratif différerait, sur ce point, des autres secteurs et en quoi le régime attaqué serait pertinent pour agir dans un sens déterminé sur la « nature » du service. Le Collège réuni ne parle pas de la différence de qualité, ce qui est étonnant vu que l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 fixe les « critères qualitatifs ». Selon le Collège réuni, l’un de ces critères qualitatifs, à savoir le plafond de 50 % pour le secteur privé à but lucratif, n’a cependant rien à voir avec la qualité des établissements. Ce qui précède démontre que la Commission communautaire commune fait un amalgame d’une multitude d’objectifs, mais elle-même prouve ainsi que l’inégalité de traitement du secteur privé à but lucratif n’est pas pertinente et encore moins nécessaire pour atteindre ces objectifs.
Selon les parties requérantes dans l’affaire n° 8070, s’il devait être admis que les citoyens fondent leur choix d’un établissement sur le coût des soins et si la Commission communautaire commune souhaite effectivement préserver la liberté de choix à la lumière du coût des soins, la Commission communautaire commune devrait précisément garantir que le secteur commercial représente et continue à représenter une part suffisamment grande de tous les secteurs. Alors seulement peut-on assurer que chaque citoyen puisse choisir lui-même le budget qu’il souhaite dégager pour séjourner dans un établissement et ait une vraie liberté de choix entre les établissements et leurs différents coûts. Toutefois, il convient d’observer que le tarif journalier d’un établissement ne dépend pas tant du secteur dont celui-ci relève, mais bien du moment où ont eu lieu les investissements dans les biens immobiliers consacrés aux soins. Plus l’infrastructure est récente, plus le tarif journalier moyen sera élevé. Il serait absurde de sanctionner le secteur privé à but lucratif à cet égard au motif qu’il est le seul secteur qui a investi massivement dans son infrastructure et dans sa capacité au cours des dernières années.
À ce sujet, les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 observent que le prix d’un séjour dans un établissement constitue déjà un critère distinct pour octroyer l’ASMESE (article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022). L’on n’aperçoit pas et il n’est pas expliqué en quoi il serait alors pertinent, et encore moins nécessaire, de soumettre un secteur à une différence de traitement complémentaire, alors qu’un établissement déjà trop onéreux pourrait de toute façon déjà se voir refuser une ASMESE. En outre, c’est Iriscare lui-même qui
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approuve toutes les augmentations de prix et de marges et même les indexations des prix que lui soumettent les établissements de soins aux aînés. À supposer que les tarifs journaliers du secteur privé à but lucratif soient trop élevés et doivent être limités, ces prix sont imputables à la Commission communautaire commune elle-même, étant donné que c’est elle qui les a approuvés.
En ce qui concerne le prétendu « risque budgétaire » pour la Commission communautaire commune, les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 soulignent que chaque secteur fait face à un nombre important de lits inoccupés. L’on n’aperçoit pas et le Collège réuni ne démontre pas en quoi le plafonnement de la part d’un secteur serait pertinent pour pouvoir utiliser les crédits budgétaires qui seraient prétendument bloqués dans l’attente de l’occupation des lits agréés dans chacun des secteurs. Lorsqu’elle établit son budget de dépenses, la Commission communautaire commune peut raisonnablement estimer les crédits en vue de couvrir le forfait pour les lits agréés occupés en se basant sur le taux d’occupation des années précédentes. Cette estimation peut prévoir des crédits dans l’hypothèse d’un taux d’occupation de 75 % ou de 80 %. Il est d’usage de procéder à de telles estimations lors de l’établissement d’un budget de dépenses. Rien n’oblige la Commission communautaire commune à bloquer chaque année des crédits fondés sur un taux d’occupation de 100 %. Pour combler un taux d’occupation supérieur non prévu et le taux de financement plus élevé qui en découle, la Commission communautaire commune peut inscrire une provision dans son budget qui précise que le Collège réuni peut utiliser celle-ci en vue de couvrir les différents postes de dépenses, parmi lesquels le poste qui porte sur le financement de lits occupés. Cette habilitation permet à la Commission communautaire commune de répartir le prétendu « risque financier » sur un grand nombre de postes de dépenses et, ainsi, de « bloquer » chaque année moins de crédits pour le financement de lits qui pourraient être occupés. En outre, le Collège réuni se base sur un taux d’occupation de 100 %, alors qu’un des principes fondamentaux de l’ordonnance du 15 décembre 2022 est que les lits inoccupés ne seront pas occupés à court terme et que les agréments concernés doivent dès lors être récupérés.
A.9.3. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 répètent que l’inégalité de traitement du secteur privé à but lucratif a des conséquences manifestement disproportionnées. L’incidence économique énorme sur les établissements qui relèvent du secteur privé à but lucratif et l’impossibilité d’utiliser encore ces lits agréés à l’avenir font baisser la valeur marchande de l’immobilier, étant donné que ces établissements perdent toute perspective de rentabilité à l’avenir. Le Collège réuni nie l’effet du vieillissement de la population dans la Région de Bruxelles-Capitale et semble penser que les lits inoccupés le resteront pour toujours, sans compter que l’ordonnance du 15 décembre 2022 aura pour effet de réduire substantiellement le nombre de lits inoccupés.
En outre, le Collège réuni minimise l’incidence sur le secteur privé à but lucratif. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 observent que le Collège réuni oublie que l’article 34 de l’ordonnance du 15 décembre 2022
habilite le Collège réuni, dans l’attente d’une programmation définitive, à fixer, par catégorie d’établissements pour aînés, un programme transitoire du nombre maximal de places pouvant bénéficier d’une ASMESE. Il sera prévu un nombre maximal absolu d’ASMESE, de sorte qu’une augmentation du nombre de places agréées dans le secteur public et dans le secteur privé à but non lucratif n’aura pas pour effet, certainement pas par définition, que le nombre d’ASMESE pourra augmenter pour le secteur privé à but lucratif .
Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 observent également que la date incertaine d’entrée en vigueur de l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 ne démontre pas la proportionnalité du régime attaqué.
C’est précisément en raison de l’incertitude qui entoure cette date d’entrée en vigueur qu’il est impossible pour le secteur privé à but lucratif de se préparer. À moins que le Collège réuni ne s’engage juridiquement à ne faire entrer en vigueur la mesure attaquée qu’après que la part du secteur privé à but lucratif est passée sous les 50 %, les observations émises par le Collège réuni n’ont aucune valeur.
A.10.1. En ce qui concerne la non-comparabilité, le Collège réuni observe dans son mémoire en réplique que les catégories à comparer doivent être comparées à la lumière de la mesure attaquée. Dans les recours en annulation présentement examinés, le but du législateur ordonnanciel est de garantir « la liberté de choix des aînés entre établissements appartenant aux différents secteurs, et l’accès à des établissements abordables et accessibles ».
Le législateur ordonnanciel souhaite rétablir cette liberté de choix en ramenant à 50 % la disproportion du nombre de lits agréés entre les établissements du secteur privé à but lucratif et ceux des deux autres secteurs. Dans ce régime, ces établissements ne sont pas comparables à ceux du secteur privé à but non lucratif ni à ceux du secteur public.
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A.10.2. Quant au fond, le Collège réuni répète que l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022
poursuit un objectif légitime.
La thèse selon laquelle les établissements privés à but lucratif ne sont pas toujours plus onéreux que les établissements publics et les établissements à but non lucratif ne réfute pas les objectifs généraux de la Commission communautaire commune. Le législateur ordonnanciel peut appréhender la diversité des situations en faisant usage de catégories qui correspondent souvent à la réalité de manière simplificatrice et approximative. Les tarifs journaliers présentés par le Collège réuni sont des prix moyens pondérés qui tiennent compte du nombre de chambres qui sont louées à un prix déterminé.
Il est possible que le risque budgétaire que représentent les lits agréés inoccupés pour la Commission communautaire commune soit théorique, eu égard au fait que le nombre de lits est resté stable au cours des dix dernières années, mais ce risque empêche surtout la Commission communautaire commune d’opérer de nouveaux choix politiques.
Le Collège réuni observe aussi que le critère de l’accessibilité financière existant n’a pas pu empêcher que les établissements du secteur privé à but lucratif aient la part du lion en ce qui concerne les lits agréés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale ni que les lits agréés de ce secteur soient en général plus onéreux que ceux des établissements des autres secteurs. Le critère existant n’est dès lors pas une condition suffisante pour garantir l’objectif de la liberté de choix des aînés.
En outre, le Collège réuni constate que la fermeture des établissements par Orpea est liée non pas à l’ordonnance attaquée, mais aux difficultés financières auxquelles l’entreprise est confrontée. Orpea va également fermer des établissements pour aînés en Flandre, où l’ordonnance ne produit pas d’effets.
A.10.3. En ce qui concerne l’expiration des agréments de places inoccupées, le Collège réuni souligne dans son mémoire en réplique que la qualification de places « inoccupées » tient bien compte de travaux de rénovation importants, de l’hospitalisation de résidents et de l’inoccupation d’une chambre entre deux résidents. C’est toutefois l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, qui prévoit que tout établissement peut disposer de places inoccupées à hauteur de 5 % de ces places agréées, avec un minimum de trois places agréées inoccupées, qui répond à cette préoccupation.
Le législateur ordonnanciel n’est pas tenu d’adapter sa politique par l’introduction d’un régime transitoire et l’expiration de la moitié des places inoccupées ne sera appliquée pour la première fois que le 15 avril 2024. En outre, seule la moitié des places inoccupées peut expirer, compte tenu du taux d’occupation moyen annuel. La circonstance qu’une place ou qu’un certain nombre de places seraient occupées entre la période de référence et la déchéance n’aura pas de conséquences. L’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 2023 a encore ajouté des mesures de protection supplémentaires.
A.10.4. En ce qui concerne le non-octroi d’autorisations pour des places dans le secteur privé à but lucratif, le Collège réuni souligne qu’il ne nie pas le vieillissement de la population. Cependant, il peut être constaté que cela fait déjà dix ans que le nombre de lits occupés dans la Région de Bruxelles-Capitale n’augmente pas, alors que la population vieillit. Cela est dû au fait que les aînés optent pour d’autres types de soins et de soutien.
En ce qui concerne la violation de la libre prestation des services, du droit à la liberté d’établissement et de la liberté d’entreprendre
A.11. Dans le deuxième moyen dans l’affaire n° 8069, la partie requérante allègue la violation des articles 10
et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d’établissement (article 49 du TFUE) et la libre prestation de services (article 56 du TFUE) garanties par le droit de l’Union européenne, avec la liberté d’entreprendre, avec les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, avec l’article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises juncto l’article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale du 8 août 1980
de réformes institutionnelles et avec l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, des objectifs économiques ne sauraient en principe justifier une entrave aux libertés de l’Union. La Cour de justice a toutefois reconnu qu’une atteinte grave à l’équilibre financier du régime de sécurité sociale peut constituer un motif impérieux d’intérêt général susceptible de justifier une limitation des libertés de l’Union. Selon la partie requérante dans l’affaire
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n° 8069, le législateur ordonnanciel n’a, à aucun moment, pu démontrer ni chiffrer, même de manière approximative, qu’il est question d’un grave déséquilibre financier ou que la limitation des agréments et des autorisations pour le secteur commercial pourrait remédier à un tel déséquilibre.
A.12. Le Collège réuni soutient que la partie requérante dans l’affaire n° 8069 ne démontre en aucune manière en quoi les dispositions attaquées auraient un caractère transfrontalier pour elle, ni en quoi ces dispositions affecteraient sa libre prestation des services et son droit à la liberté d’établissement. La mesure attaquée s’applique sans distinction à tous les établissements situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, quel que soit l’État membre d’origine de l’exploitant en question. La mesure ne saurait donc être considérée comme une limitation de la libre prestation des services des ressortissants d’autres États membres.
De même, la liberté d’entreprendre n’est pas limitée. Les limitations de la liberté d’entreprendre découlent des circonstances propres à l’affaire. La cession de lits et de places reste possible, mais pas à titre onéreux. Le Collège réuni répartit les lits dont l’agrément a été retiré automatiquement en raison d’une inoccupation structurelle, entre les établissements qui le demandent et qui remplissent les exigences de qualité de l’article 7, nouveau, de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été modifié par l’article 10, a), de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
La Cour a déjà jugé qu’un plafond pour les établissements du secteur privé à but lucratif est raisonnablement justifié (arrêt n° 135/2010, précité).
L’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 est nécessaire à l’instauration du mécanisme de répartition des lits et des places agréés au moyen d’une procédure objective qui est entre les mains du Collège réuni. Les lits inoccupés doivent en effet se libérer d’abord pour pouvoir être répartis. Le Collège réuni estime aussi que la mesure est proportionnée, parce que le législateur a limité celle-ci à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif souhaité. Si des places sont inoccupées, l’agrément de ces places n’expire de plein droit que pour la moitié d’entre elles. En outre, le seuil de 5 % du nombre de places disponibles, avec un minimum de trois places, s’applique toujours. La mesure attaquée a uniquement pour but de récupérer les places qui n’empêchent pas le fonctionnement normal d’un établissement pendant l’année en cours, compte tenu de l’occupation fluctuante de ses places.
A.13.1. Tout d’abord, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 observe qu’elle ne doit pas avoir un intérêt à son moyen. L’inconstitutionnalité de principe d’une norme ne saurait être justifiée par le fait que la norme de référence n’est pas applicable à la partie requérante. La circonstance que la norme attaquée est applicable à tous les gestionnaires et établissements situés dans la Région de Bruxelles-Capitale n’empêche pas que la libre circulation au sein de l’Union européenne est entravée. En outre, les victimes potentielles de la mesure sont les aînés d’autres États membres, à savoir les expatriés pensionnés qui s’installent dans un établissement bruxellois.
Les places qu’ils occupent ne sont pas comptabilisées comme des « lits occupés », de sorte que l’agrément de ces lits risque d’expirer.
A.13.2. Quant au fond, la partie requérante souligne que le législateur ordonnanciel entend octroyer à nouveau les places agréées au secteur public ou au secteur privé à but non lucratif. Cela signifie non seulement que la situation actuelle ne s’améliorera pas, mais qu’elle se détériorera même pour le secteur public. Actuellement, aucune ressource publique n’est consacrée aux places agréées inoccupées. S’il est fait appel au secteur public pour compenser la capacité perdue, cela nécessitera d’importants investissements qui auront une incidence négative sur le budget public.
A.14. Le Collège réuni estime que le moyen est irrecevable en ce qu’il porte sur la libre circulation des résidents des établissements provenant d’autres États membres de l’Union européenne. Ce moyen n’a été développé pour la première fois que dans le mémoire en réponse de la partie requérante dans l’affaire n° 8069.
En toute hypothèse, le Collège réuni souhaite souligner que les quatre libertés de l’Union européenne ne sont pas applicables à des situations purement internes à un État membre. Étant donné que l’ordonnance attaquée n’est applicable qu’aux établissements de soins situés dans la Région de Bruxelles-Capitale, aucun élément transfrontalier n’est présent. Par ailleurs, le préjudice se situe non pas au niveau des aînés, mais au niveau des établissements.
En outre, le calcul du taux d’occupation tient compte des ressortissants de l’Union européenne. Soit ils sont désignés dans le régime de sécurité sociale belge et ils sont pris en compte pour le calcul du taux d’occupation par le logiciel RaaS/Curas, de la même manière que tout ressortissant belge. Soit ils dépendent du régime de sécurité
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sociale de leur État membre d’origine et ils sont pris en compte comme des « non-affiliés » dans le calcul du taux d’occupation par le logiciel RaaS/Curas. Un lit occupé par un ressortissant de l’Union européenne sera toujours considéré comme un lit occupé.
En ce qui concerne la violation du droit de propriété
A.15. Dans le troisième moyen dans l’affaire n° 8069, la partie requérante invoque la violation, par les articles 9, c), 10, a), et 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel).
Une ASMESE ou un agrément est une « propriété ». Par ailleurs, les ASMESE et les agréments comportent l’attente légitime que le gestionnaire peut exploiter ceux-ci à l’avenir, même si cela n’est temporairement pas le cas et que la place est inoccupée. L’incidence de la privation de liberté est disproportionnée, étant donné que le fait de retirer l’agrément prive le gestionnaire de toute possibilité d’exploitation et ce, alors que toute l’infrastructure des établissements a été créée en vue de l’exploitation de ces places agréées. Le retrait abrupt des agréments prive de tout fondement les décisions d’investissement antérieures.
La partie requérante conteste que le retrait d’un agrément, qui peut être considéré comme une expropriation, est d’utilité générale. Pour que ce retrait soit légitime, l’utilité publique doit pouvoir être constatée avec certitude.
Les motifs allégués – la prétendue liberté de choix des aînés et les considérations budgétaires – ne sont pas des motifs d’intérêt général. Le mode d’expiration de l’agrément est disproportionné et la disposition attaquée ne prévoit aucune indemnisation équitable et préalable.
Par ailleurs, selon la partie requérante, l’interdiction de cession de propriété n’est pas une expropriation sensu stricto, mais une réglementation de l’usage des biens, qui doit également être conforme à l’intérêt général et ne peut pas être disproportionnée. Selon le législateur ordonnanciel, l’interdiction de cession de places servirait à assurer que toutes les places qui sont autorisées remplissent les conditions d’obtention de l’ASMESE. Cette mesure, combinée au plafond maximal de 50 %, constitue une fois de plus une tentative du législateur ordonnanciel de réduire la part du secteur privé à but lucratif.
A.16.1. Dans le premier moyen dans l’affaire n° 8070, les parties requérantes invoquent la violation de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel. Par l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, les agréments que l’autorité publique a octroyés antérieurement aux établissements expireront de plein droit; selon les parties requérantes, cela représente 50 % des places agréées mais inoccupées. Sur la base de leurs ASMESE et agréments obtenus légalement, les parties requérantes ont contracté d’importants engagements, comme des contrats de location de longue durée qui tiennent compte de la capacité future et d’un taux d’occupation de 95 % en vitesse de croisière.
A.16.2. En ce qui concerne l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, la suppression des agréments a, selon les parties requérantes, une incidence dramatique sur la marge bénéficiaire opérationnelle d’un projet immobilier en vitesse de croisière. La suppression annuelle des agréments en fonction de la situation actuelle fait disparaître ipso facto d’année en année le potentiel économique pour réaliser une marge opérationnelle saine pour le gestionnaire. Si le taux d’occupation actuel de 60 lits occupés se poursuit à moyen terme, la conséquence directe des agréments supprimés est qu’il devient, après quatre ans, techniquement impossible de rendre cet établissement lucratif en termes opérationnels. Ainsi, le potentiel économique disparaît également et le gestionnaire de l’établissement ne peut plus supporter le loyer, de sorte que l’exploitation du centre de soins résidentiels est compromise et doit finalement être arrêtée. Par conséquent, la valeur de l’infrastructure immobilière baisse aussi immédiatement. Dès lors que l’ordonnance attaquée rend cette croissance impossible et entend même réduire la part du secteur privé à but lucratif, le droit de propriété est violé, puisque les investissements ne sont plus rentables.
La valeur marchande de l’immobilier baisse déjà actuellement du fait que l’ordonnance attaquée prive l’investissement contracté de toute rentabilité.
La Cour européenne des droits de l’homme a déjà jugé que les autorisations octroyées aux entreprises sont une propriété au sens de l’article 1er du Premier Protocole additionnel et que leur retrait constitue une atteinte au droit de propriété. La Cour européenne des droits de l’homme a également jugé que les revenus futurs sont une « propriété » au sens de l’article 1er du Premier Protocole additionnel si les intéressés disposent d’un droit exigible
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sur ces revenus. Les restrictions précitées du droit de propriété fondées sur l’article 1er du Premier Protocole additionnel constituent également des restrictions à la lumière de l’article 16 de la Constitution. Selon les parties requérantes, ces restrictions sont d’autant plus graves qu’une expiration de plein droit des agréments aura lieu dès le 1er janvier 2024, pour la période de référence du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, alors que cette période se situe pendant et juste après la pandémie de COVID. En raison de la surmortalité et de la réticence des aînés à déménager vers des établissements pour aînés juste après la pandémie, le taux d’inoccupation est plus élevé que prévu. Le Collège réuni reçoit également un chèque en blanc pour préciser et compléter les règles de calcul du taux d’inoccupation moyen des places et pour adapter les paramètres relatifs à l’application des exceptions à la déchéance. Partant, il est impossible de comprendre et de prédire comment le Collège réuni donnera concrètement forme à la norme attaquée et quelle application il en fera.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 soutiennent que la norme attaquée est justifiée par la thèse selon laquelle des lits inoccupés à long terme montreraient qu’ils ne répondent pas à un besoin. Or, les lits agréés mais inoccupés répondent à un besoin, à savoir celui qui se réalisera dans quelques années en raison du vieillissement croissant. En outre, un certain degré d’inoccupation est même souhaitable. Tout centre de soins résidentiels dispose de plusieurs types de chambres, de sorte que, pour qu’il y ait assez de choix, une inoccupation suffisante est nécessaire. L’ordonnance du 15 décembre 2022 et les travaux préparatoires n’expliquent pas non plus en quoi de nouveaux projets répondraient davantage aux besoins des aînés. Tant les secteurs privés à but lucratif et à but non lucratif que le secteur public connaissent un taux d’inoccupation important.
Enfin, selon les parties requérantes, l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’est pas proportionnée. Les établissements pour aînés ont reçu les agréments légalement, à l’issue de procédures organisées à cet effet par l’autorité publique. La mesure entend rectifier une situation qui est née tout à fait légalement et qui est la conséquence des choix politiques antérieurs de l’autorité publique. Son incidence économique grave sur les établissements contribue au caractère disproportionné de la limitation du droit de propriété. La circonstance que les premiers agréments expireront déjà le 1er janvier 2024 signifie que le secteur ne pouvait pas se préparer à cette mesure pendant un délai raisonnable. La mesure attaquée sanctionne très rapidement une place inoccupée, à savoir le 1er janvier de l’année T, compte tenu de la période allant du 1er juillet de l’année T - 2 au 30 juin de l’année T - 1. Cette mesure est d’autant plus dure que l’ordonnance du 15 décembre 2022 a été adoptée à un moment où le taux d’occupation était historiquement bas en raison de la COVID et qu’il est probable que, lorsque les agréments seront supprimés, certains de ces lits agréés seront à nouveau occupés.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 estiment que la déchéance des agréments, aux fins d’un besoin futur démontré dans les grandes lignes, est une mesure excessive. D’autant que, ces dernières années, le secteur privé à but lucratif est l’unique secteur qui a consenti des investissements en matière d’infrastructure et de capacité.
Par ailleurs, les établissements du secteur privé à but lucratif n’ont pas l’opportunité de compenser les lits dont les agréments ont expiré par de nouvelles ASMESE, tant que le nombre de places en maison de repos pour le secteur privé à but lucratif s’élève à plus de 50 %. En outre, les établissements touchés ne disposent d’aucun moyen de défense.
A.16.3. En ce qui concerne les articles 9, c), et 10, a), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 observent que les lits et les places qui pouvaient être cédés avaient une valeur patrimoniale pour les établissements pour aînés. Ceux-ci pouvaient vendre à titre onéreux des lits ou des places structurellement inoccupés à un autre établissement. L’interdiction de cession de lits ou de places limite le droit de propriété des établissements. La circonstance que les ASMESE seront octroyées à l’avenir selon les critères qualitatifs prévus à l’article 7, § 1er/1, de l’ordonnance du 24 avril 2008 est la justification avancée par le législateur ordonnanciel. Le souhait d’imposer des critères qualitatifs aux titulaires d’autorisations est un objectif légitime d’intérêt général, mais la norme attaquée n’est pas pertinente ni proportionnée. La Commission communautaire commune peut contrôler certaines exigences qualitatives liées à la programmation lorsqu’il lui est demandé d’approuver la cession de lits et de places entre établissements. Cet objectif ne l’emporte pas sur le préjudice économique important que subissent les établissements parce qu’ils ne peuvent plus céder des lits ou des places à un autre établissement contre paiement. Par ailleurs, les établissements du secteur privé à but lucratif ne peuvent pas obtenir de nouvelles ASMESE et aucune compensation n’est prévue pour la limitation du droit de propriété.
A.17.1. Tout d’abord, le Collège réuni observe que le droit de propriété n’est pas applicable en l’espèce.
L’agrément n’est en effet pas un droit réel, mais une autorisation administrative. À titre subsidiaire, le Collège réuni soutient que la limitation du droit de propriété n’est pas contraire à l’article 16 de la Constitution ni à l’article 1er du Premier Protocole additionnel, étant donné que cette limitation est prévue dans l’ordonnance elle-
même.
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A.17.2. Quant au fond, le Collège réuni estime que l’article 9, c), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 a pour but de mettre fin à la possibilité de céder des lits autorisés ou agréés entre gestionnaires, afin de garantir que les ASMESE sont accordées conformément aux critères qualitatifs fixés dans la législation, ce qui est un but légitime.
L’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 précise que, tout comme l’agrément, l’ASMESE ne vaut que pour l’établissement qui est établi à l’adresse de la demande d’autorisation. Ceci permet de faire la clarté sur ce point. Un gestionnaire qui exploite plusieurs établissements ne peut pas céder de lits autorisés d’un établissement à l’autre. Selon le Collège réuni, l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 poursuit lui aussi un objectif légitime. Une place agréée entre en considération pour un financement lorsqu’elle est occupée.
L’existence de ces lits implique un risque financier pour la Commission communautaire commune, auquel il faut mettre fin, ce que permet l’application de l’article 18.
Selon le Collège réuni, l’ingérence opérée par le législateur ordonnanciel est proportionnée. Tout d’abord, parce que le marché relatif à la cession de lits agréés est un phénomène que le législateur ordonnanciel n’a jamais voulu créer. Il ne s’agit donc pas d’un « droit » dont les établissements pour aînés peuvent se prévaloir.
L’abrogation de l’article 6, alinéa 2, de l’ordonnance du 24 avril 2008 ne met pas fin à toutes les redistributions de lits et de places entre établissements; seule la cession à titre onéreux de lits et de places qui avait lieu directement entre établissements est exclue. L’ordonnance du 15 décembre 2022 confie la cession de lits et de places au Collège réuni. Celui-ci redistribue les lits dont l’agrément a été retiré automatiquement en raison d’une inoccupation de longue durée aux établissements qui le demandent et qui remplissent les exigences de qualité prévues par l’article 7, nouveau, de l’ordonnance du 24 avril 2008.
Contrairement à ce que font valoir les parties requérantes, une telle limitation de la propriété, qui tend à rectifier des erreurs du passé, n’appelle pas une indemnisation équitable, selon le Collège réuni. La fin de la possibilité de cession de lits et de places entre établissements du même type est nécessaire à la mise en place d’un mécanisme d’attribution objective de lits et de places agréés. La suppression des cessions permet également d’instaurer un système de sélection comparatif pour tous les nouveaux dossiers de demande.
L’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’emporte pas non plus de restriction disproportionnée.
La partie requérante dans l’affaire n° 8069 prétend, à tort, que l’exploitation de centres de soins résidentiels privés à but lucratif est compromise. Les lits inoccupés ne sont pas financés et l’expiration des agréments n’a aucune incidence économique sur les exploitants des établissements. Il ne peut pas non plus être admis que les lits inoccupés répondront à un besoin futur pour lutter contre le vieillissement croissant de la population. Le constat est que le nombre de lits occupés à Bruxelles-Capitale n’a pas augmenté depuis dix ans.
Selon le Collège réuni, le « business case » des parties requérantes dans l’affaire n° 8070 ne convainc pas non plus. Premièrement, les parties requérantes considèrent erronément qu’un projet immobilier consacré aux soins aurait un taux d’occupation de 95 % « en vitesse de croisière ». La réalité démontre qu’un tel taux d’occupation n’est pas atteint. Le Collège réuni n’aperçoit pas non plus en quoi un potentiel économique peut être lié à des lits inoccupés. À supposer que seuls 60 lits sur 100 soient occupés, l’exploitant ne recevra un financement forfaitaire que pour ces 60 lits, quel que soit le nombre de lits agréés dans l’établissement.
Selon le Collège réuni, les dispositions attaquées n’entraînent manifestement pas une ingérence disproportionnée dans le droit de propriété.
A.18. Selon la partie requérante dans l’affaire n° 8069, le raisonnement du Collège réuni va à l’encontre des objectifs liés aux soins de qualité aux aînés et à leur accessibilité. Le retrait des agréments a pour effet de limiter les choix des aînés à l’avenir et ne réduit pas le risque financier pour la Commission communautaire commune.
Par ailleurs, le secteur privé à but lucratif perd définitivement un potentiel de revenus, étant donné que, même si de nouvelles personnes âgées se présentent dans ses établissements, ceux-ci ne pourraient pas leur proposer une place agréée.
A.19.1. Tout d’abord, les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 observent que la thèse du Collège réuni selon laquelle l’agrément n’est pas un droit réel, mais une autorisation administrative, n’est étayée en aucune manière. Pour que le droit de propriété, tel qu’il est protégé par l’article 16 de la Constitution et par l’article 1er
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du Premier Protocole additionnel, soit applicable, il suffit qu’il soit question d’un élément patrimonial qui fait l’objet d’une ingérence des pouvoirs publics.
A.19.2.1. En ce qui concerne l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 allèguent quant au fond que la défense du Collège réuni se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle les effets de la crise de COVID peuvent être limités à l’année 2020 et que les taux d’occupation en juillet 2022 n’étaient plus influencés par la COVID. En outre, la crise de COVID a suscité une grande réticence chez les personnes âgées à s’installer dans un établissement pour aînés. Les nombreuses mesures privatives de liberté et le règlement très strict des visites ont dissuadé les aînés et leurs familles. Le Collège réuni n’établit pas clairement le mode de calcul du taux d’occupation pendant la période de référence, parce qu’il n’est précisé nulle part quand un lit agréé est qualifié d’« inoccupé ». On ne sait donc pas si un lit est considéré comme inoccupé parce qu’il était inoccupé le jour – choisi arbitrairement – où le contrôle a eu lieu ou parce qu’il était inoccupé pour une période déterminée.
En ce qui concerne l’incidence économique, l’expiration de la moitié des lits inoccupés aura une grande incidence sur le potentiel économique des établissements pour aînés. L’expiration des agréments dévalorise énormément les infrastructures immobilières. Une certaine inoccupation est utile voire nécessaire, parce qu’il est logique que certaines chambres soient inoccupées pour assurer un fonctionnement optimal de l’offre de tous les types de chambres, de manière à pouvoir proposer un choix.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 reconnaissent que la thèse du Collège réuni est correcte en ce sens qu’un lit inoccupé ne rapporte pas d’argent. Cet argument n’est toutefois pas pertinent, parce que la contestation porte en l’espèce sur le fait que ce lit qui est agréé, mais qui est encore inoccupé, peut rapporter de l’argent s’il venait à être occupé à l’avenir. Tel sera très probablement le cas, puisque le taux d’occupation des établissements pour aînés bruxellois augmentera en raison du vieillissement futur de la population, même si l’on conserve le nombre de lits qui sont agréés à ce jour.
A.19.2.2. En ce qui concerne les articles 9, c), et 10, a), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 répètent que la suppression de la possibilité de céder des lits ou des places viole le droit de propriété. La thèse du Collège réuni selon laquelle la possibilité de cession permettait « au plus offrant d’obtenir des lits et des places supplémentaires sans le moindre contrôle du Collège réuni » est manifestement inexacte. La Commission communautaire commune elle-même devait approuver la cession et une telle approbation prenait la forme d’une nouvelle demande d’ASMESE, à laquelle était joint le contrat de cession. En outre, une inspection de l’établissement avait lieu préalablement.
Le plafond de 50 % et l’interdiction simultanée de céder des lits à titre onéreux entre établissements privent le secteur privé à but lucratif de tout moyen de tempérer l’incidence économique importante causée par l’ordonnance du 15 décembre 2022.
L’argument du Collège réuni selon lequel aucune indemnisation équitable ne serait requise parce que la limitation du droit propriété tend à rectifier des erreurs du passé ne peut pas être suivi. Selon les parties requérantes dans l’affaire n° 8070, il est curieux que le Collège réuni se prévale de ses propres erreurs pour justifier pourquoi il faudrait tolérer des limitations importantes du droit de propriété, sans la moindre indemnisation.
A.20. Le Collège réuni répète que seuls les agréments des lits structurellement inoccupés expirent. En outre, ces agréments déchus peuvent être réaffectés dans les établissements du secteur public et du secteur privé à but non lucratif. Par ailleurs, les aînés optent de plus en plus pour d’autres formes de soins et de soutien. Enfin, des soins de qualité appellent une affectation des ressources disponibles aussi efficace que possible.
Eu égard à la sous-occupation structurelle sur l’ensemble des secteurs, la plupart des agréments expirés le resteront. De ce fait, les crédits budgétaires réservés pour ces places agréées peuvent être affectés à d’autres fins dans le cadre des soins aux aînés. Les gestionnaires ont d’ailleurs encore le temps pour prendre leurs dispositions et faire en sorte que les lits inoccupés soient occupés.
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En ce qui concerne la violation du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine
A.21. Le quatrième moyen invoqué par la partie requérante dans l’affaire n° 8069 concerne la violation de l’article 23 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution. L’ordonnance attaquée viole le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Le nombre de places agréées dans les établissements pour aînés baisse, ce qui signifie qu’à terme, la capacité d’accueil des établissements pour aînés va baisser; elle n’augmentera à nouveau que si les acteurs du secteur public ou du secteur privé à but non lucratif ouvrent de nouveaux établissements et consentent les investissements nécessaires à cette fin.
De plus, l’ordonnance du 15 décembre 2022 prévoit que l’ensemble du secteur commercial peut prendre en charge 50 % maximum du nombre de places disponibles. Cela signifie qu’un grand nombre d’établissements du secteur privé à but lucratif disposeront encore de lits, mais qu’ils ne pourront pas louer ceux-ci s’ils ne sont pas titulaires d’une ASMESE ou d’un agrément, alors même que des personnes souhaiteraient obtenir une telle place, compte tenu du prix et/ou de la qualité et/ou de l’emplacement de cet établissement.
A.22. Le Collège réuni soutient que le niveau de protection de la santé des aînés ne baissera pas à la suite de la diminution du nombre de places agréées. Il s’agit en effet de places structurellement inoccupées. Par ailleurs, seule la moitié des places structurellement inoccupées expire chaque année et les établissements peuvent toujours demander de nouveaux agréments et de nouvelles ASMESE, s’ils en démontrent la nécessité dans leur établissement et s’ils remplissent les conditions de qualité à cet égard. L’expiration des agréments libérera de l’espace dans la programmation. Du reste, le plafond ne diminuera pas la liberté de choix des aînés.
A.23. La partie requérante dans l’affaire n° 8069 répète que le secteur privé à but lucratif est exclu a priori de la possibilité d’obtenir de nouvelles ASMESE et de nouveaux agréments, indépendamment de leurs atouts qualitatifs ou d’éventuels avantages en termes de prix. Cela signifie que le secteur privé à but lucratif dépend des augmentations de capacité dans le secteur public et dans le secteur privé à but non lucratif.
Ensuite, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 répète que la diminution de moitié, chaque année, des places agréées inoccupées se fera relativement vite. Elle souligne encore une fois le danger de tenir compte du taux d’occupation moyen de l’année écoulée au lieu du taux d’occupation réel; le risque est qu’expirent des agréments de lits qui sont pourtant bien occupés à ce moment par de nouveaux résidents.
A.24. Le Collège réuni répète que la réduction de la capacité se fait graduellement et que les établissements ont suffisamment de temps pour veiller à ce que les places inoccupées soient occupées. En outre, l’ordonnance tend à augmenter la qualité des soins aux aînés en Région de Bruxelles-Capitale. Le fait de pouvoir affecter les moyens financiers disponibles au bon endroit est une mesure qui augmentera la qualité.
Rien n’empêche le législateur ordonnanciel d’adapter sa politique à l’avenir s’il s’avérait qu’il faille malgré tout augmenter à nouveau la capacité. En toute hypothèse, le législateur ordonnanciel veillera dans toutes les circonstances à ce que le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine reste garanti.
Quant au fait de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne
A.25. Enfin, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 demande à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne afin de vérifier si les mesures attaquées violent la liberté d’établissement et la libre prestation de services.
A.26. Le Collège réuni observe que la partie requérante dans l’affaire n° 8069 ne propose pas de question préjudicielle, de sorte qu’il ne faut pas accéder à ce moyen.
A.27. Sur le conseil du Collège réuni, la partie requérante propose, dans son mémoire en réponse, une question préjudicielle dans l’affaire n° 8069.
« Le droit de l’Union, et plus particulièrement les articles 49 et 56 du TFUE, doivent-ils être interprétés comme s’opposant à une réglementation dans laquelle les agréments pour des places dans des établissements pour aînés expirent de plein droit sur la base du taux d’occupation moyen de l’année précédente, sans qu’il soit tenu
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compte des résidents hospitalisés, des travaux de rénovation effectués dans les chambres ni de l’inoccupation temporaire des chambres entre deux résidents ? ».
Quant aux mémoires complémentaires
A.28.1. Dans leurs mémoires complémentaires, les parties requérantes soutiennent que le remplacement, par l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023, du régime de suppression attaqué a une incidence très limitée, n’a pas apporté de changements notables et ne répond pas aux critiques que les parties requérantes ont formulées, de sorte que les critiques d’inconstitutionnalité de principe qui ont été invoquées valent toujours pleinement.
A.28.2. En outre, la partie requérante dans l’affaire n° 8069 souscrit au fait que l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008, dans la version issue de sa modification par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, n’a pas produit d’effets juridiques avant son remplacement par l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023. L’expiration de plein droit de la moitié des places inoccupées n’a effectivement été constatée par Iriscare que le 22 avril 2024, avec effet au 15 avril 2024, en application de la nouvelle version de l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008.
Cependant, les parties requérantes observent que l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008, dans la version issue de sa modification par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, a en revanche eu une incidence sur le fonctionnement opérationnel et les décisions y afférentes, dès lors qu’il avait déjà donné lieu à une diminution des investissements.
-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1. L’ordonnance de la Commission communautaire commune du 15 décembre 2022
« modifiant l’ordonnance du 24 avril 2008 relative aux établissements d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées » (ci-après : l’ordonnance du 15 décembre 2022), dont les articles 5, 9°, 9, c), 10, a) et b), et 18 sont attaqués dans les différents recours en annulation, modifie l’ordonnance, précitée, de la Commission communautaire commune du 24 avril 2008.
Elle en modifie également l’intitulé : il s’agit désormais de l’ordonnance « relative aux établissements pour aînés » (ci-après : l’ordonnance du 24 avril 2008).
B.2. L’ordonnance du 24 avril 2008 organise le secteur des établissements pour aînés situés sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, ne relèvent pas de la compétence de la Communauté française ou de la Communauté flamande.
Aux termes de l’article 2, 4°, de cette ordonnance, il faut entendre par « établissements pour aînés » les habitations pour aînés (article 2, 4°, a)), les résidences-services et complexes résidentiels proposant des services (article 2, 4°, b)), les maisons de repos, en ce compris les
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places en maisons de repos et de soins (article 2, 4°, c)), les centres de soins de jour (article 2, 4°, d)), les centres d’accueil de jour et de nuit (article 2, 4°, e) et g)), ainsi que les places de court séjour (article 2, 4°, f)).
B.3.1. L’article 4 de l’ordonnance du 24 avril 2008 habilite le Collège réuni de la Commission communautaire commune (ci-après : le Collège réuni) à arrêter une programmation de tout ou partie des établissements pour aînés, à l’exception des résidences-
services et des complexes résidentiels proposant des services régis par la copropriété forcée.
Cette programmation vise à maîtriser l’évolution de l’offre d’accueil, d’hébergement ou de soins aux aînés en fonction de l’évolution des besoins de la population bruxelloise (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2006-2007, B-102/1, p. 4).
B.3.2. Le Collège réuni n’a jusqu’ici pas adopté de programmation en vertu de l’article 4
précité. L’article 31 de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été remplacé par l’article 34
de l’ordonnance du 15 décembre 2022, permet au Collège réuni, dans l’attente d’une programmation définitive, de fixer, par catégorie d’établissements pour aînés qui peuvent faire l’objet d’une programmation en vertu de l’article 4 précité, le nombre maximal de places pouvant bénéficier d’une autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation (ci-après :
ASMESE). En vertu du même article 31 de l’ordonnance du 24 avril 2008, le Collège réuni doit en tout cas fixer le nombre maximal de places dans les établissements pour aînés, en ce compris celles qui bénéficient d’un agrément spécial pour la prise en charge des aînés fortement dépendants et nécessitant des soins, et de places en centre de soins de jour qui peuvent bénéficier d’une ASMESE. Cette possibilité de limiter le nombre de places pouvant bénéficier d’une ASMESE est qualifiée de « programmation transitoire » et constitue une innovation de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
Par son arrêté du 28 mars 2024 « modifiant l’arrêté du Collège réuni du 4 juin 2009 fixant les procédures de programmation et d’agrément des établissements pour aînés et fixant l’entrée en vigueur de certaines dispositions de l’ordonnance du 15 décembre 2022 modifiant l’ordonnance du 24 avril 2008 relative aux établissements d’accueil ou d’hébergement pour personnes âgées » (ci-après : l’arrêté du 28 mars 2024), le Collège réuni a arrêté une programmation transitoire, limitant le nombre de places en maisons de repos à 12 060
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(article 1er/1 de l’arrêté du Collège réuni de la Commission communautaire commune du 4 juin 2009 « fixant les procédures de programmation et d’agrément des établissements pour aînés »
(ci-après : l’arrêté du 4 juin 2009), tel qu’il a été inséré par l’article 3 de l’arrêté du 28 mars 2024).
B.3.3. Avant l’adoption de l’ordonnance du 15 décembre 2022, le Collège réuni pouvait, en vertu de l’article 32 de l’ordonnance du 24 avril 2008, abrogé par l’article 35 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, accorder des ASMESE en dehors de toute programmation, si ces dernières étaient compatibles avec les protocoles d’accord conclus avec l’autorité fédérale, laquelle était, jusqu’à la sixième réforme de l’État, compétente en matière de règles de base de la programmation en vertu de l’article 5, § 1er, I, 1°, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980).
B.4.1. Le régime des ASMESE est réglé par les articles 6 à 8 de l’ordonnance du 24 avril 2008. Pour pouvoir mettre en service ou exploiter un établissement pour aînés (ou une extension de la capacité d’accueil d’un tel établissement) relevant d’une catégorie pour laquelle le Collège réuni a adopté une programmation définitive ou transitoire (par application de l’article 31 de l’ordonnance du 24 avril 2008), le gestionnaire d’un établissement pour aînés doit obtenir l’autorisation du Collège réuni. Cette autorisation, qui signifie qu’un projet s’insère dans la programmation – définitive ou transitoire –, est qualifiée d’ASMESE (article 6 de l’ordonnance du 24 avril 2008).
B.4.2. L’ASMESE doit fixer le nombre de places pour lequel elle est accordée (article 7, § 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008). Elle perd par ailleurs de plein droit ses effets si, dans les cinq ans de son obtention, le gestionnaire de l’établissement n’introduit pas une demande d’agrément (article 7, § 2, de l’ordonnance du 24 avril 2008).
B.4.3. En principe, l’ASMESE ne peut pas être cédée, que ce soit à titre gratuit ou onéreux (article 7, § 3, alinéa 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008). Toutefois, le Collège réuni peut autoriser la cession d’une ASMESE, uniquement en cas de changement de gestionnaire de l’établissement auquel elle se rapporte et pour autant qu’elle soit concrétisée sur le même site et dans les mêmes conditions et délais que ceux déterminés lors de l’octroi de cette autorisation (article 7, § 3, alinéa 2, de l’ordonnance du 24 avril 2008). L’article 10, d), de l’ordonnance du
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15 décembre 2022 permet au Collège réuni de refuser la cession d’ASMESE, même dans les conditions précitées, notamment si la cession revêt un caractère onéreux ou si elle ne s’inscrit pas dans le cadre de la programmation.
B.4.4. En vertu de l’article 7, § 3/1, de l’ordonnance du 24 avril 2008, l’ASMESE peut, sur demande du gestionnaire, en tout ou en partie, être reconvertie en ASMESE ou agrément d’un autre type d’établissement pour aînés.
B.4.5. Enfin, l’article 7, § 4, de l’ordonnance du 24 avril 2008 prévoit que le Collège réuni peut supprimer ou diminuer le nombre de lits ou places autorisés dans le cadre d’une ASMESE
dans la mesure où ces lits ou places sont structurellement inoccupés durant trois années consécutives après leur mise en service ou exploitation.
B.5.1. Après l’obtention d’une ASMESE, aucun établissement pour aînés ne peut être mis en service ou offrir des services sans avoir été préalablement agréé par le Collège réuni ou sans avoir obtenu une autorisation de fonctionnement provisoire, comme le prévoit l’article 11, § 1er, alinéa 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008.
B.5.2. L’agrément est accordé à un établissement pour aînés par le Collège réuni pour une durée indéterminée (article 11, § 1er, alinéa 2, de l’ordonnance du 24 avril 2008). La décision d’agrément indique le nombre maximal d’aînés pouvant être accueillis dans l’établissement et donc le nombre maximal de places sur lesquelles elle porte (article 11, § 1er, alinéa 3, de l’ordonnance du 24 avril 2008). Pour être agréé, un établissement pour aînés doit être conforme aux normes arrêtées tant par les autorités fédérales compétentes que par le Collège réuni (article 11, § 1er, alinéa 4, de l’ordonnance du 24 avril 2008). Ces normes d’agrément sont détaillées, par catégorie d’établissement, dans l’arrêté du Collège réuni de la Commission communautaire commune du 18 janvier 2024 « fixant les normes d’agrément auxquelles doivent répondre les établissements pour aînés, et les normes spéciales applicables aux groupements et fusions d’établissements ».
B.5.3. L’autorisation de fonctionnement provisoire est accordée par le Collège réuni (article 13 de l’ordonnance du 24 avril 2008). Elle peut être octroyée aux établissements
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disposant d’une ASMESE, pour une période d’un an, renouvelable une fois. Comme l’agrément, elle fixe le nombre maximal d’aînés pouvant être hébergés ou accueillis dans l’établissement. Lorsqu’une demande d’agrément est en cours alors que l’autorisation de fonctionnement provisoire expire, cette dernière peut être prorogée par le Collège réuni (article 14 de l’ordonnance du 24 avril 2008).
B.5.4. Il résulte des dispositions précitées que la procédure permettant la mise en service et l’exploitation d’un établissement pour aînés relevant d’une catégorie soumise à programmation se déroule comme suit : le gestionnaire souhaitant exploiter un établissement doit solliciter une ASMESE, qui vise à vérifier que son projet est compatible avec la programmation (définitive ou transitoire) arrêtée par le Collège réuni. Lorsque l’ASMESE est octroyée, le gestionnaire doit demander l’agrément de son établissement. Dans un premier temps, il bénéficie d’une autorisation de fonctionnement provisoire. Durant cette phase de fonctionnement temporaire, s’il apparaît que l’établissement fonctionne conformément aux règles d’agrément, le Collège réuni lui octroie un agrément à durée indéterminée.
B.6.1. Avant son abrogation par l’article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, lequel est entré en vigueur le 11 avril 2024, l’article 6, alinéa 2, ancien, de l’ordonnance du 24 avril 2008 permettait au Collège réuni de déterminer les conditions dans lesquelles des lits et places pouvaient être cédés entre établissements du même type.
B.6.2. Avant son abrogation par l’article 5 de l’arrêté du 28 mars 2024, l’article 4 de l’arrêté du 4 juin 2009 encadrait cette cession de lits ou de places, qui pouvait se faire à titre onéreux uniquement si le cédant avait acquis lesdites places à titre onéreux. La cession consistait plus précisément en une fermeture, dans l’établissement cédant, d’un certain nombre de places, dont les ASMESE expiraient donc, et en une demande de nouvelles ASMESE, introduite par l’établissement bénéficiant de la cession, portant sur un nombre de places équivalent.
B.7.1. Il ressort de l’exposé des motifs de l’ordonnance du 15 décembre 2022 que celle-ci poursuit explicitement trois objectifs. Premièrement, le législateur ordonnanciel entend tenir compte de la création de l’Office bicommunautaire de la santé, de l’aide aux personnes et des prestations familiales (Iriscare) par l’ordonnance de la Commission communautaire commune
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du 23 mars 2017 « portant création de l’Office bicommunautaire de la santé, de l’aide aux personnes et des prestations familiales ». Deuxièmement, l’ordonnance du 15 décembre 2022
apporte à l’ordonnance du 24 avril 2008 des corrections techniques et urgentes. Troisièmement, l’ordonnance du 15 décembre 2022 modifie le régime des autorisations spécifiques de mise en service et d’exploitation « pour remédier aux dysfonctionnements du régime actuel [...] et tendre vers une meilleure réponse aux besoins des aînés à Bruxelles [...] dans l’attente d’une réforme de plus grande envergure » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/1, p. 2).
Il se déduit encore des travaux préparatoires que l’ordonnance du 15 décembre 2022
poursuit également d’autres objectifs : plus spécifiquement, le législateur ordonnanciel entend garantir le libre choix des aînés en assurant l’accessibilité des établissements, tant en termes financiers qu’en termes de répartition des lits (ibid., p. 3), et vise aussi à réformer le régime des établissements pour aînés afin de maîtriser son incidence budgétaire (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/2, p. 8).
B.7.2. À propos des dysfonctionnements du régime des ASMESE, les travaux préparatoires mentionnent :
« Le régime actuel des ASMESE est source d’inadéquation entre l’offre d’établissements pour aînés et les besoins des aînés, d’une part, et comporte un risque de dépassement budgétaire, d’autre part.
La programmation des établissements pour aînés constitue la pierre angulaire de l’ordonnance du 24 avril 2008. Or, il faut constater que, depuis treize ans, aucune programmation n’a encore été élaborée par le Collège réuni. Les ASMESE ont ainsi été octroyées en dehors du cadre de toute programmation, de sorte qu’au fil des années, s’est formé un important surplus de places qui bénéficient d’une ASMESE mais qui ne sont pas exploitées dans le cadre d’un agrément ou d’une autorisation de fonctionnement provisoire » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/1, p. 2).
B.8.1. Pour remédier à l’excédent des places dans les établissements pour aînés qui ne sont pas exploitées dans le cadre d’un agrément ou d’une autorisation de fonctionnement provisoire bien qu’elles soient couvertes par une ASMESE, mais aussi pour tendre vers une meilleure réponse aux besoins des aînés, ainsi que pour assurer la maîtrise du budget, l’ordonnance du 15 décembre 2022 instaure trois mesures.
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B.8.2. Premièrement, comme il est dit en B.3.2, le Collège réuni est habilité à fixer une programmation transitoire, dans l’attente de la programmation visée à l’article 4 de l’ordonnance du 24 avril 2008, ce qu’il a fait en adoptant l’arrêté du 28 mars 2024.
Ainsi, l’article 31 de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été remplacé par l’article 34
de l’ordonnance du 15 décembre 2022, dispose :
« Dans l’attente d’une programmation arrêtée conformément au chapitre II, le Collège réuni peut fixer, par catégorie d’établissements pour aînés, le nombre maximal de places pouvant bénéficier d’une autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation à l’échelle du territoire de Bruxelles-Capitale. Le Collège réuni fixe en tout cas le nombre maximal de places de maisons de repos, en ce compris celles qui bénéficient d’un agrément spécial pour la prise en charge des aînés fortement dépendants et nécessitant des soins, et de centre de soins de jour qui peuvent bénéficier d’une autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation à l’échelle du territoire de Bruxelles-Capitale ».
La programmation transitoire vise à neutraliser le risque de dépassement budgétaire car « tant que le nombre de places qui bénéficient d’une ASMESE restera supérieur au nombre de places prévues dans la programmation transitoire, aucune nouvelle ASMESE ne sera octroyée »
(ibid., p. 4).
B.8.3. Deuxièmement, l’ordonnance du 15 décembre 2022 introduit des critères qualitatifs pour l’octroi des ASMESE (article 7, § 1er/1, de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été inséré par l’article 10, b), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022), qui permettent d’accroître le contrôle du Collège réuni et d’Iriscare sur la qualité des projets d’ouverture ou d’extension d’établissements pour aînés (ibid., p. 4). Parmi ces critères figure celui du secteur d’appartenance du gestionnaire de l’établissement pour aînés.
L’article 7, § 1er/1, de l’ordonnance du 24 avril 2008 précité dispose :
« Le Collège réuni arrête, sur avis du Conseil de gestion, des modalités supplémentaires de la procédure d’octroi de l’autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation. Il arrête notamment, sur avis du Conseil de gestion, les critères applicables pour l’octroi de l’autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation.
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Les critères visés à l’alinéa 1er portent notamment sur :
1° l’accessibilité financière de l’établissement;
2° la volonté de l’établissement de s’inscrire dans une offre diversifiée de services et de collaborer avec les services existants dans un secteur géographique donné afin d’assurer une continuité de l’aide et des soins aux aînés;
3° l’adéquation du projet de vie d’établissement avec le public bénéficiaire concerné;
4° la participation des aînés, des aidants proches et du personnel à l’organisation de la vie et des soins au sein de l’établissement;
5° le taux d’encadrement de l’établissement en personnel d’entretien, d’aide et de soins;
6° la bonne gestion administrative et financière de l’établissement;
7° la qualité architecturale du projet en ce compris sa structuration en petites unités de vie, son implantation et les moyens mis en œuvre pour contribuer au développement durable;
8° la capacité d’hébergement maximale de l’établissement;
9° la répartition équilibrée de la capacité des établissements sur le territoire de Bruxelles-
Capitale;
10° le secteur d’appartenance du gestionnaire, en vue d’assurer une répartition équilibrée de la capacité des établissements entre le secteur public, le secteur privé à but non lucratif et le secteur privé à but lucratif. En vue de garantir la liberté de choix des aînés entre établissements appartenant aux différents secteurs, et l’accès à des établissements abordables et accessibles, aucune autorisation pour l’exploitation de places de maisons de repos ne sera octroyée aux établissements appartenant au secteur privé à but lucratif, tant que ce secteur représente une part de plus de 50 % du total des places qui sont agréées en tant que places de maison de repos en vertu de la présente ordonnance ou de ses arrêtés d’exécution, en ce compris les places de maisons de repos qui bénéficient d’une autorisation de fonctionnement provisoire. Sans préjudice du principe précédent, le Collège réuni détermine ce qu’il convient d’entendre par ‘ répartition équilibrée ’.
Le Collège réuni peut fixer les modalités des critères visés à l’alinéa précédent, dont la pondération ».
Il s’ensuit que les établissements du « secteur privé à but lucratif » se voient refuser toute nouvelle ASMESE qui porterait sur l’exploitation de places de maisons de repos tant que ce secteur représente plus de 50 % du total des places qui sont agréées en tant que places de
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maisons de repos, en ce compris celles qui bénéficient d’une autorisation de fonctionnement provisoire.
Le « secteur privé à but lucratif » regroupe les « établissements dont le gestionnaire est soit constitué sous la forme d’une personne morale à but lucratif, soit soumis au contrôle d’une société au sens de l’article I:14, § 1er, du Code des sociétés et des associations tout en étant constitué sous la forme d’une personne morale à but non lucratif. Le Collège réuni peut déterminer ce qu’il faut entendre par ‘ soumis au contrôle de ’ [...] » (article 2, 15°, de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été inséré par l’article 5, 9°, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022).
Les travaux préparatoires mentionnent :
« Aujourd’hui, sur le territoire de Bruxelles-Capitale, l’équilibre des places agréées de maisons de repos entre les secteurs est absent, avec une prépondérance de 65 % pour le secteur marchand, contre 20 % pour le secteur public et 15 % pour le secteur privé non-marchand.
Ce déséquilibre a un impact sur la nature de la prestations [sic] de services aux aînés, et peut entraver le choix des personnes qui souhaitent trouver un établissement public ou un établissement à but non lucratif à proximité de leur lieu de résidence » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/1, p. 10).
B.8.4. Troisièmement, pour renforcer le contrôle que le Collège réuni et Iriscare exercent par l’application des critères qualitatifs visés à l’article 7, § 1er/1, de l’ordonnance du 24 avril 2008 aux ASMESE, l’ordonnance du 15 décembre 2022 supprime la possibilité de céder, entre établissements du même type, des lits ou des places autorisés (article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, qui abroge l’alinéa 2 de l’article 6 de l’ordonnance du 24 avril 2008).
Il ressort en effet des travaux préparatoires :
« Pour s’assurer que les ASMESE seront à l’avenir octroyées conformément aux critères qualitatifs prévus par le nouvel article 7, § 1er/1 en projet, cet article met fin aux possibilités de cessions de lits (ou places) autorisés ou agréés entre gestionnaires.
En autorisant, dans les conditions fixées par le Collège réuni, la cession de lits ou de places entre établissements du même type, l’article 6, alinéa 2, de l’ordonnance du 24 avril 2008 avait,
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en réalité, créé un ‘ marché ’ des ‘ lits autorisés ou agréés ’, en particulier depuis l’instauration du moratoire sur les ASMESE et agréments de lits MRPA et MRS.
Étant donné que l’ordonnance ‘ moratoire ’ empêchait l’octroi de nouvelles ASMESE (et de nouveaux agréments), les gestionnaires qui souhaitaient développer un nouveau projet de MRPA(-MRS) devaient, lors de l’introduction de leur demande d’ASMESE, pouvoir démontrer que le nombre de lits autorisés demandés correspondait à une réduction d’autant de lits autorisés dans le chef d’un autre gestionnaire.
Malgré le fait que l’ASMESE ne pouvait pas être cédée en tant que telle (c’est-à-dire en tant qu’autorisation ministérielle), l’opération de cession de places – généralement conclues à titre onéreux, sous la condition suspensive d’obtention d’une ASMESE par le gestionnaire cessionnaire – portait ainsi de facto sur ces ‘ lits autorisés ’ ou autorisations.
Les ‘ lits agréés ’ pouvaient faire l’objet d’une opération analogue, étant entendu que l’opération de cession ne pouvait jamais porter sur l’agrément lui-même, dans la mesure où
l’agrément n’est pas un droit réel mais une autorisation administrative » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/1, pp. 8-9).
B.9. Parallèlement aux trois mesures décrites en B.8.2 à B.8.4, l’ordonnance du 15 décembre 2022 introduit plusieurs autres mesures, parmi lesquelles celle qui consiste en l’expiration de plein droit de l’agrément de la moitié des places agréées mais inoccupées, pour autant que certaines conditions soient remplies.
Concrètement, pour favoriser le développement de projets qui répondent davantage aux besoins des aînés (ibid., p. 13), l’article 15, § 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008, dans la version résultant de son remplacement par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, prévoyait que, lorsqu’un établissement pour aînés, hormis les centres de soins de jour, a un taux d’inoccupation moyen annuel de ses places agréées supérieur à zéro sur une période de référence, les agréments de la moitié des places inoccupées expirent de plein droit. Toutefois, un établissement peut disposer de places inoccupées à hauteur de 5 % de ses places agréées, avec un minimum de trois places agréées inoccupées.
Cette disposition a toutefois été remplacée par l’article 10 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 22 décembre 2023 « portant des dispositions diverses en matière de santé, d’aide aux personnes et de prestations familiales » (ci-après :
l’ordonnance du 22 décembre 2023). Cette disposition reproduit le mécanisme d’expiration de
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plein droit de la moitié des places agréées inoccupées lorsqu’un établissement a un taux moyen annuel d’inoccupation de ses places agréées supérieur à zéro sur une période de référence, mais introduit une dérogation supplémentaire : le nombre des agréments qui expirent de plein droit ne peut être supérieur au nombre moyen de places inoccupées durant le dernier trimestre de l’année précédente.
B.10. L’article 40, alinéa 1er, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, qui a été publiée au Moniteur belge du 30 janvier 2023, fixe l’entrée en vigueur de l’ordonnance au 1er janvier 2023.
L’article 40, alinéa 2, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, tel qu’il a été modifié par l’article 22 de l’ordonnance du 22 décembre 2023, dispose toutefois que les articles 9, c), 10, b), et 36 de l’ordonnance entrent en vigueur à une date fixée par le Collège réuni. En vertu des articles 8 et 10 de l’arrêté du 28 mars 2024, ces trois dispositions sont entrées en vigueur le 11 avril 2024.
L’article 40, alinéa 3, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, tel qu’il a été inséré par l’article 22, 2°, de l’ordonnance du 22 décembre 2023, prévoit que l’article 35 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 est entré en vigueur le 1er mars 2024.
Il en résulte que l’ordonnance du 15 décembre 2022 a produit ses effets le 1er janvier 2023, à l’exception de ses articles 9, c), 10, b), et 36, qui ont produit leurs effets le 11 avril 2024, et de son article 35, qui a produit ses effets le 1er mars 2024.
En ce qui concerne l’intérêt des parties requérantes
B.11. Le Collège réuni relève que l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023
remplace l’article 15, § 1er, de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été remplacé par l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
Selon le Collège réuni, l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’a pas encore trouvé à s’appliquer à la situation des parties requérantes, dès lors qu’au moment de l’introduction du mémoire en réplique, aucune des places agréées n’a encore été déchue de son
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agrément. En ce qu’aucun recours en annulation n’a été introduit contre l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023, le Collège réuni estime que les parties requérantes ne justifient pas de l’intérêt requis à l’annulation de l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
B.12. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.13.1. L’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 dispose :
« L’article 15, § 1er, de la même ordonnance est remplacé comme suit :
‘ § 1er. Dans le présent paragraphe, on entend par “ établissement ”, un établissement qui relève d’une catégorie d’établissements pour laquelle le Collège réuni a arrêté une programmation conformément au chapitre II ou par application de l’article 31, à l’exception des centres de soins de jour.
Si un établissement a un taux d’inoccupation moyen annuel de ses places agréées supérieur à zéro, les agréments de la moitié des places inoccupées expirent de plein droit.
Par dérogation à l’alinéa précédent, tout établissement peut disposer de places inoccupées à hauteur de 5 % de ses places agréées, avec un minimum de trois places agréées inoccupées.
Le minimum de trois places agréées inoccupées est porté à 25 lorsque les places bénéficient d’un agrément spécial pour la prise en charge des aînés fortement dépendants et nécessitant des soins.
Toute augmentation ultérieure de la capacité d’accueil ou d’hébergement doit faire l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation.
Pour l’application de l’alinéa 2, l’expiration est constatée par les services d’Iriscare le 1er janvier de chaque année T sur la base du taux d’inoccupation moyen de l’établissement, tel qu’il est disponible dans l’application de calcul des interventions, pendant la période de référence commençant le 1er juillet de l’année T-2 et se terminant le 30 juin de l’année T-1, où
la première année T se rapporte à l’année 2024.
Le taux d’inoccupation moyen, visé à l’alinéa précédent, est calculé sur la base du nombre moyen pondéré de places de l’établissement pendant la période de référence mentionnée à l’alinéa précédent.
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Le nombre de places inoccupées pour lequel l’agrément doit être considéré comme expiré par application de l’alinéa 2 est, le cas échéant, arrondi à l’unité inférieure.
Le nombre de places inoccupées dont un établissement peut disposer en application de l’alinéa 3 est, le cas échéant, arrondi à l’unité supérieure.
L’alinéa 2 n’est pas d’application pendant les 5 premières années suivant la délivrance de la première autorisation de fonctionnement provisoire de l’établissement, ni pendant les 5 premières années suivant la délivrance d’une autorisation de fonctionnement provisoire portant sur une extension de plus de 20 % de la capacité agréée de l’établissement.
Le Collège réuni peut préciser et compléter les modalités de calcul du taux d’inoccupation moyen des places visé par le présent paragraphe. Il peut modifier le pourcentage et le nombre de places visés à l’alinéa 3. Il peut également modifier les nombres d’années et le pourcentage visés à l’alinéa 9. ’ ».
L’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 prévoit l’expiration automatique, sur une base annuelle, de la moitié des agréments des places agréées inoccupées dans un établissement. Le caractère inoccupé de ces places, durant une période de référence d’un an, tend à indiquer qu’elles ne répondent pas à un besoin (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/1, p. 13). L’expiration des agréments, et donc indirectement des ASMESE portant sur ces places inoccupées, permet, dans le cadre d’une programmation limitant le nombre de places agréées et d’ASMESE disponibles, d’assurer la redistribution desdites places selon une série de critères, lesquels permettent de déterminer l’établissement où ces places répondront le mieux au besoin des aînés.
B.13.2. L’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été modifié par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022, a été remplacé par l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023. La version de l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008
qui est issue de sa modification par l’article 18 de l’ordonnance attaquée n’a donc été en vigueur et n’a pu produire des effets qu’entre le 1er janvier 2023 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 15 décembre 2022) et le 11 janvier 2024 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 décembre 2023).
L’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023 reproduit le mécanisme d’expiration de plein droit de la moitié des places agréées inoccupées lorsqu’un établissement a un taux moyen annuel d’inoccupation de ses places agréées supérieur à zéro sur une période de référence, mais
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introduit une dérogation supplémentaire : le nombre des agréments qui expirent de plein droit ne peut être supérieur au nombre moyen de places inoccupées durant le dernier trimestre de l’année précédente.
B.13.3. L’unique effet que la version de l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008 qui est issue de sa modification par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022
aurait pu produire réside dans l’expiration de plein droit de l’agrément, et donc de l’ASMESE, portant sur la moitié des places inoccupées de chaque établissement pour aînés soumis à une programmation, définitive ou transitoire. Cette expiration aurait dû être constatée par Iriscare le 1er janvier 2024.
Or, à cette date, aucune programmation, qu’elle soit définitive ou transitoire, n’avait été arrêtée par le Collège réuni. Iriscare n’a donc constaté l’expiration d’aucun agrément. Une telle expiration a été notifiée, en application de l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008, dans la version qui est issue de son remplacement par l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023, aux établissements pour aînés en date du 22 avril 2024, avec effet au 15 avril 2024.
L’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’a donc produit aucun effet juridique avant l’entrée en vigueur de la réforme opérée par l’ordonnance du 22 décembre 2023.
B.13.4. Il résulte de ce qui précède que les recours sont sans objet en ce qui concerne l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
Quant au fond
En ce qui concerne la violation du principe d’égalité (premier moyen dans l’affaire n° 8069 et second moyen dans l’affaire n° 8070)
B.14.1. Le premier moyen dans l’affaire n° 8069 est pris de la violation, par les articles 5, 9°, 9, c), 10, a) et b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, des articles 10 et 11 de la
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Constitution, lus en combinaison avec le principe de la non-rétroactivité, avec le principe de la confiance légitime et avec le principe de la sécurité juridique.
La partie requérante dans l’affaire n° 8069 allègue que l’ordonnance attaquée ne poursuit pas un objectif légitime. Elle renvoie à cet égard à trois objectifs distincts : les deux objectifs explicitement visés par le législateur ordonnanciel, qui sont la liberté de choix et les objectifs budgétaires, ainsi que l’objectif véritable, qui est de toucher le secteur commercial et d’avantager le secteur public, aucun de ces objectifs n’étant d’intérêt général. Cette partie requérante allègue ensuite que le critère de distinction n’est pas pertinent pour atteindre les objectifs fixés par le législateur ordonnanciel. La question de savoir si le gestionnaire est public ou privé et agit dans un but de lucre ou non n’a aucune incidence sur le choix d’un individu quant à l’établissement qu’il souhaite occuper. Enfin, la partie requérante observe que le préjudice subi par le secteur commercial est totalement disproportionné et va bien au-delà de ce qui est nécessaire.
B.14.2. Le second moyen dans l’affaire n° 8070 est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 allèguent que la limitation à 50 % du total des places agréées en tant que places de maison de repos pour le secteur privé à but lucratif, telle qu’elle est prévue par l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, a pour effet que ce secteur perdra de nombreux lits qu’il ne pourra pas récupérer. Les différences de traitement entre, d’une part, le secteur privé à but non lucratif et, d’autre part, le secteur public ne sauraient être raisonnablement justifiées. Il n’est pas question d’objectif d’intérêt général.
Enfin, la norme attaquée est disproportionnée : il y a suffisamment de choix, la norme attaquée est contreproductive à moyen terme, le Collège réuni se voit remettre un chèque en blanc pour assurer l’équilibre entre les secteurs, les lits agréés expirent de plein droit, plus aucune cession n’est possible, et les établissements pour aînés subissent un préjudice économique important qui n’est pas compensé.
B.15.1. L’article 5, 9°, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 dispose :
« À l’article 2 de la même ordonnance, modifié par l’ordonnance du 25 avril 2019, les modifications suivantes sont apportées :
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[...]
9° l’article est complété par les points 12° à 15°, rédigés comme suit :
‘ 12° secteur : le secteur public, le secteur privé à but non lucratif ou le secteur privé à but lucratif;
13° secteur public : le secteur composé des établissements dont le gestionnaire a la forme juridique d’une personne morale de droit public ou dont le gestionnaire est une personne morale organisée par une ou plusieurs personnes morales de droit public;
14° secteur privé à but non lucratif : secteur composé des établissements dont le gestionnaire est constitué sous la forme d’une association sans but lucratif ou sous la forme d’une fondation, qui, dans les deux cas, ne sont pas organisées par une ou plusieurs personnes morales de droit public ou qui ne sont pas soumises au contrôle d’une société au sens de l’article I:14, § 1er, du Code des sociétés et des associations. Le Collège réuni peut déterminer ce qu’il faut entendre par “ soumises au contrôle de ”, visé dans la phrase précédente;
15° secteur privé à but lucratif : secteur composé des établissements dont le gestionnaire est soit constitué sous la forme d’une personne morale à but lucratif, soit soumis au contrôle d’une société au sens de l’article I:14, § 1er, du Code des sociétés et des associations tout en étant constitué sous la forme d’une personne morale à but non lucratif. Le Collège réuni peut déterminer ce qu’il faut entendre par “ soumis au contrôle de ”, visé dans la phrase précédente. ’ ».
B.15.2. L’article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 abroge l’alinéa 2, ancien, de l’article 6 de l’ordonnance du 24 avril 2008. Il en résulte que le Collège réuni ne peut plus autoriser les cessions directes de lits ou de places entre établissements, quelles qu’en soient les conditions. Cette disposition vise à mettre fin au « ‘ marché ’ des ‘ lits autorisés ou agréés ’ », et donc à « s’assurer que les ASMESE seront à l’avenir octroyées conformément aux critères qualitatifs prévus par le nouvel article 7, § 1er/1 » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/1, p. 8).
B.15.3. L’article 10, a) et b), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 dispose :
« À l’article 7 de la même ordonnance, modifié par l’ordonnance du 6 décembre 2018, les modifications suivantes sont apportées :
a) au paragraphe 1er, les alinéas 1er à 7 sont remplacés par ce qui suit :
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‘ L’autorisation prévue à l’article 6 est accordée par le Collège réuni sur avis du Conseil de gestion et fixe le nombre de places pour lequel elle est accordée.
L’autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation n’est valable que pour l’établissement situé à l’adresse indiquée dans la demande d’autorisation.
La demande d’autorisation est accompagnée d’un dossier descriptif dont le contenu est arrêté par le Collège réuni, sur avis du Conseil de gestion.
Le Collège réuni accuse réception de la demande dans les quinze jours de sa réception et indique s’il y a lieu les documents complémentaires nécessaires à son examen.
La décision du Collège réuni, prise de l’avis du Conseil de gestion, est notifiée au demandeur dans les 120 jours suivant la réception d’un dossier de demande complet.
Le délai visé à l’alinéa précédent est suspendu pendant les mois de juillet et août. ’
b) entre le paragraphe 1er et le paragraphe 2, il est inséré un paragraphe 1er/1 rédigé comme suit :
‘ § 1er/1. Le Collège réuni arrête, sur avis du Conseil de gestion, des modalités supplémentaires de la procédure d’octroi de l’autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation. Il arrête notamment, sur avis du Conseil de gestion, les critères applicables pour l’octroi de l’autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation.
Les critères visés à l’alinéa 1er portent notamment sur :
1° l’accessibilité financière de l’établissement;
2° la volonté de l’établissement de s’inscrire dans une offre diversifiée de services et de collaborer avec les services existants dans un secteur géographique donné afin d’assurer une continuité de l’aide et des soins aux aînés;
3° l’adéquation du projet de vie d’établissement avec le public bénéficiaire concerné;
4° la participation des aînés, des aidants proches et du personnel à l’organisation de la vie et des soins au sein de l’établissement;
5° le taux d’encadrement de l’établissement en personnel d’entretien, d’aide et de soins;
6° la bonne gestion administrative et financière de l’établissement;
7° la qualité architecturale du projet en ce compris sa structuration en petites unités de vie, son implantation et les moyens mis en œuvre pour contribuer au développement durable;
8° la capacité d’hébergement maximale de l’établissement;
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9° la répartition équilibrée de la capacité des établissements sur le territoire de Bruxelles-
Capitale;
10° le secteur d’appartenance du gestionnaire, en vue d’assurer une répartition équilibrée de la capacité des établissements entre le secteur public, le secteur privé à but non lucratif et le secteur privé à but lucratif. En vue de garantir la liberté de choix des aînés entre établissements appartenant aux différents secteurs, et l’accès à des établissements abordables et accessibles, aucune autorisation pour l’exploitation de places de maisons de repos ne sera octroyée aux établissements appartenant au secteur privé à but lucratif, tant que ce secteur représente une part de plus de 50 % du total des places qui sont agréées en tant que places de maison de repos en vertu de la présente ordonnance ou de ses arrêtés d’exécution, en ce compris les places de maisons de repos qui bénéficient d’une autorisation de fonctionnement provisoire. Sans préjudice du principe précédent, le Collège réuni détermine ce qu’il convient d’entendre par “ répartition équilibrée ”.
Le Collège réuni peut fixer les modalités des critères visés à l’alinéa précédent, dont la pondération. ’ ».
B.16. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.17.1. Les mesures mises en place par les articles 9, c), et 10, a) et b), attaqués, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 visent à rendre la maîtrise au Collège réuni sur la répartition de l’offre des lits et places dans les établissements pour aînés soumis à la programmation.
Par l’ordonnance du 15 décembre 2022, le législateur ordonnanciel a entendu remédier aux dysfonctionnements du régime antérieur applicable aux établissements pour aînés. Le législateur ordonnanciel a d’abord voulu répondre de la manière la plus adéquate possible aux besoins des aînés et garantir leur liberté de choix, en assurant la qualité et l’accessibilité financière des établissements, leur répartition géographique et leur répartition entre les différents secteurs public, associatif et commercial. Le législateur ordonnanciel a également
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souhaité assurer le caractère finançable du système en limitant son incidence budgétaire et en permettant aux pouvoirs publics de récupérer la maîtrise de l’offre des places dans les établissements pour aînés.
B.17.2. Pour ce faire, le législateur ordonnanciel a mis en place un système qui peut se résumer comme suit : d’abord, la moitié des places agréées qui sont inoccupées voient leur agrément expirer de plein droit, sur une base annuelle (article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008, tel qu’il a été modifié par l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022 et par l’article 10 de l’ordonnance du 22 décembre 2023).
Cette expiration d’office permet au Collège réuni de redistribuer les places à d’autres établissements, en fonction d’une série de critères qualitatifs fixés par l’article 10, b), attaqué, de la même ordonnance. Parmi ces critères figure le secteur d’appartenance des établissements sollicitant l’octroi d’une ASMESE pour des places en maisons de repos. En outre, pour assurer que la distribution des places soit effectivement soumise aux critères arrêtés par le législateur ordonnanciel, ce dernier a prévu que la cession directe des lits et places entre établissements de même type n’est plus possible (article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022) et que la cession d’ASMESE, qui n’est possible que dans le cas d’un changement de gestionnaire d’un établissement pour aînés, peut être refusée par le Collège réuni « notamment si elle revêt un caractère onéreux » (article 10, d), de l’ordonnance du 15 décembre 2022).
B.17.3. Toutefois, les articles 5, 9°, 9, c), et 10, a), attaqués, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’opèrent aucune distinction entre les établissements pour aînés dans le secteur des soins aux personnes âgées, de sorte que les dispositions attaquées sont applicables à tous les établissements du secteur public, aux établissements du secteur privé à but non lucratif ainsi qu’aux établissements du secteur privé à but lucratif.
Le moyen relatif à la violation du principe d’égalité n’est dès lors pas fondé en ce qui concerne les articles 5, 9°, 9, c), et 10, a), attaqués, de l’ordonnance du 15 décembre 2022.
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B.18.1. L’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 fait naître une différence de traitement entre les établissements relevant du secteur privé à but lucratif, qui ne pourront plus se voir attribuer des ASMESE tant qu’ils représenteront plus de 50 % du total des places agréées comme places en maisons de repos, et les établissements relevant des autres secteurs, lesquels ne sont pas soumis à ce refus de nouvelles ASMESE.
B.18.2. Le Collège réuni allègue que les établissements qui relèvent du secteur public et du secteur privé à but non lucratif, d’une part, et les établissements qui relèvent du secteur privé à but lucratif, d’autre part, ne sont pas comparables. Les établissements relevant du secteur privé à but lucratif sont soumis au contrôle des sociétés au sens de l’article I:14, § 1er, du Code des sociétés et des associations et ont pour objectif de réaliser des bénéfices grâce aux soins aux personnes âgées pour les redistribuer à leurs actionnaires, ce qui n’est pas le cas des établissements relevant du secteur public ou du secteur privé à but non lucratif.
B.18.3. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. Le caractère lucratif ou non lucratif d’un établissement de soins aux personnes âgées peut certes constituer un élément dans l’appréciation du caractère raisonnable et proportionné d’une différence de traitement, mais il ne suffit pas pour conclure à la non-comparabilité, sous peine de priver de sa substance le contrôle qui est exercé au regard du principe d’égalité et de non-discrimination.
Contrairement à ce que soutient le Collège réuni, les catégories d’établissements susmentionnées sont comparables, dès lors qu’il s’agit dans les deux cas d’établissements qui accueillent des personnes âgées.
B.19. Les objectifs du législateur ordonnanciel, mentionnés en B.17.1, sont légitimes.
B.20.1. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir le secteur dont relèvent les établissements et, partant, le fait qu’ils poursuivent ou non un but de lucre.
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B.20.2. Le législateur ordonnanciel peut raisonnablement veiller à répartir équitablement le nombre de places en maison de repos disponibles dans les établissements. La circonstance qu’il soit prévu en l’espèce une limitation du nombre de places en maison de repos disponibles pour le secteur privé à but lucratif est justifiée par les objectifs poursuivis par le législateur ordonnanciel.
Il n’est en effet pas dépourvu de justification raisonnable de pratiquer une politique qui tend notamment à la maîtrise des dépenses publiques et qui, à cette fin, décourage le développement excessif d’établissements poursuivant un but de lucre. De même, il n’est pas dépourvu de justification raisonnable de s’assurer que les établissements du secteur privé à but lucratif ne concentrent au maximum que la moitié des places agréées et donc que les établissements des secteurs public et privé à but non lucratif disposent, ensemble, de l’autre moitié des places, en vue de permettre aux aînés d’opter pour un établissement relevant du secteur de leur choix, ainsi que de leur assurer l’accessibilité financière des établissements.
Eu égard à ces considérations et au fait que le refus d’attribution de nouvelles ASMESE
aux établissements du secteur privé à but lucratif tant qu’ils représentent plus de la moitié des places agréées est limité aux places en maisons de repos, à l’exclusion de tous les autres types d’établissements, la différence de traitement qui résulte de l’article 10, b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 est raisonnablement justifiée.
B.21.1. En ce qui concerne la violation alléguée du principe de la confiance légitime, du principe de la sécurité juridique et du principe de la non-rétroactivité, il résulte de ce qui est dit en B.10 que l’article 10, b), attaqué, ne produit des effets qu’à partir du 11 avril 2024.
Une règle ne peut être qualifiée de rétroactive que si elle s’applique à des faits, actes et situations qui étaient définitifs au moment où elle est entrée en vigueur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, si le législateur ordonnanciel estime qu’un changement de politique s’impose, il peut décider de lui donner un « effet immédiat » et il n’est pas tenu, en principe, de prévoir un régime transitoire. Les articles 10 et 11 de la Constitution ne sont violés que si le régime
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transitoire ou l’absence d’un tel régime entraîne une différence de traitement non susceptible de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Tel est le cas lorsqu’il est porté atteinte aux attentes légitimes d’une catégorie de justiciables sans qu’un motif impérieux d’intérêt général puisse justifier l’absence d’un régime transitoire.
B.21.2. En instaurant la mesure selon laquelle les établissements pour aînés relevant du secteur privé à but lucratif ne pourront plus se voir attribuer des ASMESE tant qu’ils représenteront plus de 50 % du total des places agréées comme places de maison de repos dans les établissements pour aînés, la disposition attaquée ne porte pas atteinte à des attentes légitimes de ces établissements pour aînés qui l’emporteraient sur les objectifs légitimes mentionnés en B.17.1, et elle est raisonnablement justifiée (B.20.2).
B.21.3. Il ressort de ce qui précède que la disposition attaquée, en ce qu’elle a un effet immédiat, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la confiance légitime, avec le principe de la sécurité juridique et avec le principe de la non-rétroactivité.
B.22. Le premier moyen dans l’affaire n° 8069 et le second moyen dans l’affaire n° 8070
ne sont pas fondés.
En ce qui concerne la violation de la liberté d’établissement, de la libre prestation des services et de la liberté d’entreprendre (deuxième moyen dans l’affaire n° 8069)
B.23. La partie requérante dans l’affaire n° 8069 prend un deuxième moyen de la violation, par les articles 5, 9°, 9, c), et 10, a) et b), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d’établissement (article 49 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE)) et la libre prestation des services (article 56 du TFUE) garanties par le droit de l’Union européenne, avec la liberté d’entreprendre, avec les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, avec l’article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises juncto l’article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale du 8 août 1980, ainsi qu’avec l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après : la Charte).
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Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, des objectifs économiques ne sauraient en principe justifier une entrave aux libertés de l’Union. La Cour de justice a toutefois reconnu qu’une atteinte grave à l’équilibre financier du régime de sécurité sociale peut constituer un motif impérieux d’intérêt général susceptible de justifier une limitation des libertés de l’Union. Selon la partie requérante dans l’affaire n° 8069, le législateur ordonnanciel n’a, à aucun moment, pu démontrer ni chiffrer, même de manière approximative, qu’il serait question d’un grave déséquilibre financier ou que la limitation des agréments et des autorisations pour le secteur commercial pourrait remédier à un tel déséquilibre.
B.24.1. Les articles 56 et 57 du TFUE portent sur la libre prestation des services.
L’article 56 du TFUE dispose :
« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation.
Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent étendre le bénéfice des dispositions du présent chapitre aux prestataires de services ressortissants d’un État tiers et établis à l’intérieur de l’Union ».
L’article 57 du TFUE dispose :
« Au sens des traités, sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.
Les services comprennent notamment :
a) des activités de caractère industriel,
b) des activités de caractère commercial,
c) des activités artisanales,
d) les activités des professions libérales.
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Sans préjudice des dispositions du chapitre relatif au droit d’établissement, le prestataire peut, pour l’exécution de sa prestation, exercer, à titre temporaire, son activité dans l’État membre où la prestation est fournie, dans les mêmes conditions que celles que cet État impose à ses propres ressortissants ».
B.24.2. En principe, les dispositions du TFUE en matière de libre prestation des services ne trouvent pas à s’appliquer à une situation dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (CJUE, 3 décembre 2020, C-62/19, Star Taxi App SPRL, ECLI:EU:C:2020:980, point 71).
B.25.1. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice que la libre prestation des services consacrée par l’article 56 du TFUE couvre « toutes les prestations qui ne sont pas offertes de manière stable et continue, à partir d’un domicile professionnel dans l’État membre de destination » (CJUE, 23 février 2016, C-179/14, Commission c. Hongrie, ECLI:EU:C:2016:108, point 150). Au contraire, dès lors qu’un opérateur entend exercer, de manière effective, son activité économique au moyen d’une installation stable et pour une durée indéterminée, sa situation doit être examinée à l’aune de la liberté d’établissement, telle que définie à l’article 49 du TFUE (CJUE, 14 novembre 2018, C-342/17, Memoria Srl, ECLI:EU:C:2018:906, point 44).
B.25.2. Les établissements pour aînés, tels que définis par l’article 2, 4°, de l’ordonnance du 24 avril 2008, constituent des infrastructures stables à partir desquelles la fourniture de services aux aînés est réellement assurée. Par conséquent, quel que soit l’État membre dans lequel le prestataire de services qui exploite des établissements pour aînés situés dans la Région de Bruxelles-Capitale est principalement établi, ce prestataire dispose par définition d’un établissement en Belgique.
Il découle de ce qui précède que les articles 5, 9°, 9, c), et 10, a) et b), attaqués, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 ne constituent pas des restrictions à la libre prestation des services fournis par les ressortissants des États membres (ou par les personnes morales assimilées à des ressortissants de l’Union par l’article 54 du TFUE) établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation, et échappent donc au champ d’application des articles 56 et 57 du TFUE.
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B.26. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 8069 n’est pas fondé en ce qu’il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 56 et 57
du TFUE.
B.27. La Cour doit encore examiner si les articles 5, 9°, 9, c), et 10, a) et b), attaqués, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 portent atteinte aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d’entreprendre des gestionnaires des établissements pour aînés.
B.28.1. La loi du 28 février 2013, qui a introduit l’article II.3 du Code de droit économique, a abrogé le décret dit d’Allarde des 2-17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d’industrie, a régulièrement servi de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.28.2. La liberté d’entreprendre, visée par l’article II.3 du Code de droit économique, doit s’exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code).
La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l’Union européenne applicables, ainsi qu’avec l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, dès lors qu’il s’agit d’une règle répartitrice de compétences.
Enfin, la liberté d’entreprendre est également garantie par l’article 16 de la Charte.
B.28.3. La liberté d’entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l’activité économique des personnes et des entreprises. Celui-ci n’interviendrait de manière déraisonnable que s’il limitait la liberté d’entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
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La liberté d’entreprise « doit être prise en considération par rapport à sa fonction dans la société ». Elle peut dès lors « être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique » (CJUE, grande chambre, 22 janvier 2013, C-283/11, Sky Österreich GmbH, ECLI:EU:C:2013:28, points 45 et 46; grande chambre, 21 décembre 2016, C-201/15, AGET
Iraklis, ECLI:EU:C:2016:972, points 85 et 86).
B.29. La Cour doit examiner si les articles 5, 9°, 9, c), et 10, a) et b), attaqués, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 limitent la liberté d’entreprendre des gestionnaires des établissements pour aînés sans nécessité ou de manière disproportionnée au but poursuivi par le législateur ordonnanciel.
B.30.1. Comme il est dit en B.7.1 et en B.17.1, il ressort des travaux préparatoires que l’ordonnance du 15 décembre 2022 poursuit plusieurs objectifs. Le législateur ordonnanciel a entendu remédier aux dysfonctionnements du régime antérieur applicable aux établissements pour aînés. Le législateur ordonnanciel a d’abord voulu répondre de la manière la plus adéquate possible aux besoins des aînés et garantir leur liberté de choix, en assurant la qualité et l’accessibilité financière des établissements, leur répartition géographique et leur répartition entre les différents secteurs public, associatif et commercial. Le législateur ordonnanciel a également souhaité assurer le caractère finançable du système en limitant son incidence budgétaire et en permettant aux pouvoirs publics de récupérer la maîtrise de l’offre des places dans les établissements pour aînés.
B.30.2. Les objectifs spécifiques de chacune de ces dispositions peuvent se résumer comme suit.
B.30.3. L’article 5, 9°, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 contient une définition des notions de « secteur », de « secteur public », de « secteur privé à but non lucratif »
et de « secteur privé à but lucratif ». Le législateur ordonnanciel entendait « insérer [...] une définition autonome du secteur public, du secteur privé à but non lucratif et du secteur privé à but lucratif » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-
2023, B-132/1, p. 7).
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B.30.4. L’article 10, a), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 attribue au Collège réuni la compétence relative à l’octroi des ASMESE. Le Collège réuni répartit les lits dont l’agrément a été retiré automatiquement en raison d’une inoccupation structurelle, entre les établissements qui le demandent et qui remplissent les exigences de qualité de l’article 7, nouveau, de l’ordonnance du 24 avril 2008.
B.30.5. L’article 10, b), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 vise à déterminer les critères qualitatifs que le Collège réuni doit prendre en compte lors de la procédure d’octroi d’une ASMESE. Ces critères visent entre autres l’accessibilité financière de l’établissement, la répartition géographique des places, la taille des établissements ou l’adéquation du projet de vie de l’établissement avec le public bénéficiaire concerné. Cette disposition prévoit également qu’en ce qui concerne les places en maisons de repos, le secteur dont relève l’établissement qui demande une ASMESE est un critère à prendre en compte : tant que les établissements du secteur privé à but lucratif représenteront plus de la moitié des places agréées comme places en maisons de repos, aucune nouvelle ASMESE ne leur sera accordée. Ce dernier critère est justifié par les considérations suivantes :
« Le critère relatif à la répartition équilibrée de la capacité sur le territoire de Bruxelles-
Capitale doit permettre de créer des places où celles-ci sont géographiquement nécessaires.
Le critère relatif à la répartition équilibrée de la capacité des établissements appartenant au secteur public, au secteur privé à but non lucratif et au secteur privé à but lucratif doit permettre d’offrir aux aînés un libre choix entre les établissements du secteur public, du secteur non-
marchand et du secteur marchand, et pour rétablir l’équilibre entre les établissements des trois secteurs.
Aujourd’hui, sur le territoire de Bruxelles-Capitale, l’équilibre des places agréées de maisons de repos entre les secteurs est absent, avec une prépondérance de 65 % pour le secteur marchand, contre 20 % pour le secteur public et 15 % pour le secteur privé non-marchand.
Ce déséquilibre a un impact sur la nature de la prestations de services aux aînés, et peut entraver le choix des personnes qui souhaitent trouver un établissement public ou un établissement à but non lucratif à proximité de leur lieu de résidence.
À cet égard, l’avant-projet d’ordonnance prévoyait qu’aucune nouvelle ASMESE ne pourrait être octroyée au secteur marchand, tant que ce secteur représenterait plus de 50 % de la capacité totale de tous les établissements agréés en vertu de l’ordonnance du 24 avril 2008.
Il ressort toutefois de l’avis du Conseil de gestion de la Santé et de l’Aide aux personnes
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d’Iriscare du 22 février 2022 que ce dispositif avait notamment pour effet que les maisons de repos du secteur marchand se verraient privés de la possibilité d’obtenir une ASMESE
supplémentaire dite ‘ MRS ’ (pour maison de repos et de soins) sur leurs places de maison de repos qui sont occupées par des résidents présentant un profil de dépendance dit ‘ lourd ’, afin d’en améliorer le taux d’encadrement en personnel soignant et de réactivation. Pour éviter toute discrimination entre les résidents des établissements des secteurs public, privé non-marchand et marchand quant à l’encadrement auquel ils peuvent prétendre en fonction de leur profil de dépendance, le dispositif précité a été limité aux ASMESE qui portent sur des places de ‘ maisons de repos ’. Dans le dispositif tel qu’adapté suite à l’avis précité du 22 février 2022, les établissements du secteur marchand peuvent donc prétendre à la requalification de leurs places de maisons de repos en places de maisons de repos et de soins, au même titre que les établissements des secteurs public et privé non-marchand (c’est-à-dire dans le respect des critères qualitatifs prévus par le nouvel article 7, § 1er/1 en projet et sous réserve de places disponibles dans la programmation (le cas échéant, la programmation transitoire)) » (ibid., pp. 10-11).
B.30.6. Avant sa modification par l’article 9 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, l’article 6 de l’ordonnance du 24 avril 2008 disposait :
« Il est interdit de mettre en service ou d’exploiter un nouvel établissement visé à l’article 2, 4°, ou de mettre en service ou d’exploiter une extension de la capacité d’accueil ou d’hébergement d’un de ces établissements existants sans y être autorisé par le Collège réuni, si l’établissement concerné entre dans une catégorie d’établissements pour laquelle le Collège réuni a arrêté une programmation conformément au chapitre II. L’autorisation prévue à l’alinéa 1er, qui signifie qu’un projet s’insère dans la programmation, est appelée ‘ autorisation spécifique de mise en service et d’exploitation ’.
Pour l’application de l’alinéa 1er, le Collège réuni peut, de l’avis de la section, arrêter les conditions de cession de lits ou de places entre établissements du même type ».
L’article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 abroge l’alinéa 2, ancien, de l’article 6 de l’ordonnance du 24 avril 2008. Il en résulte que le Collège réuni ne peut plus autoriser les cessions directes de lits ou de places entre établissements, quelles qu’en soient les conditions. Cette disposition vise à mettre fin au « ‘ marché ’ des ‘ lits autorisés ou agréés ’ », et donc à « s’assurer que les ASMESE seront à l’avenir octroyées conformément aux critères qualitatifs prévus par le nouvel article 7, § 1er/1 » (ibid., p. 8).
B.31.1. L’abrogation de l’alinéa 2, ancien, de l’article 6 de l’ordonnance du 24 avril 2008
par l’article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’a pas pour effet de rendre
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impossible la redistribution des lits et des places : elle ne fait obstacle qu’à leur cession directe.
Il sera par conséquent toujours possible, pour les établissements pour aînés, de se voir attribuer de nouveaux lits ou de nouvelles places agréés, s’ils en font la demande auprès du Collège réuni.
B.31.2. Cette disposition ne fait pas obstacle, de manière absolue, à l’augmentation de la capacité d’accueil des établissements pour aînés. Cette disposition ne porte pas plus atteinte à l’activité économique principale des établissements pour aînés, laquelle consiste, en fonction du type d’établissement, à accueillir, héberger ou soigner les aînés et non à vendre et acheter des places et des lits.
B.31.3. Il résulte de ce qui précède que l’article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’impose pas de limitation disproportionnée à la liberté d’entreprendre des gestionnaires d’établissements pour aînés.
B.31.4. Certes, combinée au refus d’octroi de nouvelles ASMESE aux établissements pour aînés relevant du secteur privé tant que ces derniers représentent plus de la moitié du total des places agréées en maisons de repos, cette mesure pèse particulièrement sur les maisons de repos appartenant au secteur commercial.
Toutefois, la différence de traitement qui résulte de la combinaison des articles 9, c), et 10, a) et b), est raisonnablement justifiée, dans la mesure où, d’une part, elle est limitée aux maisons de repos du secteur privé à but lucratif, à l’exclusion des autres types d’établissements pour aînés relevant de ce même secteur, et où, d’autre part, elle participe de manière décisive à l’objectif de récupération par les pouvoirs publics de la maîtrise de l’offre à destination des aînés.
B.32. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 8069 n’est pas fondé.
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En ce qui concerne la violation du droit de propriété (troisième moyen dans l’affaire n° 8069 et premier moyen dans l’affaire n° 8070)
B.33.1. La partie requérante dans l’affaire n° 8069 prend un troisième moyen de la violation, par les articles 9, c), et 10, a), de l’ordonnance du 15 décembre 2022, de l’article 16
de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel).
Les ASMESE et les agréments comporteraient l’attente légitime que le gestionnaire pourrait exploiter ceux-ci à l’avenir, même si tel n’était temporairement pas le cas et que la place était inoccupée. L’incidence de la privation de propriété serait disproportionnée, étant donné que le retrait de l’agrément prive le gestionnaire de toute possibilité d’exploitation, et ce, alors que toute l’infrastructure des établissements a été créée en vue de l’exploitation de ces places agréées. Le retrait abrupt des agréments priverait de tout fondement les décisions d’investissement antérieures.
B.33.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 8070 prennent un premier moyen de la violation de l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel. L’expiration automatique annuelle, en vertu de l’article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022, de la moitié des lits agréés inoccupés produirait des effets manifestement disproportionnés, compte tenu de l’incidence économique considérable pour les parties requérantes.
En outre, l’interdiction de cession de lits agréés violerait le droit de propriété. Les établissements pour aînés pouvaient auparavant légitiment s’attendre à pouvoir, sous certaines conditions, céder des lits à un autre établissement contre rémunération. Ils seraient à présent privés de cette possibilité.
B.34.1. L’article 16 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
B.34.2. L’article 1er du Premier Protocole additionnel dispose :
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« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
B.34.3. L’article 1er du Premier Protocole additionnel ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les garanties qu’il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle des dispositions attaquées.
B.35.1. La possibilité, supprimée, de cession de lits agréés entre les établissements pour aînés constitue un élément patrimonial, dès lors que même un lit agréé inoccupé a une valeur, à savoir la valeur des revenus futurs que ce lit produira lorsqu’il sera occupé.
B.35.2. L’expiration de plein droit des agréments (article 18 de l’ordonnance du 15 décembre 2022) permet au Collège réuni de redistribuer les places à d’autres établissements, en fonction d’une série de critères qualitatifs fixés par l’article 10, b), attaqué, de la même ordonnance. Parmi ces critères figure le secteur d’appartenance des établissements sollicitant l’octroi d’une ASMESE pour des places dans un établissement pour aînés. En outre, pour assurer que la distribution des places soit effectivement soumise aux critères arrêtés par le législateur ordonnanciel, ce dernier a prévu que la cession directe de lits et de places entre établissements du même type n’est plus possible (article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022).
B.35.3. Comme il est dit en B.13.3, l’unique effet que la version de l’article 15 de l’ordonnance du 24 avril 2008 qui est issue de sa modification par l’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 aurait pu produire réside dans l’expiration de plein droit de l’agrément, et donc de l’ASMESE, portant sur la moitié des places inoccupées de chaque établissement pour aînés soumis à une programmation, définitive ou transitoire. Cette expiration aurait dû être constatée par Iriscare le 1er janvier 2024. Cependant, dès lors que le
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Collège réuni n’avait encore arrêté aucune programmation, définitive ou transitoire, à cette date, Iriscare n’a pu constater l’expiration d’aucun agrément.
L’article 18, attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’a donc pas produit d’effets juridiques avant l’entrée en vigueur de la réforme opérée par l’ordonnance du 22 décembre 2023, de sorte que le moyen, en ce qu’il porte sur l’expiration automatique des agréments, n’a plus d’objet.
B.36.1. En ce qui concerne la possible cession des lits agréés, la cession directe de lits ou de places entre établissements ne peut plus être autorisée, qu’elles qu’en soient les conditions (article 9, c)). Selon le législateur ordonnanciel, il convenait de mettre fin au « ‘ marché ’ des ‘ lits autorisés ou agréés ’ », et donc de « s’assurer que les ASMESE [seraient] à l’avenir octroyées conformément aux critères qualitatifs prévus par le nouvel article 7, § 1er/1 » (Doc.
parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2022-2023, B-132/1, p. 8).
B.36.2. Comme il est dit en B.31.1, l’abrogation de l’alinéa 2, ancien, de l’article 6 de l’ordonnance du 24 avril 2008 par l’article 9, c), attaqué, de l’ordonnance du 15 décembre 2022
n’a pas pour effet de rendre impossible la redistribution des lits et des places : elle ne fait obstacle qu’à leur cession directe. Il sera par conséquent toujours possible, pour les établissements pour aînés, de se voir attribuer de nouveaux lits ou de nouvelles places agréés, s’ils en font la demande auprès du Collège réuni.
B.36.3. Par ailleurs, l’interdiction de principe de la cession d’ASMESE reproduite dans l’article 10, d), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 n’est pas une interdiction nouvelle : elle figurait déjà dans l’article 7, § 3, de l’ordonnance du 24 avril 2008, telle que publiée au Moniteur belge du 16 mai 2008, qui disposait :
« L’autorisation accordée ne peut être cédée sauf en cas de changement de gestionnaire de l’établissement auquel elle se rapporte et pour autant qu’elle soit concrétisée sur le même site et dans les mêmes conditions et délais ».
La législation antérieure n’a été modifiée que pour permettre au Collège réuni de refuser la cession d’une ASMESE en cas de changement de gestionnaire de l’établissement auquel elle
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se rapporte, « notamment si [la cession] revêt un caractère onéreux » (article 10, d), de l’ordonnance du 15 décembre 2022).
B.36.4. En ce qu’il ne crée aucune interdiction nouvelle et en ce qu’il offre la possibilité (et non l’obligation) au Collège réuni de refuser une cession d’ASMESE si cette dernière a un caractère onéreux, cession qui n’est possible que dans le cadre de la reprise d’un établissement par un autre gestionnaire, l’article 9, c), de l’ordonnance du 15 décembre 2022 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété.
B.37. Le troisième moyen dans l’affaire n° 8069 et le premier moyen dans l’affaire n° 8070 ne sont pas fondés.
En ce qui concerne la violation de l’article 23 de la Constitution (quatrième moyen dans l’affaire n° 8069)
B.38. La partie requérante dans l’affaire n° 8069 prend un quatrième moyen de la violation de l’article 23 de la Constitution, lu en combinaison avec ses articles 10 et 11. L’ordonnance attaquée violerait le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Le nombre de places agréées dans les établissements pour aînés est en diminution, ce qui signifie, à terme, une baisse de la capacité d’accueil des établissements pour aînés; cette capacité n’augmentera à nouveau que si les acteurs du secteur public ou du secteur privé à but non lucratif ouvrent de nouveaux établissements et consentent les investissements nécessaires à cette fin.
B.39.1. L’article 23 de la Constitution dispose :
« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
[...]
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2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et juridique;
3° le droit à un logement décent;
[...] ».
B.39.2. L’article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. À cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit à la protection de la santé et le droit à un logement décent. L’article 23 de la Constitution ne précise pas ce qu’impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l’alinéa 2 de cet article, en tenant compte des obligations correspondantes.
B.39.3. L’article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement, sans justification raisonnable, le degré de protection offert par la législation applicable.
B.39.4. En matière socio-économique, le législateur compétent dispose d’un large pouvoir d’appréciation en vue de déterminer les mesures à prendre pour tendre vers les objectifs qu’il s’est fixés.
B.40.1. Comme il est dit en B.7.1 et en B.17.1, le législateur ordonnanciel a, par l’ordonnance attaquée, entendu remédier aux dysfonctionnements du régime antérieur applicable aux établissements pour aînés. Le législateur ordonnanciel a d’abord voulu répondre de la manière la plus adéquate possible aux besoins des aînés et garantir leur liberté de choix, en assurant la qualité et l’accessibilité financière des établissements, leur répartition géographique et leur répartition entre les différents secteurs public, associatif et commercial.
B.40.2. Par ailleurs, seule la moitié des places structurellement inoccupées expire chaque année et les établissements peuvent toujours demander de nouveaux agréments et de nouvelles ASMESE, s’ils en démontrent la nécessité dans leur établissement et s’ils remplissent les conditions de qualité à cet égard (article 7 de l’ordonnance du 24 avril 2008). Il n’est pas
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dépourvu de justification raisonnable de s’assurer que les établissements pour aînés du secteur privé à but lucratif ne concentrent au maximum que la moitié des places agréées, et donc que les maisons de repos des secteurs public et privé à but non lucratif disposent, ensemble, de l’autre moitié des places, en vue de permettre aux aînés d’opter pour un établissement relevant du secteur de leur choix, ainsi que de leur assurer l’accessibilité financière des maisons de repos.
De surcroît, l’expiration des agréments libérera de l’espace dans la programmation pour le Collège réuni.
B.41. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 8069 n’est pas fondé.
En ce qui concerne la question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne
B.42. La partie requérante dans l’affaire n° 8069 demande à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne portant sur l’interprétation des articles 49 et 56 du TFUE.
B.43.1. Lorsqu’une question d’interprétation du droit de l’Union européenne est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours en vertu du droit national, cette juridiction est tenue de poser la question à la Cour de justice, conformément à l’article 267, troisième alinéa, du TFUE.
Ce renvoi n’est toutefois pas nécessaire lorsque cette juridiction a constaté que la question soulevée n’est pas pertinente, que la disposition du droit de l’Union en cause a déjà fait l’objet d’une interprétation de la part de la Cour ou que l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, 6 octobre 1982, C-283/81, CILFIT, ECLI:EU:C:1982:335, point 21; CJUE, grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi SpA, ECLI:EU:C:2021:799, point 33). À la lumière de l’article 47 de la Charte, ces motifs doivent ressortir à suffisance de la motivation de l’arrêt par lequel la juridiction refuse de poser la question préjudicielle (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, précité, point 51).
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L’exception du défaut de pertinence a pour effet que la juridiction nationale n’est pas tenue de poser une question lorsque « la question n’est pas pertinente, c’est-à-dire dans les cas où la réponse à cette question, quelle qu’elle soit, ne pourrait avoir aucune influence sur la solution du litige » (CJUE, 15 mars 2017, C-3/16, Aquino, ECLI:EU:C:2017:209, point 43; grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, précité, point 34).
L’exception selon laquelle l’interprétation correcte du droit de l’Union s’impose avec évidence implique que la juridiction nationale doit être convaincue que la même évidence s’imposerait également aux autres juridictions de dernier ressort des autres États membres et à la Cour de justice. Elle doit à cet égard tenir compte des caractéristiques propres au droit de l’Union, des difficultés particulières que présente l’interprétation de ce dernier et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l’Union. Elle doit également tenir compte des différences entre les versions linguistiques de la disposition concernée dont elle a connaissance, notamment lorsque ces divergences sont exposées par les parties et sont avérées. Enfin, elle doit également avoir égard à la terminologie propre à l’Union et aux notions autonomes dans le droit de l’Union, ainsi qu’au contexte de la disposition applicable à la lumière de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union, de ses finalités et de l’état de son évolution à la date à laquelle l’application de la disposition en cause doit être faite (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, précité, points 40-46).
Pour le surplus, une juridiction nationale statuant en dernier ressort peut s’abstenir de soumettre une question préjudicielle à la Cour « pour des motifs d’irrecevabilité propres à la procédure devant cette juridiction, sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité » (CJCE, 14 décembre 1995, C-430/93 et C-431/93, Van Schijndel et Van Veen, ECLI:EU:C:1995:441, point 17; CJUE, 15 mars 2017, C-3/16, précité, point 56; grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, précité, point 61).
B.43.2. Compte tenu de ce qui est dit en B.25.1 et B.25.2, les dispositions attaquées ne violent pas la liberté d’établissement et la libre prestation des services, de sorte qu’il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette les recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 7 novembre 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 116/2024
Date de la décision : 07/11/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-11-07;116.2024 ?

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